Ce sont des points communs aux grandes villes d’Asie, d’Amérique Latine et d’Afrique : une myriade d’entreprises et de start-up inventives, des centaines de millions de consommateurs, une marge de croissance énorme, mais une attractivité toujours à parfaire.
Les villes chinoises sont toujours plus nombreuses à apparaître dans le classement annuel d’AT Kearney sur le potentiel de développement des grandes villes d’affaires. Alors qu’elles n’étaient que 7 sur 60 en 2008, elles sont aujourd’hui 27 parmi les 130 villes observées par le cabinet de conseil. Contre 12 métropoles américaines seulement. Pourtant, et c’est paradoxal, aucune ne figure dans les 25 premières places. Pas même Pékin, 39e en dépit de tous les sièges sociaux installés dans le district de Chaoyang et de la dynamique insufflée par sa technopole de Zhongguancun, là où les joyaux high-tech chinois Baidu, Lenovo et Xiaomi côtoient les centres de R&D des Google, Sony ou Microsoft et les techniciens d’une foule de PME innovantes. Encore moins Shanghai, classée 51e malgré l’attractivité de sa zone franche et les milliers d’entreprises représentées dans son quartier d’affaires de Pudong.
Ces deux mégapoles phares sont loin derrière Singapour, Stockholm, Prague ou Nagoya, mais surtout à des années-lumière du poids de la Chine dans l’économie mondiale. Par où pèchent-elles alors ? Certainement pas par la capacité d’innovation d’un pays à la pointe en matière d’intelligence artificielle ou de technologies de l’information et qui a fait naître des géants de la nouvelle économie tels que Huawei, Alibaba ou Tencent, maison mère de la messagerie instantanée WeChat et du réseau social Weibo. Les perspectives de son immense marché, toujours prometteuses, ne sont pas plus en cause. “L’économie se stabilise, mais le réservoir de croissance est toujours très important. Avoir des implantations en Chine est de ce fait toujours incontournable, estime Vincent Raufast, du cabinet de conseil EY en France. Dans les années à venir, on verra une progression relativement constante de l’attractivité des quartiers d’affaires chinois.”
La Chine se suffit-elle à elle-même ou a-t-elle besoin de nous ?
C’est toute la question.
Bruno Lunghi, avocat associé au sein de PwC Société d’Avocats
Pourtant, parmi les limites à cette folle croissance, vient en premier lieu la gouvernance du pays, un brin dirigiste, et plus sûrement la toute nouvelle importance accordée au bien-être. “Quand vous regardez les prévisions météo pour la journée, et qu’on ne parle pas de soleil ou de pluie, mais de poussière dans l’air, ce n’est pas très rassurant, poursuit Bruno Lunghi, de PwC. Les candidats à l’expatriation sont sensibles à ce critère, et plus encore les nouvelles générations.”
Le pouvoir de séduction des villes chinoises reste donc largement à parfaire pour retenir les talents internationaux de la même façon que New York, Londres ou San Francisco. Mais, au fond, la Chine s’en soucie-t-elle vraiment ? “C’est toute la question, dit Bruno Lunghi. Se suffit-elle à elle-même ou a-t-elle besoin de nous ? Ce qu’on est en train de vivre avec Hong Kong, c’est la volonté d’arrimer vers l’intérieur une ville qui était tournée vers l’extérieur. Historiquement, la Chine a tendance à être tournée vers elle même.”
Par delà ce point particulier, les grandes métropoles chinoises régionales présentent quelques-uns des problèmes rencontrés par de nombreuses métropoles émergentes. La sécurité exceptée, ces villes étant, on le sait, ultra surveillées. Surdensité, pollution, embouteillages : c’est un euphémisme de dire que Mexico, Sao Paulo, Mumbai ou Lagos n’offrent pas la même qualité de vie que Berlin, Stockholm et Copenhague. Un net frein à leur attractivité, que ce soit vis-à-vis des millenials ou des cadres plus engagés dans leur vie de famille, qui ne font pas d’un passage par ces villes une priorité dans leur carrière professionnelle.
Écosytème high-tech
D’où un retard qui tarde à se combler avec les villes leaders de l’économie mondialisée. Malgré l’incroyable écosystème de start-up technologiques indiennes, Mumbai, Bangalore, Delhi et Hyderabad ne figurent qu’au-delà de la 90e place du classement Global Cities Outlook d’AT Kearney. Le constat est identique pour les grands hubs d’Amérique latine. “Le potentiel économique de Mexico est incroyable si on regarde les connexions dont elle bénéficie avec le marché nord-américain. Cependant, le climat des affaires et le mode de vie sont parfois difficiles malgré la parfaite sécurisation des principaux lieux”, souligne Bruno Lunghi, de PwC.
De la même manière, alors que l’ouverture sur l’extérieur et l’accès au financement sont stratégiques pour ne pas entraver son développement, l’Afrique ne séduit encore qu’un nombre limité d’investisseurs internationaux. Pourtant, des quartiers d’affaires montent en puissance un peu partout sur le continent, à Lagos et à Johannesbourg, les deux villes clés en Afrique subsaharienne, mais aussi à Nairobi, à Kigali, à Abidjan… Des clusters de start-up innovantes se mettent en place autour du paiement digital ou des énergies renouvelables. “Mais cela reste au niveau local. Il y a besoin de facilitateurs pour créer un écosystème permettant à ces initiatives de passer à une échelle supérieure.” Et faire mentir Georges Clémenceau et sa phrase perfide sur ces pays d’avenir qui le resteront encore longtemps.