Star de l’Internet des années 1990, portail d’entrée du Web mondial pendant des années, Yahoo! doit désormais se réinventer. La faute à un long déclin et à des virages mal négociés.
A l’heure du bilan de Marissa Meyer, le mal à l’origine du déclin de Yahoo! – qui vient d’être racheté près de 5 milliards de dollars par Verizon – apparaît bien plus profond. Si le renouveau amorcé lors de l’arrivée de la jeune patronne il y a quatre ans ne s’est pas confirmé, son échec est aussi le résultat d’une suite d’hésitations et d’erreurs stratégiques depuis près de vingt ans.
La recherche en ligne sous-estimée
Yahoo! n’a jamais réellement su se positionner sur le marché de la recherche en ligne. Pionnier du secteur, celui qui est alors l’acteur dominant d’Internet rejette une offre de collaboration de deux étudiants de Stanford, qui viennent de créer leur propre moteur, Google, et qui recherchent des financements…
Peu à peu, Yahoo! voit pourtant la technologie de Google le supplanter, mais s’entête à s’appuyer sur ses propres résultats de recherche. Et, alors que Yahoo! a racheté le pionnier des liens sponsorisés, Overture, c’est Google qui tire les profits de ce gigantesque marché, qui génère encore aujourd’hui la majorité des revenus publicitaires sur Internet. Pire : Yahoo! a eu l’opportunité de racheter Google en 2002.
Il en propose alors 3 milliards de dollars, quand Google en attend 5 milliards (100 fois moins que sa capitalisation boursière actuelle). Le rachat ne se fera pas, mais Yahoo! et Google signeront un partenariat sur les résultats de recherche… très avantageux pour Google, qui siphonnera en quelque sorte les revenus de Yahoo!, en échange de sa technologie. A un moment où les investissements en R&D sont hautement stratégiques.
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Un mariage raté avec Microsoft
Quelques années plus tard, les rôles sont inversés. C’est Yahoo! qui se retrouve dans la position du chassé. Mais, là encore, le deal ne se fera pas. Début 2008, Microsoft lance une offre publique d’achat non sollicitée sur Yahoo! , pour un montant total de 44,6 milliards de dollars, soit une prime de 62% par rapport au prix du marché, à l’époque. Yahoo! résiste, sous la pression de Jerry Yang.
Le co-fondateur revenu aux manettes l’année précédente souhaite plus que tout conserver l’indépendance de la société, même face à un Google déjà dominant. Au printemps, après plusieurs semaines de lutte acharnée, Microsoft jette l’éponge. Yang reparti, la nouvelle patronne Carol Bartz négocie avec Microsoft un Yalta des activités : à Microsoft les activités de recherche avec Bing, à Yahoo! la commercialisation des espaces publicitaires
Un accord qui ne portera jamais réellement ses fruits et que Marissa Meyer qualifiera pudiquement de « décevant ». Durant ces années d’hésitations, Yahoo! ratera une autre opportunité : Facebook, pour qui Mark Zuckerberg a refusé un milliard de dollars… Et n’anticipera pas le virage du mobile.
Des services en ligne mal intégrés
A son arrivée, Marissa Meyer reprend une tradition ancienne chez Yahoo!, mise un peu entre parenthèses avant elle : celle des acquisitions (et des acquisitions plutôt mal gérées…) Déjà en 2005, le géant avait racheté Flickr, un service de partage de photos très populaire qui a depuis, périclité, au point que Yahoo! s’est récemment posé la question de sa fermeture.
L’ex-cadre de Google se lance dans une série d’acquisitions censées doper l’innovation et redonner un coup de jeune à Yahoo!. Symbole de cette nouvelle vague : Tumblr, arraché 1,1 milliard de dollars en 2013.
La plate-forme de publication est alors au sommet de sa popularité, se positionnant à la fin du mouvement des blogs et au début de l’explosion des gifs animés. Mais cette popularité s’essouffle et Yahoo! ne parvient pas à l’intégrer réellement à son offre. Plus globalement, c’est toute la stratégie d’acquisitions de la société qui est remise en cause.
avec lesechos