La Commission européenne a rappelé hier aux compagnies aériennes que le remboursement devait rester la règle en matière de voyages ou de vols annulés, tout en les encourageant à améliorer leurs avoirs afin de soutenir le secteur frappé de plein fouet par la pandémie de Covid-19.
Lors de sa présentation le 13 mai 2020 d’un ensemble d’orientations et de recommandations visant à aider les États membres « à lever progressivement les restrictions en matière de voyages et à permettre aux entreprises du secteur touristique de rouvrir, après des mois de confinement, tout en respectant les précautions sanitaires nécessaires », la Commission a rappelé son souci de défense des consommateurs. Didier Reynders, commissaire chargé de la justice et des consommateurs, a déclaré que les consommateurs européens « peuvent être rassurés: la Commission ne réduira pas les droits qui leur sont conférés par l’UE en ce qui concerne le remboursement des voyages annulés. Nous recommandons toutefois de rendre les bons de valeur plus attractifs pour ceux qui choisissent cette option ». En cas d’annulation de vol, le voyageur doit se voir proposer soit un nouvel itinéraire, soit un remboursement qui peut prendre la forme d’un avoir seulement avec l’accord du consommateur.
C’est une déception donc pour les compagnies aériennes qui espéraient une suspension temporaire de l’obligation de remboursement, et pour les 12 pays dont la France qui avaient supplié l’Europe de faire la même chose afin d’assurer la survie du secteur. Mais la commissaire européenne aux Transports Adina Valean avait déjà rejeté le principe, et des associations de consommateurs s’étaient élevées contre cette entorse au règlement européen EU 261/2004.
Mais le recours à un avoir n’est pas pour autant rejeté en tant que tel : « nous souhaitons encourager les citoyens à opter pour le système des bons pour aider les compagnies aériennes et le secteur des transports qui traversent actuellement une passe très difficile », a déclaré Adina Valean en conférence de presse. Les compagnies aériennes et les membres de l’UE sont toutefois encouragés à améliorer cette offre commerciale : par exemple via une garantie publique ou privée sur la solvabilité des avoirs, une garantie des transporteurs sur le fait que le passager sera bien remboursé sous un an (une proposition faite entre autres par Air France), ou un assouplissement des conditions d’utilisation de l’avoir (flexibilité, transfert vers un autre voyageur ou une autre compagnie du groupe ou de l’alliance…). Selon la Commission européenne, rendre les bons plus attractifs comme alternative au remboursement « augmenterait leur acceptation par les passagers et les voyageurs. Cela contribuerait à atténuer les problèmes de liquidité des transporteurs et des organisateurs, et pourrait à terme conduire à une meilleure protection des intérêts des passagers et des voyageurs ».
Airlines for Europe (A4E), ERA (Association des compagnies régionales européennes) et l’IATA entre autres ont dénoncé hier des propositions « peu claires et non contraignantes » qui créeront plus de confusion chez les compagnies aériennes comme les passagers, à une période où « des régulations claires et décisives sont urgemment nécessaires ». Les recommandations ne sont pas contraignantes mais « suscitent certaines attentes quant aux conditions des bons. Certaines compagnies aériennes peuvent être mieux placées que d’autres sur le plan commercial pour respecter ces conditions », souligne leur communiqué commun. Et ces recommandations peuvent être mises en œuvre différemment dans différents pays, seulement partiellement ou pas du tout, « créant ainsi un risque de distorsion du marché ».
Selon ces représentants du secteur aérien, les compagnies aériennes seront confrontées à la fin du mois à « jusqu’à 9,2 milliards d’euros de remboursements en espèces » en raison d’un règlement « qui n’a jamais été conçu pour faire face aux annulations massives provoquées par une pandémie mondiale » Et la Commission a « ignoré » leur demande de modification d’urgence du règlement 261/2004 qui limite à quinze jours le délai de remboursement en cas d’annulation. « Alors que les passagers ont un droit clair au remboursement de leurs billets, nous pensons que les avoirs remboursables, ou le remboursement différé, représentent un compromis juste et raisonnable étant donné la situation de liquidité sans précédent à laquelle les compagnies aériennes sont actuellement confrontées », a déclaré Thomas Reynaert, directeur général d’A4E.
ACI Europe qui représente les aéroports du continent a été plus modéré, saluant un « cadre global visant à coordonner efficacement la restauration des services de transport et à permettre aux citoyens européens de planifier et de profiter en toute sécurité de leurs vacances d’été ». Son communiqué précise que « tant pour les compagnies aériennes que pour les aéroports, la priorité absolue dans la préparation du redémarrage des opérations est la santé et la sécurité des passagers et du personnel ». L’IATA est également signataire du texte, qui appelle les Etats européens à « suivre efficacement ces directives et coopérer activement avec les compagnies aériennes, les aéroports et les autres parties prenantes de l’aviation dans son développement et sa mise en œuvre – d’une manière qui reflète les circonstances spécifiques du transport aérien. Une approche coopérative et ouverte de la nouvelle normalité se traduira par les meilleurs résultats pour la société et l’économie ».
Selon les estimations préliminaires de l’Association européenne des agents de voyages et des tour-opérateurs (ECTAA) citées hier par la commission européenne, la pandémie pourrait entraîner une perte de 30 milliards d’euros (-60%) au premier trimestre 2020 et de 46 milliards d’euros (-90%) au deuxième trimestre, par rapport au chiffre d’affaires attendu sur la base des années précédentes.