Tendance Des stickers aux tchats, les applications de messagerie privée créent une relation plus intime avec les consommateurs. Une technologie plébiscitée qui rompt avec les codes habituels du marketing.
Plus d’un milliard de personnes utilisent Skype, Viber, Facebook Messenger, Google Hangouts, Line, WeChat, WhatsApp ou Snapchat. Depuis deux ans, les applications mobiles de messagerie instantanée connaissent un succès sans précédent, encore plus important que les réseaux sociaux. En 2018, elles pourraient passer le cap des 2 milliards d’utilisateurs, d’après eMarketer. « Ce canal est compliqué à investir [car le consommateur doit initier le contact, NDLR], affirme Marie Dollé, responsable des contenus chez Kantar Media. Mais il permet de pénétrer une sphère très intime de la vie privée. » La marque réussit à figurer parmi les contacts personnels du consommateur et est assurée que l’attention portée à ses publications sera maximum. Une aubaine pour les entreprises, qui doivent cependant agir avec précautions.
Duracell : une marque plus humaine
L’image est le premier biais par lequel les enseignes ont pénétré l’univers fermé des messageries privées. L’habitude est venue d’Asie, où les langues à base d’idéogrammes sont plus complexes à retranscrire par le biais d’un clavier. Duracell figure parmi les premières marques à utiliser l’emoji – un pictogramme qui symbolise une émotion ou un état d’esprit – et les stickers qui décrivent des situations en intégrant du son ou de la vidéo. En quelques mois, son lapin mascotte a été partagé plus de 20 millions de fois. « L’internaute se sert de ces éléments pour faire des clins d’oeil originaux au fil de ses conversations », explique Marie Dollé. La marque crée ainsi de l’engagement, ce qui l’assure d’être beaucoup plus visible auprès de son public cible. « Le taux de conversion est deux fois plus élevé qu’avec une bannière classique », assure Jonathan Levy Bencheton, cofondateur de Feeligo. Il estime que ces campagnes de stickers augmenteraient de 15 % les intentions d’achat. Pour autant, l’expert déconseille de faire apparaître tout logo commercial, sous peine de limiter l’effet viral des éléments. « Les consommateurs s’échangent volontiers les bons plans et demandent toujours la source des stickers qui leur plaisent », tempère-t-il. Massivement utilisés par les 13-30 ans, ces formats se sont largement démocratisés. « Ils donnent un côté plus humain à la marque et renforcent son statut de “love brand” », analyse Marie Dollé.
KLM, sncf.com, Transavia : un service client plus réactif
Les entreprises commencent à utiliser la messagerie privée pour la relation client. « Ce média est particulièrement adapté aux programmes de fidélité, insiste Marie Dollé. Il permet de centraliser les informations personnelles et d’ouvrir un espace de dialogue privé. » Voyages-scnf.com et KLM ont misé sur Facebook Messenger, Transavia sur WhatsApp. Les voyageurs y reçoivent leurs documents personnels et des notifications de retards, ils peuvent aussi modifier leurs réservations. « Ce canal garantit une réponse rapide, sans passer par les processus trop fermés de la relation client, constate Simon Robic, product manager chez iAdvize. Il permet d’éviter l’afflux de réclamations sur les réseaux sociaux publics. » Les chatbots, ces robots qui reproduisent les codes de la conversation, répondent aux questions récurrentes mais passent la main à un humain en cas de sujets plus complexes. « Les agents traitent ainsi une dizaine de conversations en simultané », souligne Simon Robic. Pour éviter toute expérience décevante, l’expert recommande d’informer l’internaute qu’un robot lui répond.
Wingstop, NBC, Universal : des achats facilités
Mais la véritable révolution est à venir. « On en voit déjà les prémices en Chine, où l’on peut prendre rendez-vous chez le médecin ou payer ses factures d’électricité sur WeChat », explique Marie Dollé. Aux Etats-Unis, la chaîne de restaurant Wingstop recueille les commandes sur Facebook Messenger. Le fleuriste 1800Flowers permet de composer et payer ses bouquets via l’application. « Avec la dématérialisation grandissante, cette technologie va finir par banaliser l’acte d’achat, se réjouit Rémy Pernot, expert en relation client. Les contacts humains seront réservés à des tâches nécessitant plus d’expertise comme le conseil. » Marie Dollé y voit l’occasion de se démarquer pour promouvoir ses offres et produits. Elle salue la créativité de NBC et Universal, qui ont créé le buzz, fin 2015, avec le film d’horreur « Insidious 3 ». Plus de 300.000 personnes auraient dialogué avec le robot du personnage principal du film, avant sa sortie. « Les marques ont une belle carte à jouer, mais il faudra la saisir avant que le créneau ne s’essouffle », prévient-elle.
Avec L’Entrepreneuriat