Le remaniement partiel du gouvernement tunisien, décidé samedi par son chef Youssef Chahed, a provoqué un tollé aussi bien dans les milieux politiques que syndicaux.
Samedi 25 février la présidence du gouvernement a annoncé la nomination de Khalil Ghariani, figure du patronat, au portefeuille de la Fonction publique et de la gouvernance. Ahmed Adhoum, ancien ministre des domaines de l’État, reprend quant à lui le maroquin vacant du ministère des Affaires religieuses et Abdellatif Hmem, directeur général de l’Office National du Tourisme Tunisien (ONTT), devient secrétaire d’État au commerce.
Il a suffit de ce communiqué laconique pour que l’ensemble de la classe politique passe une fin de semaine houleuse.
Youssef Chahed critiqué
L’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), première centrale syndicale du pays, interprète le limogeage de Abid Briki, ancien dirigeant syndicaliste, et son remplacement à la Fonction publique et la gouvernance par Khalil Ghariani, un entrepreneur de l’organisation patronale de l’Utica, comme un camouflet. Selon la direction de l’UGTT, cette manœuvre permettrait d’accélérer le processus de privatisation des entreprises publiques et ne serait pas conforme à la feuille de route dite de Carthage, base du programme du gouvernement d’union nationale.
Dans les faits, l’UGTT perd l’un de ses hommes au sein du gouvernement, mais surtout, elle n’a pas obtenu le départ du ministre de l’Éducation, Néji Jelloul, qu’elle réclame à cor et à cri depuis plusieurs mois.
Les partis se sont également montrés critiques face à l’initiative de Youssef Chahed en soulignant ne pas avoir été consultés. Ce qui n’a pas empêché Ennahdha et Nidaa Tounes, les formations les plus importantes à l’Assemblée, de finalement réitérer leur soutien au gouvernement.
Des figures politiques comme Mohsen Marzouk et Ahmed Néjib Chebbi ont déclaré leur scepticisme quant à la solidité du gouvernement.
Les dessous du limogeage d’Abid Briki
L’ancien ministre de la Fonction publique et de la gouvernance aurait eu une altercation avec le chef du gouvernement, qui lui reproche son excès de zèle concernant l’application de la circulaire numéro 4 qui interdit aux fonctionnaires de répondre aux journalistes, sauf autorisation.
Des proches révèlent qu’il avait également le sentiment d’avoir été manipulé par l’UGTT : en le poussant dans le fauteuil ministériel, la centrale l’avait de facto empêché de participer aux élections du nouveau bureau issu du Congrès tenu fin janvier 2017.
Pour rétablir son autorité, Youssef Chahed aurait donc décidé de prendre les devants en limogeant Abid Briki, empêchant ce dernier de présenter sa démission de son propre chef.
Le départ de Fayçal Hafiane
Le secrétaire d’État au Commerce aurait été écarté pour avoir dénoncé le déséquilibre de la balance commerciale de la Tunisie, dû à l’invasion du marché par des produits turcs jugés non nécessaires pour le pays, et le laisser-faire du ministre du Commerce Zied Laadheri.
Youssef Chahed aux commandes
Dans une interview télévisée retransmise le 26 février au soir, le chef du gouvernement semblait avoir gagné en assurance et en autorité. Il a remis de l’ordre dans la maison Tunisie et s’est référé aux prérogatives que lui attribue la Constitution pour mettre fin aux discussions sur le remaniement.
Il a souligné la nécessité de cohésion au sein de l’équipe gouvernementale ainsi que l’absence de conflit réel avec l’UGTT. Mais par ce remaniement il signifie surtout, à la centrale et à ses détracteurs, qu’il est bel et bien aux commandes.
Déterminé et clair, Youssef Chahed a également annoncé une période économiquement difficile pour la Tunisie et fait le point sur les réformes structurelles en cours. Il a ainsi clos un dimanche de polémiques, en attendant un remaniement plus important dont il est toujours question.