C’est un mercredi pas tout à fait comme les autres, à Mombasa. En ce début d’après-midi du 31 mai, des responsables kényans et chinois s’affairent, des journalistes avec leur caméra braquée tentent de capturer les images, mais aussi des badauds venus s’amasser autour du tout flambant neuf train du Standard Gauge Raiway dans lequel vient de monter le président Kenyatta. Le tout sous le regard d’une statue en bronze de Zheng He, un amiral chinois qui a mené des expéditions en Afrique au XVe siècle. C’est le plus grand projet d’infrastructure accompli au Kenya depuis son indépendance en 1963. Une ligne ferroviaire reliant la capitale Nairobi à son port de Mombasa, sur l’océan Indien. De quoi repositionner le Kenya comme porte d’entrée de l’Afrique de l’Est.
Bordé par l’océan Indien à l’est et traversé par l’équateur, le Kenya est la quatrième puissance économique de l’Afrique subsaharienne bénéficiant d’une croissance entre 5 et 6 %, selon la Banque africaine de développement (BAD), tirée par la consommation privée, et un bassin de plus de 200 millions de consommateurs. Le pays est la première puissance d’Afrique de l’Est. En plus d’être devenu en seulement quelques années le partenaire privilégié de la Chine. Pour preuve, ce projet pharaonique est décrié par plusieurs ONG kényanes mais aussi par des membres de l’opposition qui continuent de critiquer dans la presse son coût. Leur crainte ? Qu’à terme ce projet ne devienne un éléphant blanc, surtout que la concession revient pour dix ans à la Chine.
Nairobi-Mombasa : ce qu’il faut retenir sur le nouveau train express
D’une capacité de 1 260 passagers, les 472 kilomètres de rail financés et construits principalement par la Chine doivent remplacer le « Lunatic Express », la ligne construite par le colon britannique. Le nouveau SGR offre désormais une alternative compétitive au pénible voyage sur une des routes les plus dangereuses du pays. Le trajet par la route prend généralement deux jours aux camions, alors que le nouveau trajet en train dure cinq heures pour le transport de passagers, et huit pour les marchandises.
Le train a été surnommé « Madaraka Express », en référence à la promesse faite récemment par M. Kenyatta d’inaugurer le SGR avant le 1er juin, jour férié au Kenya nommé Madaraka Day (jour de la liberté en swahili) et célébrant l’établissement d’une république autonome au Kenya en 1963, en amont de l’indépendance. Le prix du ticket est fixé à 700 shillings (6 euros), soit le moins cher pour un aller simple Nairobi-Mombasa.

Totalisant un investissement de 3,8 milliards de dollars, c’est la China Communications Construction Company (CCCC) qui gérera le service pendant dix ans, avant de céder la main à un opérateur local. La construction du chemin de fer a commencé en décembre 2014 sous le contrôle de la société chinoise Road and Bridge Corporation (CRBC). D’après le gouvernement kényan, le nouveau train express fera augmenter le PIB du Kenya de 1,5 % par an, il valorisera l’industrialisation et favorisera les investissements le long de la route, tout en réduisant le coût du transport.
La Chine déploie ses tentacules dans l’Est africain
La construction de cette ligne reliant la capitale kényane au plus grand port d’Afrique de l’Est est la première étape d’un grand plan visant à construire un réseau ferroviaire est-africain qui reliera le Kenya à l’Ouganda, au Rwanda, au Burundi et au Soudan du Sud. Uhuru Kenyatta voit surtout en ce projet son legs majeur en tant que président. Selon la CRBC, depuis février 2016, ce projet emploie un effectif total de 19 858 personnes au Kenya, les sous-traitants locaux du projet emploient 6 430 personnes supplémentaires, et 3 886 personnes supplémentaires pour les fournisseurs. Au total, c’est plus de 38 000 personnes, dont 25 000 ouvriers ou superviseurs, qui ont travaillé sur le chantier.

« En Chine on dit souvent : Pour devenir riche, il faut construire d’abord une route, et cela se vérifie également pour l’Afrique », a commenté récemment Lin Songtian, directeur du département des Affaires africaines au ministère chinois des Affaires étrangères, dans une interview à Xinhua. La Chine est le plus grand partenaire commercial du Kenya, et un bailleur de fonds pour ce pays. Le Standard Gauge Railway a été financé à 90 % par un prêt octroyé par la banque chinoise Eximbank. Kenyatta, l’un des deux leaders africains qui ont assisté à un sommet officiel sur l’initiative « la nouvelle Route de la Soie » à Pékin début mai. Il a obtenu pour le Kenya d’autres fonds de 3,6 milliards de dollars pour étendre la ligne sur 250 kilomètres (155 milles), entre Naivasha dans le centre du Kenya et Kisumu à l’ouest.
Avec lepoint