La Banque africaine de développement (BAD) a appelé les pays africains à appliquer l’accord « pour un ciel ouvert » de Yamoussoukro relatif aux droits de trafic aérien, conclu en 1999. Pour le président de la banque panafricaine, cela permettra de libéraliser et donc accroître la compétitivité du marché de l’aviation du continent. Actuellement, seuls 20 pays ont ratifié l’accord sans pour autant le rendre effectif, ce qui plombe la dynamique du secteur malgré son potentiel et sa contribution à la croissance et au PIB africain.
Il y a près de deux décennies, les chefs d’Etat africains se sont engagés à libéraliser le ciel africain. C’était « l’Accord de Yamoussoukro » de 1999 qui depuis est resté lettre morte puisqu’à ce jour, seuls 20 pays l’ont ratifié sans que sa mise en œuvre ne soit encore effective même au sein de ceux-ci.
Cette situation plombe la dynamique du secteur aérien continental comme l’a mis en exergue le président de la BAD, Akinwumi Adesina, à l’occasion de la tenue de la 3e édition du Forum aéronautique mondial de l’OACI qui s’est tenu du 20 au 22 novembre à Abuja au Nigeria. « La rigidité des accords bilatéraux s’appliquant aux services aériens a rendu difficile la libéralisation des marchés de l’aviation de la région. Nous devons rendre les marchés de l’aviation régionale compétitifs et abaisser les coûts, dégager une meilleure rentabilité et améliorer les connexions et les facilités » a déclaré Adesina qui n’a pas manqué de relever la contribution du transport aérien à la croissance économique du continent en ce sens qu’il favorise le commerce, les investissements et le tourisme. Selon le président de la BAD, la contribution actuelle de l’industrie aéronautique de l’Afrique au PIB annuel du continent s’élève à 73 milliards de dollars, et elle donne emploie environ 7 millions de personnes, soit à 130 000 nationaux en moyenne par pays.
Selon les prévisions, l’industrie aéronautique devrait croître de 5 % par an au cours des deux prochaines décennies. Le secteur a déjà fourni des prestations à 120 millions de passagers en 2015, un nombre qui va tripler pour atteindre 300 millions de passagers d’ici 2035, a fait ressortir Adesina pour qui il s’agit-là de « bonnes nouvelles ». Malheureusement a-t-il tempéré par la suite, cette croissance de l’aviation est freinée par des cadres réglementaires très restrictifs qui limitent la taille des marchés et la rentabilité, et qui font augmenter les coûts.
« Rien que pour le décollage des aéronefs, les frais en Afrique sont de 30 % supérieurs à la moyenne mondiale. Les autres frais notamment les taxes, redevances et droits, sont de 8 % plus élevés. Compte tenu des faibles revenus par tête en Afrique, les prix élevés empêchent tout simplement les pauvres de voyager ! Nous avons peut-être une politique de ciel ouvert, mais nous nous retrouvons avec un ciel vide ! »
Opportunités de croissance
La non-application de l’Accord de Yamoussokro en faveur d’un « Open Sky » africain profite pour l’heure aux compagnies aériennes internationales étrangères qui s’adjugent entre 60 et 70% du trafic entre l’Afrique et les autres régions du monde. Un manque à gagner pour les Etats et les acteurs africains d’autant plus qu’il reste du travail à faire pour tirer pleinement profit du potentiel de l’industrie du secteur. La BAD qui a par exemple qui a inscrit le développement de l’aviation africaine parmi ses champs d’interventions, plaide en faveur de l’augmentation des capacités des terminaux d’aéroports.
Il s’agit de viser à accroître le nombre de passagers, à développer des plates-formes aériennes pour l’amélioration des connexions, et à moderniser les services d’aide à la navigation aérienne et de contrôle du trafic en vue d’un renforcement de la sécurité. « Les technologies de pointe comme celles utilisées dans les services d’aide à la navigation aérienne sont maintenant plus accessibles et dispensent de la nécessité de disposer d’infrastructures au sol, ce qui permet de desservir des régions éloignées avec des radars. Nous devons aussi développer en Afrique même des services de maintenance d’aéronefs et renforcer les organismes de sécurité aérienne régionaux et sous-régionaux », a souligné son président.
Selon Adesina, au cours des 10 dernières années, plus d’un milliard de dollars ont été investis par son institution dans le secteur de l’aviation. Les investissements de la Banque sont notamment intervenus, dans la construction d’aéroports modernes et des prolongements de terminaux au Sénégal, au Maroc, au Kenya, au Ghana, en Égypte et au Cap-Vert, ainsi que l’amélioration des systèmes aéroportuaires de navigation aérienne en République démocratique du Congo.
Nouvelle stratégie de développement
Certains pays ont déjà pris conscience des effets positifs induits par la modernisation du secteur afin de le mettre au diapason des standards internationaux comme le Nigeria qui a récemment obtenu la certification de deux aéroports, ceux d’Abuja et de Lagos, par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) après qu’ils soient devenus conformes aux normes mondiales.
Le pays est actuellement le seul à posséder deux aéroports agréés par l’OACI en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Dans ce cadre, la BAD ambitionne d’assister 20 aéroports à l’obtention de certifications des normes de sûreté et de sécurité de l’OACI d’ici 2019. Selon l’annonce faite par son président, la Banque travaille actuellement sur un nouveau cadre pour le secteur de l’aviation afin d’apporter son aide à la redynamisation de l’industrie aéronautique en Afrique, a-t-il ajouté. En compagnie d’autres partenaires, la nouvelle stratégie visera à l’établissement de facilités permettant d’écarter les risques afférents au financement des acquisitions d’appareils, à la modernisation des aéroports, au renforcement de la sécurité aérienne et de la navigation au niveau régional, et à la déréglementation de l’industrie aéronautique pour la rendre plus performante et efficace.
Il reste qu’en dépit de ces annonces et des ses perspectives, les Etats africains doivent concrétiser leurs promesses afin d’accompagner la dynamique du secteur. Malgré le potentiel vanté de l’Open Sky, seuls les pays disposant de compagnies de grande envergure (Maroc, Afrique du Sud, Kenya, Ethiopie ou Egypte) se sont montré jusque-là les plus favorables en raison du bénéfice qu’ils tireront dans l’instauration d’un « ciel ouvert africain ». La création d’un espace aérien unique sur le continent risque donc d’attendre encore au regard des hésitations alors que même l’Association des compagnies aériennes africaines (AFRAA) ne cesse de plaider en faveur de l’Accord de Yamoussoukro pour une plus grande libéralisation du secteur aérien afin de renforcer sa compétitivité et aussi promouvoir l’intégration intra-régionale.
Avec latribuneafrique