Avec l’augmentation de la capacité des batteries et les technologies de charge rapide, les véhicules électriques pourraient s’émanciper des villes à condition de pouvoir “faire le plein” facilement. La voiture électrique, éternelle citadine ou nouvelle petite baroudeuse ? Nous avons voulu vérifier.
S’offrir une escapade à quelques centaines de kilomètres de la région parisienne pour répondre à une envie de « voir la mer ». C’était presque devenu une routine jusqu’à ce que nous décidions de vivre l’expérience au volant… d’une voiture électrique. Pour ce test, nous aurions choisir une Model S ou un Model X de Tesla mais notre choix s’est volontairement porté sur un véhicule beaucoup plus abordable et plus « populaire » aussi.
Pourquoi la Nissan Leaf
En l’occurrence, c’est à bord de la nouvelle Nissan Leaf que nous avons décidé de vivre cette expérience et ce, pour plusieurs raisons.
La première : il s’agit de la nouvelle version, équipée d’une batterie 40 kWh (contre 32 kWh précédemment) qui, sans rivaliser avec les 75 ou 100 kWh des Tesla, permet à Nissan d’annoncer jusqu’à 270 km d’autonomie selon le cycle mixte WLTP (assez proche d’une consommation réelle).
La deuxième : c’est que que Nissan est l’un des partenaires du réseau de bornes Corri-Door, qui couvre notamment l’autoroute A13 empruntée lors de notre test. Les bornes installées sont donc a priori compatibles avec le système de charge rapide du constructeur.
Appelé Nissan CHAdeMO, ce système intégré à la borne délivre une puissance max de 50 kW. On est loin des 120 kW des super chargeurs Tesla, mais c’est mieux que le réseau type 2 qui délivre jusqu’à 43 kW (22 kW seulement pour une Renault Zoé) ou encore les prises conventionnelles qui se limitent à 3 kW.
La troisième : avec sa nouvelle motorisation (110 kW, équivalents à 150 ch, contre 80 kW auparavant), ses nouvelles lignes, son confort et ses technos embarquées, la Leaf nous avait fait une bonne impression lors de notre premier essai.
La quatrième : la première version de la Leaf, bien que moins endurante, moins puissante et, selon nous, moins jolie aussi, n’est autre que la voiture électrique la plus vendue au Monde. Alors avis au 31 000 personnes (environ) qui ont déjà commandé le nouveau modèle en Europe (dont 2500 en France), voilà ce qui vous attend sur les autoroutes de France… en tout cas pour une partie du réseau de charge.
Préparer son voyage
Outre le fait de partir avec une batterie chargée à 100%, nous vous recommandons vivement de jeter un œil aux stations de recharge existantes sur votre trajet. Pour cela, nous avons utilisé l’application Charge Map, qui fait plutôt référence parmi la multitude d’applications recensant les stations sur nos routes – et en Europe. Si le cœur vous en dit, il est même possible de commander le ChargeMap Pass (environ 20 euros) qui vous donnera accès à des services (paiement aux bornes, suivi de la conso, etc.) sur les bornes compatibles. Celles-ci sont clairement renseignées sur l’application.
Quoi qu’il en soit, préparer son trajet ne consiste pas juste à mémoriser les stations de charge présentes sur le trajet. Ce serait trop facile. Il faut aussi consulter les commentaires des utilisateurs (de l’application ChargeMap dans notre cas) pour s’assurer que lesdites bornes sont bien fonctionnelles. Car c’est là la principale difficulté à laquelle nous nous sommes confrontés : la qualité du réseau sur notre tronçon… mais ailleurs aussi si on en croit les commentaires.
Corri-Door : le réseau de charge payant de l’autoroute
Pour notre trajet de 240 km, on trouve sur le réseau SAPN (Autoroute Paris Normandie) des stations de charge appartenant au réseau Corri-Door. Plusieurs sociétés sont partenaires (Renault, BMW, Volkswagen ou encore ParisTech) dont Nissan, mais le badge NFC (baptisé ChargePass) que le constructeur fourni à l’achat d’un véhicule électrique et qui permet le de recharger gratuitement à certains endroit, ne vous sera pas utile sur ce réseau. Pas de remise et pas de tarif préférentiel non plus !
Une fois arrivé à la borne, il faut s’acquitter du coût de la charge auprès de Sodetrel une filiale d’EDF (paiement en ligne). Si vous comptez emprunter régulièrement le réseau Corri-Door Sodetrel, nous vous recommandons de commander un passe (à recharger régulièrement par carte de crédit) pour vous faciliter l’accès aux recharges.
Dans notre cas, nous avons systématiquement utilisé le système de paiement en ligne. Celui-ci consiste à se connecter sur un portail, fournir l’identifiant de la borne (il est renseigné dessus) et saisir son numéro de carte bancaire.
En échange, un code à six chiffres est envoyé par mail ou SMS. Il ne reste plus qu’à le saisir sur la borne pour commencer la charge. Une opération qui prend environ 10 minutes (la première fois en tout cas) à condition d’avoir une bonne connexion mobile. Le code en lui-même n’est valable que 5 minutes et vous ne serez débité que si la charge se passe bien.
Si d’aventure vous n’avez pas de smartphone ou pas assez de réseau, vous pourrez toujours vous rendre au guichet de la station-service qui vous proposera un badge comprenant 2 charges de 30 minutes. Autant vous dire que, à moins de ne pas avoir d’autre choix, il faut éviter l’achat de ce passe. En effet, Sodetrel facture 1,32 euro les 5 minutes de charge (sur le réseau 50 kW CHAdeMo), soit 7,92 euros la demi-heure.
Lors de notre test, nous avons volontairement souhaité évaluer la qualité de l’assistance téléphonique de Sodetrel. Et là, c’est une excellente surprise. Les hôtesses (il est vrai que nous n’avons eu que des femmes sur la totalité des 6 appels passés aux différentes bornes) se sont toujours montrées particulièrement aimables et promptes à répondre à nos questions.
Les électro’mobilistes essuient les plâtres
Phénomène propre à la recharge des batteries, jusqu’à environ 80% de la charge, le réseau électrique de la voiture absorbe toute la puissance délivrée par la borne. Là, c’est le bonheur. Sur le compteur du véhicule, le niveau grimpe à vue d’oeil.
Sourire aux lèvres, on quitte l’habitable pour aller se prendre un café… et on déchante finalement assez vite. Dès 70% environ, la puissance de charge commence à baisser considérablement. On l’entend d’abord au bruit de la borne qui « vrombit » bien moins fort, puis aux chiffres qui défilent beaucoup plus doucement au compteur.
Déçus par ce service pourtant fourni par une filiale d’EDF, nous les contacterons pour partager notre constat. Cette baisse de puissance significative nous oblige en effet à passer beaucoup de temps sur place pour recharger au-delà de 85%. Et forcément, comme vous êtes facturés au temps… la facture est plus salée que prévu.
A l’autre bout du fil, un responsable de Sodetrel nous répondra que c’est la voiture qui gère la puissance de la charge. Certes, nous le savons bien, sauf que cette baisse qui survient dès 70% (environ), nous ne l’avons pas constatée sur les bornes de recharge présentes sur les parkings IKEA ou Auchan que nous avons aussi utilisés lors de notre test. Oui, ces enseignes proposent des stations de recharge CHAdeMo non seulement gratuites mais aussi particulièrement rapides.
En parlant d’IKEA justement, on peut ajouter que la borne située sur le parking du magasin de Fleury-sur-Orne, nous aura carrément sauvé la mise. En effet, alors que nous avions besoin de charger, la borne de l’aire de Beuzeville sur la A13 était en panne. Tout comme celle de l’aire de Vironvay Sud, ou encore de Rosny. Des pannes d’ailleurs précisées dans l’application ChargeMap pour lesquels les équipes de Sodetrel ne trouveront, là encore, aucune explication valable à nous fournir au téléphone. « Nous intervenons aussi vite que possible. Tout dépend du planning de nos techniciens. »nous répondra Sodetrel. Sauf que pour ces bornes (et bien d’autres malheureusement), les commentaires rédigés dans l’application ChargeMap laissent penser qu’elles sont en panne depuis longtemps.
Peu de considération pour le confort des conducteurs
Alors que les bornes sont déjà rares (une tous les 80 km environ) et qu’il nous est arrivé de devoir attendre qu’un autre utilisateur libère la place pour recharger, la panne a beaucoup de mal à passer. Pour comparaison, Tesla intègre en moyenne huit points de charge sur chacune de ses stations Supercharger.
Et lorsqu’au stress provoqué par l’inquiétude de ne pouvoir rejoindre la borne suivante s’ajoute l’absence de confort de la station de charge… la moutarde nous monte au nez. En effet, aucune des six bornes que nous avons croisées ne disposait d’un abri. Lors de notre test, nous sommes restés sous la pluie tout le temps de la procédure de mise en charge.
Branchement de la voiture, saisie du code, vérification de celui-ci, lancement de la charge… il y en a pour 5 bonnes minutes, le temps d’être trempé. Faut-il préciser qu’en été, vous serez probablement en plein cagnard ? Pour conclure, nous ajouterons qu’il n’est pas rare que ces bornes soient installées dans un coin reculé du parking. Pas pratique pour garder un œil sur ses biens depuis la station-service, assez éloignée.
Le froid joue sur l’autonomie
Au final, nous aurons mis plus de 4h30 pour faire 240 km, en comptant deux charges nécessaires. Il y a en effet une donnée très importante à prendre en compte dans le cadre de notre test : le froid. Les températures étaient comprises entre 3 et 7°C : de quoi mettre un sacré coup au rendement des batteries. Calé à 130 km/h sur autoroute, avec un peu de chauffage, à deux dans l’habitacle et très peu de bagages, la consommation moyenne de notre Leaf 40 kWh est d’environ 24 kWh.
Sur un tel trajet, une seule charge intermédiaire nous aurait sans doute suffi, quitte à nous faire une petite frayeur, mais nous voulions arriver à destination avec de la réserve. Ce qui n’était pas vraiment nécessaire (on ne l’a su que plus tard) : la région Calvados dispose en effet d’un service de charge comme on aimerait en voir un peu partout.
Appelé Mobisdec, il compte 217 bornes installées aussi bien en ville qu’en bordure de la côte nord-ouest. Un totem de charge tous les 15 km environ si on en croit le site de Mobisdec et le bon goût de prévoir au moins deux points de charge et deux places. Le réseau Corri-door peut en prendre de la graine. Nous avons eu l’occasion de le tester et on a apprécié la procédure d’accès à la charge (plateforme téléphonique gratuite ou carte sans contact via abonnement) comme la puissance de 22 kW. Certes, il ne s’agit pas d’une charge super rapide, mais elle est suffisante pour des déplacements en ville tant la densité est importante. De quoi apprécier la vie en électrique.
La conduite électrique reste un plaisir
Car au final, c’est bien de cela qu’il s’agit, de plaisir… et d’économie aussi.
Le plaisir d’abord, parce que cette Nissan Leaf reste très agréable à conduire avec de bonnes relances, à vivre aussi avec un bon confort et un système hi-fi Bose (compatible Android Auto et CarPlay) de bonne facture. Et le plaisir c’est aussi de rouler en ville sans aucun bruit, ou presque.
Les économies ensuite parce que notre escapade d’environ 600 km ne nous aura coûté que 25 euros environ en recharges contre facilement deux fois plus sur un véhicule à essence. Précisons qu’en ville, la consommation se fait encore plus modeste (entre 13 et 16 kWh selon nos tests).
Mais voilà, en 2018 en France, à moins d’acheter une Tesla avec ses énormes batteries, il semble encore bien compliqué de prendre sereinement la route pour des trajets de plusieurs centaines de kilomètres. Et si les constructeurs sont tenus par le coût des batteries (plus elles sont de haute capacité, plus elles coûtent cher), à l’issue de notre périple, on se dit quand même que la qualité du réseau de charge de nos autoroutes françaises n’incite pas à basculer vers le tout électrique.
Avec 01net