La Cour suprême américaine a autorisé un Noir, condamné à mort en 1987, à être rejugé après avoir admis que les procureurs de l’époque avait “agi avec des motivations fondées sur les races”, en triant sur le volet un jury exclusivement de Blancs.
La Cour suprême des États-Unis a rendu lundi 23 mai un arrêt emblématique en faveur de Timothy Foster, un Noir qui avait été condamné à mort en 1987 par un jury composé de 12 Blancs, sélectionnés selon des critères racistes.
Toujours incarcéré dans le couloir de la mort, Timothy Foster avait été jugé dans l’État de Géorgie pour le meurtre d’une femme blanche. L’accusé, né en 1967 et souffrant de troubles mentaux, avait été reconnu coupable à l’unanimité.
Mais des documents accablants, obtenus tardivement par la défense du prisonnier, montrent, sur la liste des appelés tirés au sort pour faire partie des jurés, une lettre “B”, écrite à la main devant le nom des personnes noires (“Black” en anglais). Ces citoyens estampillés “B” ont été écartés du jury lors du processus contradictoire qui permet au procureur et aux avocats de récuser un certain nombre de jurés.
“Des motivations fondées sur les races”
Or, la Cour suprême, gardienne de la Constitution américaine, interdit formellement les récusations fondées sur des motifs raciaux. Mais la plupart du temps, celles-ci sont difficiles à prouver.
Lors de l’audience devant la Cour suprême, début novembre 2015, Stephen Bright, le défenseur de Foster, avait brandi la liste explosive portant les mentions “B”. Manifestement, les Noirs “ont tous été sortis du décor”, avait-il affirmé. Pire, avait dénoncé l’avocat, le procureur avait mentionné à part six personnes, dont cinq Noirs, à récuser à tout prix.
Dans son arrêt de lundi, rédigé par le président de la Cour suprême, John Roberts, la plus haute juridiction des États-Unis a conclu que “les procureurs [poursuivant Foster] ont en partie agi avec des motivations fondées sur les races quand ils ont récusé [certains jurés]”. Cette décision ouvre pour Foster la possibilité d’un nouveau procès, près de trois décennies après sa condamnation.
Discrimination encore aujourd’hui
Dans un communiqué ayant suivi l’annonce de l’arrêt, Stephen Bright a quant à lui rappelé que la sélection raciste avait été révélée “seulement car nous avions obtenu les feuillets [annotés de “B”]”. “(Mais) normalement cela ne se passe pas ainsi. La pratique des discriminations dans les récusations des jurés continue dans les tribunaux de tout le pays”, a-t-il poursuivi.
Cette décision de la Cour suprême pèsera dans le débat qui agite actuellement le système judiciaire américain, accusé de frapper avec davantage de sévérité les Noirs. Ce qui est particulièrement vrai pour la peine capitale : comptant pour 13 % de la population américaine, les Afro-américains représentent 42 % des condamnés à mort.
Par ailleurs, il est encore fréquent que des accusés, jugés dans des villes ayant 25 %, 30 %, voire 40% de Noirs, se retrouvent face à un jury 100 % blanc.
Avec AFP