Alors que les incartades des proches de Robert Mugabe ne se comptent plus, la plainte déposée à Johannesburg contre la première dame pourrait bien être la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
C’est en catimini, le 20 août, qu’elle a quitté l’Afrique du Sud au côté de son mari, de passage dans le pays pour un sommet régional – dont il a d’ailleurs manqué la dernière journée. La première dame du Zimbabwe a ainsi échappé in extremis à la justice sud-africaine, à ses trousses depuis la plainte pour coups et blessures déposée contre elle une semaine auparavant par un mannequin de 20 ans, Gabriella Engels. Alors qu’une crise diplomatique couvait entre les deux voisins d’Afrique australe, Pretoria a finalement accordé à Grace Mugabe, 52 ans, l’immunité diplomatique que revendiquait pour elle Harare. Un tour de passe-passe qui provoque, depuis, une controverse dans les deux pays.
L’affaire date du 13 août. Dans un appart-hôtel de Sandton, à Johannesburg, en présence de ses deux fils, Grace Mugabe aurait frappé la jeune femme au visage avec la prise d’une rallonge électrique. Gabriella Engels, le front entaillé, porte plainte pour agression dès le lendemain.
Les circonstances de la rixe restent obscures. Grace Mugabe aurait reproché à la jeune femme sa relation avec l’un de ses fils. Or, le mannequin a affirmé n’entretenir aucun lien particulier avec les Mugabe.
Des frasques répétitives
AfriForum, une ONG sud-africaine qui a pris le parti du jeune mannequin, dénonce ce départ « en secret » et la « culture de l’impunité », qu’elle attribue à des « dirigeants corrompus qui se protègent mutuellement », annonçant son intention de faire annuler par la justice l’immunité diplomatique accordée à Grace Mugabe.
Au Zimbabwe, la principale formation d’opposition, le Mouvement pour le changement démocratique, demande que tout soit fait pour que Grace Mugabe – qu’elle qualifie de « voleuse » et de « femme violente » – réponde de ses actes devant la justice.
Dans son pays, le dernier coup d’éclat de celle qu’on y surnomme « Disgraceful » (la « scandaleuse ») n’étonne personne. Candidate controversée à la succession du « Vieux Lion » (93 ans, dont près de quarante au pouvoir), elle passe en effet pour une furie aux réactions imprévisibles.
En 2009, elle a agressé un photojournaliste britannique qui avait osé braquer sur elle son objectif à la sortie d’un hôtel cinq-étoiles de Hong Kong. En 2014, à Singapour, elle s’en prend de nouveau à des journalistes, bien décidée à les empêcher de photographier son époux au cours de son check-up médical dans un hôpital de la ville.
En 2010, WikiLeaks divulguait une note diplomatique américaine l’accusant d’avoir gagné plusieurs millions de dollars grâce à la vente illégale de diamants. Un sacré palmarès pour l’ex-secrétaire de Robert Mugabe, qui, en 1996, l’épouse en secondes noces, après avoir divorcé de son premier mari, et lui donne trois enfants : Bona, Robert Peter Jr et Bellarmine Chatunga. Habituée des scandales, Grace Mugabe voit aujourd’hui ses deux fils marcher dans ses pas.
Depuis quelques mois, les frasques de ces derniers s’étalent dans les pages des gazettes, sans pour autant qu’ils s’en émeuvent.
Au lendemain de l’ouverture de l’enquête impliquant sa mère, Robert Jr postait ainsi sur Facebook un selfie le représentant en compagnie de son cadet, légendé par ce commentaire indifférent : « Ils continuent de parler, on continue de vivre. »
Autrement dit, pour les fils Mugabe, les chiens aboient et la caravane passe. Les réactions indignées des internautes conduiront malgré tout le jeune homme à rapidement effacer son commentaire.
Les fils Mugabe : strass et paillettes
Sur les réseaux sociaux, Robert Jr, 25 ans, et Bellarmine, 20 ans, s’illustrent par l’exposition permanente de leur train de vie opulent.
Sur le compte Facebook de Bellarmine défilent ainsi vêtements griffés, grosses cylindrées et souvenirs de vacances – de Florence à Philadelphie –, entre deux clichés des membres de la famille présidentielle.
Sur Instagram, Robert Jr sévit sous le pseudonyme de « gxshxngo » (prononcez : « gushungo », le nom du totem du clan Mugabe, qui, en shona, signifie « crocodile »).
Au menu, soirées en boîte de nuit, paires de baskets onéreuses, et instantanés de matchs de basket-ball, un sport qu’il pratique assidûment. Sans oublier une galerie de selfies avec diverses stars du hip-hop américain.
En juillet, après une bagarre, les fils Mugabe sont expulsés de leur luxueux appartement sud-africain
Gageons que sa mère – également surnommée Gucci Grace, du fait de son goût immodéré pour le shopping de luxe – lui a transmis le virus. En 2016, alors qu’il réside à Dubaï, Robert Jr poste à la chaîne sur Instagram les clichés de ses virées nocturnes.
Début 2017, les deux frères sont expédiés en Afrique du Sud « pour poursuivre leurs études en toute sécurité » – dixit le gouvernement zimbabwéen. Mais le répit sera de courte durée. En juillet, une bagarre éclate dans leur appartement luxueux de Sandton.
Un agent de sécurité est blessé et le duo, aussitôt expulsé. L’altercation avait été précédée par de nombreuses plaintes du voisinage pour tapage nocturne – chez les fils Mugabe, les soirées sont largement arrosées.
Le mode de vie dispendieux des deux trublions
Peu après, les deux frères défraient une nouvelle fois la chronique. Sur internet, une vidéo montre Bellarmine, entouré d’une bande d’amis, se vantant d’être le roi de la nuit, tandis que l’un de ses compagnons boit du champagne au goulot.
De surcroît, le fils du président arbore un sweat à motif camouflage, une tenue strictement interdite aux civils zimbabwéens depuis décembre 2016 en raison de la recrudescence de cambriolages commis par des personnes se faisant passer pour des militaires.
L’audace, Grace et ses fils semblent l’avoir dans le sang. Tout comme le sentiment d’impunité
Au Zimbabwe, l’opposition crie au scandale, dénonçant les incartades et le mode de vie dispendieux des deux trublions.
« Dans un pays où la majeure partie de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, le fait que Robert Jr et Bellarmine s’affichent de façon ostentatoire, buvant de l’alcool dans des hôtels à plus de 1 000 dollars [850 euros] la nuit – ce qui équivaut à un an de salaire pour un fonctionnaire – relève du mépris », analyse McDonald Lewanika, politologue zimbabwéen établi à Londres.
En mai 2016 déjà, le jeune Bellarmine, toujours très inspiré, partageait sur Facebook cette devise transmise par ses parents : « Être fort, être soi-même et se montrer audacieux. » L’audace, Grace et ses fils semblent l’avoir dans le sang. Tout comme le sentiment d’impunité.
Avec jeuneafrique