Selon un rapport de la Banque mondiale, les détenteurs de compte de paiement mobile (24%) ont dépassé les détenteurs de comptes bancaires (15 %) en 2014 en Côte d’Ivoire. A Abidjan, capitale économique, des agences de dépôt et de transfert d’argent par téléphone fleurissent au grand dam des institutions bancaires qui privilégient les clients d’un tout autre genre que les petits épargnants et rendent plus difficile la volonté de la BCEAO (Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest) d’élever le taux de bancarisation, malgré les 19 mesures adoptées pour la cause.
Plus de comptes mobiles que de comptes bancaires
Selon l’Autorité de régulation des télécommunications (ARTCI), 7,2 millions des 24 millions d’abonnés au réseau de téléphonie mobile avaient un compte de paiement mobile. Cela a influé au cours du premier semestre 2015 sur les recettes des retraits, les transferts et les paiements de factures, qui ont atteint 17 milliards FCFA, révèle le rapport de la Banque mondiale. Le gouvernement ivoirien situe le volume des transactions entre 8 et 17 milliards de francs CFA par jour.
« Je dispose d’un compte de mobile money, il me permet d’effectuer des transferts d’argent à mes proches sans que cela nécessite des déplacements aux coûts souvent exorbitants ou encore de recourir à des banques institutionnelles », confie Josiane Yao, citée par l’agence chinoise Xinhua. Le pays se retrouve à la cinquième place d’Afrique derrière le Kenya (58 %), la Somalie (37 %), l’Ouganda (35 %) et la Tanzanie (32 %).
Avec le paiement mobile, « nous n’avons pas besoin de perdre de temps, dans tous les recoins on trouve un kiosque de dépôt et de transfert d’argent », note Yvonne A. Désiré R., une habituée du paiement mobile. Le gain en temps est ici mis en exergue. « C’est pratique, nous gagnons en temps avec le mobile money, contrairement aux banques institutionnelles », dit-il. Conclusion, son compte mobile money a « quasiment » pris le dessus sur son compte bancaire.
1 numéro de téléphone = 1 compte de mobile money
Le marché des transactions par mobile est disputé par les trois sociétés de téléphonie mobile que sont Orange, MTN et Mov. Les abonnés à ces réseaux vont parfois jusqu’à avoir un compte pour chaque compagnie. « J’ai un compte mobile money de chacune des maisons, cela traduit de mon affection pour cette nouvelle banque », confie Fatou Ouattara, commerçante marché d’Adjamé.
Malgré la présence des cybercriminels communément appelés « brouteurs », l’engouement pour les paiements et autres transactions par mobile prend de l’ampleur dans le pays où, selon la Banque mondiale, « seul un épargnant sur huit choisit de placer ses économies dans une banque ou un établissement financier ».
« Si je l’avais (garantie), je n’aurais pas besoin d’une banque »
Ce retournement de situation pourrait être perçu comme une défiance des Ivoiriens envers les banques du pays. « La réticence des Ivoiriens s’explique en partie par la crise politique qui a rompu les liens de confiance entre les épargnants et leurs banques. Elle provient aussi de la défaillance historique de plusieurs banques publiques qui sont susceptibles d’être fermées, restructurées ou privatisées », explique Jacques Morisset, économiste en chef à la Banque mondiale et auteur du rapport sur le thème La course vers l’émergence : pourquoi la Côte d’Ivoire doit ajuster son système financier.
« Aucune banque ne respecte ces mesures ».
Au siège, à Bretton Woods, on lie également la réticence au fait que la détention d’un compte bancaire n’est pas une garantie pour obtenir un crédit et pour cause les banques privilégient les grandes entreprises. « Quand je veux emprunter de l’argent à la banque, on me demande de faire un dépôt à hauteur de la garantie bancaire que je souhaite avoir. Si je l’avais, je n’aurais pas besoin d’une banque », s’irrite Hassan Coulibaly Amara, grossiste en riz basé à Abidjan.
Un exemple qui illustre à lui seul la méfiance et même la défiance des épargnants vis-à-vis des banques. Des positions qui ont poussé la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à adopter en octobre 2014 « 19 mesures » de gratuité, question de contribuer à l’élévation du taux de bancarisation de la région.
Une initiative qui, à en croire Famara Cissé, président de l’Association des clients et sociétaires des institutions financières (Acsif), une organisation de consommateurs basée à Dakar et citée par le site Ouestaf.com, n’a eu d’influence parce qu’« aucune banque ne respecte ces mesures ».
Avec lesaffairesbf