Plus de 3 millions d’enfants, soit un sur cinq, vivent sous le seuil de pauvreté en France, 30.000 sont sans domicile, 9.000 habitent des bidonvilles et 140.000 décrochent de l’école chaque année, s’alarme l’Unicef dans un rapport publié mardi.
De 2008 à 2012, 440.000 enfants supplémentaires ont plongé avec leurs familles dans la pauvreté, avec une prise en compte de l’impact de la crise « dramatiquement insuffisante », selon cette analyse de l’Unicef France sur les moins de 18 ans, intitulée « Chaque enfant compte. Partout, tout le temps » et remise aux experts du Comité des droits de l’enfant, instance de l’ONU. Beaucoup d’entre eux « cumulent les inégalités aux conséquences désastreuses pour leur avenir et celui de la société ».
Michèle Barzach, présidente de l’Unicef France, le reconnaît : « Notre rapport est un cri d’alarme qui doit pousser les autorités à agir d’urgence et de manière plus efficiente pour chaque enfant ».
L’Unicef France, qui vient d’être auditionné par le Comité des droits de l’enfant, met en lumière les zones d’ombre de l’application de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) en France, interpelle le gouvernement sur les progrès à réaliser et émet 36 recommandations concrètes.
« En dépit d’efforts considérables (…), la France échoue en partie à l’égard de l’enfance et de la jeunesse et ce sont les plus fragilisés par la pauvreté, l’exclusion sociale, les discriminations, mais aussi par cette période si particulière qu’est l’adolescence, qui en payent le plus lourd tribut », poursuit Mme Barzach dans ce rapport.
Enfants migrants
Le rapport dénonce notamment « la situation inacceptable des enfants migrants non accompagnés et/ou vivant en bidonvilles » au nombre de 8.000 à 10.000. Privés de leurs droits fondamentaux, victimes de discriminations, ces mineurs isolés étrangers « comptent parmi les plus vulnérables ». Cela conduit « à des situations indignes », alerte Mme Barzach, comme la traite des êtres humains.
Justice pénale des mineurs
Autre sujet de « forte inquiétude et de déception », la justice pénale des mineurs et l’abandon d’une réforme d’envergure. Le glissement de la justice des mineurs vers celle des adultes opéré dans les années 2000 est en contradiction avec les principes de la CIDE et l’esprit de l’ordonnance de 1945, souligne le rapport. Les tribunaux correctionnels pour mineurs n’ont ainsi toujours pas été supprimés malgré les promesses gouvernementales. L’Unicef France demande aussi qu’un seuil de responsabilité pénale soit fixé, à l’âge le plus élevé possible, sans exception prévue, et assorti d’un critère complémentaire de discernement.
Système éducatif
Le rapport fustige également le système éducatif français, qui « creuse les inégalités », ainsi que les disparités territoriales « de plus en plus marquées, particulièrement criantes en France ultra-marine ». « La stratégie globale pour l’enfance n’existe toujours pas » en France, déplore Mme Barzach. Il n’y a pas de véritable politique publique de l’enfance et de l’adolescence consolidée et articulée, ni de mécanisme de suivi et d’évaluation à la hauteur». « Nous pourrions faire beaucoup mieux avec les mêmes moyens », conclut la présidente.
Mise en œuvre des droits de l’Enfant: la France peut mieux faire
Éducation, état civil des enfants nés par GPA, interdiction des châtiments corporels… La France peut mieux faire en matière de droits des enfants, estime le Défenseur des droits dans un rapport présenté mardi.
Dans ce rapport sur la mise en œuvre de la Convention internationale des droits de l’Enfant (CIDE), le Défenseur des droits, Jacques Toubon, et son adjointe Geneviève Avenard, Défenseure des enfants, portent une appréciation « en demi-teinte » sur l’exercice effectif des droits de l’enfant. Ils soulignent « des difficultés importantes d’accès à leurs droits pour les enfants les plus vulnérables » : enfants pauvres, handicapés, étrangers.
Adoptée par les Nations unies il y a 25 ans, le 20 novembre 1989, cette Convention a été ratifiée par la France en 1990. Le protocole de 2011, qui autorise un enfant à saisir directement le Comité des droits de l’ONU, a été signé par le gouvernement en novembre 2014.
Toubon et Mme Avenard constatent une «certaine méconnaissance» du texte en France, et « une insuffisante prise en compte de ses principes fondamentaux dans les politiques publiques et les pratiques ». M. Toubon et Mme Avenard souhaitent également voir « privilégié » dans le calendrier parlementaire l’aboutissement de la proposition de loi sur la protection de l’enfance (ndlr : adoptée en première lecture au Sénat et à l’Assemblée) et du projet de loi sur la justice des mineurs (ndlr : toujours en gestation).
Les auteurs du rapport insistent particulièrement sur « le droit à l’éducation ». Ils préconisent d’introduire l’enseignement du droit dans les collèges et lycées, demandent « la scolarisation effective de tous les enfants en âge d’être scolarisés, quelle que soit leur origine », ainsi que des mesures pour améliorer la scolarisation ou l’accueil en établissements spécialisés des enfants handicapés.
Parmi leurs autres recommandations, ils demandent au gouvernement de prendre les mesures pouvant « garantir » à l’enfant né à l’étranger d’une gestation pour autrui (GPA) la possibilité de faire établir sa filiation.
Et ils souhaitent que soit « inscrite dans la loi » la prohibition des châtiments corporels « dans tous les contextes », y compris au sein de la famille.
MAXWELL / Source : lavoixdunord