Imaginés dans Blade Runner ou Le cinquième élément, les véhicules volants constituent un fantasme attractif en train de devenir réalité. Mais des obstacles règlementaires existent encore à leur arrivée massive au-dessus de nos têtes. Entretien avec Yves Morier, conseiller principal du directeur des certifications de l’Agence européenne de sécurité aérienne.
- Ni drones, ni avions ou hélicoptères, les VTOL ne rentrent dans aucune catégorie. Quelles peuvent être aujourd’hui les réglementations possibles ?
Yves Morier : Il est vrai que nos réglementations ne sont pas adaptées. Ces machines posent de nombreux défis règlementaires, d’autant plus que les modèles les plus élaborés seront des engins autonomes, sans pilote. Pour s’y adapter, nous envisageons d’utiliser des possibilités de flexibilité par rapport à notre règlement de base. Cela autoriserait à y déroger dans certains cas précis.
Ce seront donc des solutions d’intérim, accordées en fonction d’analyses de risque. Ces analyses s’intéresseront notamment aux conditions réelles d’opération, s’il s’agit d’une ville très peuplée ou non, aux itinéraires envisageables pour limiter le risque si une machine tombait en panne et risquait de blesser les gens au sol.
- Ces solutions vont-elles pouvoir s’adapter à la rapidité de l’industrie ?
Il y a des projets ambitieux qui envisagent une entrée en service en 2022, 2023 (c’est le cas d’UberAir NDLR). Développer une approche purement réglementaire disant : “Vous ne démarrerez que quand la réglementation sera adoptée”, ne permettra pas de tenir ces délais-là. Pour des raisons de charges de travail et de procédures à respecter, et parce qu’il s’agit d’une activité nouvelle sur laquelle on n’a pas assez d’expérience.
Or, nous gagnerions cette expérience grâce aux procédures de flexibilité. Il nous reste à discuter avec la Commission, mais ces solutions pourraient effectivement permettre de démarrer les exploitations en 2022, 2023. On doit se baser sur de l’expérience en service, des premiers essais, pour pouvoir faire par la suite une réglementation assez générale pour couvrir toutes les variantes des machines qui existent.
- Travaillez-vous en lien avec la Direction générale de l’aviation civile en France (DGAC) pour permettre des tests dans certaines zones ?
Le travail sur les taxis aériens commence juste, mais oui, nous participons par exemple à son Conseil pour les drones civils. Quand on a commencé à s’interroger sur la mise en place des activités de taxis aériens avec des échéances brèves, on a parlé des mesures de flexibilité, et la DGAC a été l’une des premières intéressées. De manière générale, nous allons devoir travailler avec toutes les autorités nationales européennes puisque la question de l’opération des engins sera de leur ressort.
- Quelles règles les VTOL devront-ils respecter ? Et comment garantir la sécurité du trafic et des usagers ?
Il devront travailler à une réduction du bruit causé par les machines. Ensuite, en fonction des analyses de risque, on pourrait par exemple déterminer une limite en nombre, notamment pour des villes très denses dont l’espace aérien alentour est déjà encombré, comme Paris. Ce serait décidé en coopération avec les Etats et leurs services de contrôle aérien. On identifie à la fois les risques au sol, ceux liés aux infrastructures dites “critiques”, et les mesures qui pourront rendre le risque acceptable. Ce sera sans doute l’un des gros points de discussion : qu’est-ce qu’on vise comme niveau de risque ?
- Justement : la multiplication de ces engins n’augmente-elle pas d’autant le risque de piratage des outils de régulation du trafic aérien ?
C’est en effet l’une de nos grandes préoccupations. L’un des gros soucis de ce type d’exploitations, si elles deviennent une flotte de multiples appareils, c’est qu’elles peuvent devenir une cible pour des hackeurs ou des gens encore plus mal intentionnés. L’aspect de cyber-sécurité sera extrêmement important et pris en compte dans les analyses de risque.