«L’attention de mon département ministériel a été attirée par le fait que de nombreux opérateurs du secteur des télécommunications mènent leurs activités en violation de la règlementation en vigueur. Je tiens à rappeler que, conformément aux dispositions des articles 35 et 42 du décret du 14 juillet 2012, fixant les modalités d’établissement et ou d’exploitation des réseaux et de fourniture des services de communications électroniques soumis au régime de l’autorisation, la délivrance de licences ou de tout titre en tenant lieu, relève de la seule compétence du ministre des Postes et Télécommunications». Telle est la teneur d’un communiqué rendu public en fin de semaine dernière par Minette Libom Li Likeng, la ministre camerounaise des Postes et Télécoms.
Même si ce membre du gouvernement ne cite nommément aucune entreprise visée par sa mise en garde, des sources internes au ministère des Postes et Télécoms (Minpostel) révèlent que la sortie de la Ministre Libom Li Likeng est consécutive à l’arrivée de la firme britannique Vodafone sur le marché camerounais.
En effet, grâce à un accord de franchise conclu avec la société Northwave Sarl, détenue à 100% par Afrimax Group, Vodafone commercialise depuis quelques semaines les services de 4G LTE dans les villes de Yaoundé et Douala, qui représentent à elles seules plus de 80% du marché des télécoms au Cameroun.
Northwave Sarl, devenu Vodafone Cameroon à la suite de son partenariat avec l’opérateur télécom britannique, exploite ainsi, selon nos sources, un «titre transitoire» a lui délivré par l’Agence de régulation des télécommunications (ART) le 8 janvier 2015 ; et non par le ministre des Postes et Télécoms, seule autorité publique habilitée par la loi à délivrer des licences télécoms ou«tout titre en tenant lieu».
Aussi, révèlent nos sources, par correspondances respectives des 6, 28 et 30 septembre 2016, la Ministre Libom Li Likeng a-t-elle saisi le DG de l’ART, pour lui «faire observer que les titres transitoires délivrés par ses soins sont pris en violation de la réglementation en vigueur, et sont de nature à mettre à mal la régulation du secteur stratégique des télécommunications dans un contexte sécuritaire sensible».
Concurrence déloyale, manque-à-gagner…
Dans le même temps, apprend-on, Jean Louis Beh Mengué, le DG de l’ART, a été «sommé de publier un communiqué (…) précisant les contours de la licence octroyée à Northwave Sarl» ; laquelle licence, précisent des sources internes au Minpostel, ne saurait inclure l’exploitation «des réseaux et services LTE, qui relèvent des seules entreprises titulaires de concession».
Bien qu’à l’ART l’on justifie la délivrance de ces «titres transitoires» par «l’absence d’un certain nombre de textes, notamment celui fixant les droits d’entrée et de renouvellement des licences», d’une part, et par «le souci de ne pas bloquer ce segment de marché dont les acteurs participent à l’essor de l’économie numérique» d’autre part ; au Minpostel, l’on accuse clairement le régulateur télécoms de s’arroger les prérogatives dévolues au ministère.
Pour preuve, apprend-on, depuis 2010, «le régulateur n’a plus soumis à la signature du ministre en charge des Télécommunications, les dossiers de demande de licence, conformément à l’article 42 du décret du 14 juillet 2012 fixant les modalités d’établissement et ou d’exploitation des réseaux et de fourniture de service de communications électroniques soumis au régime de l’autorisation».
A en croire les responsables du Minpostel, cette propension du régulateur à préférer la délivrance «des titres transitoires en lieu et place des licences à certains opérateurs, en violation de la réglementation en vigueur», est préjudiciable aussi bien pour l’Etat que pour les opérateurs télécoms titulaires de concessions.
Concrètement, apprend-on, cette pratique érigée en règle par l’ART installe «une concurrence déloyale vis à vis des opérateurs concessionnaires qui ont investi d’énormes sommes d’argent pour pouvoir offrir ce type de service avec des obligations de couverture nationale» ; de même qu’elle créé un «énorme manque à gagner au trésor public, dû au non payement des droits d’entrée par les bénéficiaires des titres transitoires».