Alors que la dépréciation du dinar tunisien s’est accélérée ces derniers jours, des initiatives gouvernementales et citoyennes tentent d’inverser la tendance. Avec pour mot d’ordre : consommer tunisien.
Le dinar tunisien, qui s’échangeait à près de 2 euros en 2015, a atteint cette semaine son niveau le plus bas historiquement à 2,70 euros. Si la chute de sa valeur inquiétait déjà au printemps 2016, sa récente accélération pousse la société civile et les autorités à intervenir.
Limiter les importations
Lors de sa visite à Sfax le 20 avril, le chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed s’est voulu rassurant en déclarant sur les ondes de Radio Sfax que la chute du dinar reflétait « l’énorme déficit commercial » du pays, mais qu’il n’y avait « pas encore lieu de paniquer. Des décisions vont être prises. Nous limiterons certaines importations, plusieurs d’entre elles étant inutiles ». Là n’est pas le problème, explique Hacemi Alaya, président du think tank économique Tema à Jeune Afrique. Celui-ci considère que « ce n’est pas la dépréciation mais l’absence totale de stimulation économique » qui est en cause.
Un conseil ministériel se tiendra prochainement pour examiner les différentes solutions pour faire face à cette chute, a annoncé Youssef Chahed.
La porte est grande ouverte aux importations en tous genres qui inondent notre marché de produits.
Dans son dernier rapport sur les évolutions économiques et monétaires pour mars 2017, la Banque centrale tunisienne (BCT) indique que le déficit de la balance commerciale s’est accentué, au cours des deux premiers mois de 2017, dépassant les 2,5 milliards de dinars contre environ 1,35 milliard au cours de la même période de 2016.
« Pendant que les professionnels tunisiens sont accablés par des taxations et des impôts supplémentaires, la porte est grande ouverte aux importations en tous genres qui inondent notre marché de produits, dont une grande partie est de mauvaise qualité », s’insurgeait Kamel Mansour, membre de la Fédération nationale du bâtiment lors d’une conférence de presse le mardi 25 avril.
En déplacement à Nabeul quelques jours plus tôt, pour l’ouverture de la Foire internationale annuelle, le ministre tunisien de l’Industrie Zied Ladhari a insisté sur la nécessité d’encourager les foires tunisiennes, au niveau national et international, en soutenant les producteurs et industriels du pays. Et ce, en consommant par exemple localement et en boycottant les produits issus de la contrebande – qui constituent, déplore-t-il, « un vrai danger pour l’économie »
Une initiative appuyée par plusieurs organisations, dont l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Dans un communiqué publié le lundi 24 avril, la centrale syndicale a appelé le gouvernement à cesser les déclarations « gratuites et irresponsables » suscitant « la panique auprès des investisseurs et [réduisant] leur confiance dans l’économie nationale » suite à l’intervention jugée peu rassurante la semaine dernière de la ministre des Finances, Lamia Zribi.
En plus d’encourager les citoyens à consommer les produits tunisiens, l’UGTT invite aussi les ressortissants tunisiens à venir passer leurs vacances d’été en Tunisie. Et recommande par ailleurs d’éviter autant que possible la hausse des prix à court terme pour compenser la dépréciation du dinar.
Des rabais pendant le Ramadan
Du 20 mai au 5 juin d’ailleurs, les prix de 30 produits connaîtront une baisse de 5 à 20%, a fait savoir à le 24 avril le président de la Chambre nationale des grandes surfaces, Hédi Bacour.
« Cet accord vise à contribuer à la préservation du pouvoir d’achat du citoyen Tunisien à l’occasion du mois saint », a-t-il déclaré à l’agence TAP.
Les produits concernés dans plus de 300 points de vente à travers le pays (Géant, Carrefour, Magasin général, Monoprix, Aziza et Mazraa market) sont principalement alimentaires − fromages, yaourts, eau minérale, huile végétale, thon, tomates en conserve, boissons gazeuses −. Les réductions s’appliqueront aussi à « l’eau de javel et à d’autres produits détergents et de nettoyage », a ajouté Hédi Bacour.
Avec jeuneafrique