A qui profitent les miles, ces points de fidélité accordés aux voyageurs par les compagnies aériennes ? « Au voyageurs d’affaires dont le billet est payé par son entreprise et à Air France qui lui vend des billets bien plus chers« , répond sans hésiter un voyagiste à l’occasion des Journées des Entreprises du voyage (EdV, ex-SNAV) à Lille.
En France, bon nombre de voyageurs d’affaires privilégient Air France et ce, même lorsque les billets d’autres compagnies sont plus compétitifs, afin d’obtenir le plus grand nombre de miles. En clair, plus le billet d’avion est cher (en classe Première et classe Affaires donc), plus le voyageur obtient de miles pour les échanger plus tard contre un billet d’avion dit prime qu’il utilisera à titre personnel.
Cet outil de marketing, inventé par les compagnies américaines voilà une trentaine d’années, met à mal la concurrence. Les agences de voyage sont sollicitées par des voyageurs d’affaires à qui elles proposent des offres plus avantageuses pour leur employeur-payeur, mais ils n’en veulent pas et exigent de voyager absolument sur Air France pour pouvoir cumuler leurs miles et partir gratuitement plus tard en vacances avec leur famille. Normal, peu importe le prix du voyage, c’est l’employeur qui paie ! Pour les compagnies aériennes traditionnelles, fidéliser les voyageurs d’affaires est un enjeu crucial, sachant qu’ils représentent seulement 10 % des passagers mais plus de 30 % de leurs chiffres d’affaires.
Fiscaliser les miles en France
A l’heure où les entreprises françaises cherchent à faire des économies, des voix s’élèvent pour demander une fiscalisation des miles, lesquels peuvent être considérés comme un avantage en nature accordé par l’employeur-payeur. « En France, aucune jurisprudence n’existe, et les Français sont très attachés à cet avantage… Pourtant, un billet prime acheté avec des miles constitue, de fait, un avantage en nature, déclarable en tant que tel auprès des autorités fiscales« , estime Ravindra Bhagwanani de Global Flight, cité par le site Manager Attitude.
En Allemagne (comme d’ailleurs dans les pays scandinaves), la question des miles ne se pose pas : lorsqu’un salarié se déplace en avion et que le billet est payé par sa société, cette dernière est systématiquement bénéficiaire des miles. A elle de les attribuer ensuite à qui elle veut, à tel salarié ou tel autre. Si les miles sont utilisés à titre privé par le salarié, ils sont considérés comme un avantage en nature et donc imposables au titre de l’impôt sur le revenu. L’Allemagne impose donc une fiscalité sur les miles. Autre exemple, aux Etats-Unis, la banque Citibank adresse à ses clients qui disposent d’un compte miles un résumé de leurs points accompagné d’une valeur fiscale pour transmission aux services fiscaux.
Global Flight, spécialiste de la gestion des miles, estime qu’en attribuant directement les miles aux entreprises comme c’est le cas en Allemagne, ces dernières peuvent réduire leur budget aérien, avec une économie directe de 10%, et selon les structures et les accords passés avec les compagnies aériennes, cela peut aller jusqu’à 20%.
Et dans le cas où le bénéficiaire est le voyageur, il faut taxer les miles pour limiter les abus. « Notre pays fait face à ses 2 200 milliards d’euros de dette publique, et a décidé de taxer le moindre revenu ou avantage, à l’instar des chèques-cadeaux. Oui, à l’heure où la dette publique de la France se rapproche des 100 % du PIB et où on taille dans les aides au logement, il faudrait se poser la question de la déclaration -en tant que revenu- des miles professionnels utilisés à titre personnel. Ça se pratique déjà dans les pays scandinaves et germaniques. Nous autres, agence de voyages, serions mieux à même de piloter nos ventes si le gain personnel des miles ne perturbait pas nos recommandations d’achat aux meilleurs conditions des vols avec correspondance« , dit Fabrice Dariot, patron du discounteur Bourse-des-vols.
Avec air-journal