Les journalistes du FT partagent leurs prédictions sur le Brexit, l’Europe, l’Inde, le Japon, la croissance, le cours du baril, Macron, Merkel, Trump, Tesla et le Mondial de football.
Theresa May restera-t-elle Premier ministre en 2018 ?
Oui. Mme May a perdu à peu près toute son autorité par son élection législative anticipée et mal inspirée. Mais ces derniers mois ont été plus doux. La signature du protocole de divorce du Brexit lui assure de conserver son job à court terme. Jusqu’à la déclaration officielle du Brexit en 2019, ou si des alternatives intéressantes apparaissent entre-temps, le Parti conservateur la maintiendra là où elle est. Les partisans du Remain (Rester dans l’Europe) comme ceux du Leave (partir) souhaitent éviter la guerre civile qui éclaterait s’ils montaient au créneau contre elle. Ce qui était considéré comme une position intenable se révèle finalement être soutenable, à un point surprenant.
Sebastian Payne, FT
“Les partisans du Remain (Rester dans l’Europe) comme ceux du Leave (partir) souhaitent éviter la guerre civile qui éclaterait s’ils montaient au créneau contre elle”
L’économie britannique connaîtra-t-elle la plus faible croissance du G7 ?
Non. Naturellement, tout est possible, mais grâce à un peu de chance, Mme May est désormais assurée que le Royaume-Uni ne tombera pas de la falaise ‘No deal’ (Aucun accord) en 2019. En décembre 2017, le pronostic était une croissance de 1,5 % en 2018. Ses prévisions pour le Japon et l’Italie étaient encore plus faibles : 1,3 %. La probabilité que le Royaume-Uni soit l’économie lanterne rouge du G7 l’an prochain est d’environ un pour 4.
Martin Wolf, FT
Emmanuel Macron obtiendra-t-il de la chancelière Angela Merkel un accord sur un budget de la zone euro ?
Non. Mme Merkel peut accepter un petit fonds d’investissement de la zone euro, mais c’est peu au regard des ambitions du président français. M. Macron veut une feuille de route pour l’élaboration d’un budget équivalent à plusieurs points de pourcentage de la production de la zone euro, géré par un ministre des Finances dédié, pour absorber les chocs économiques. Mme Merkel serait prête à acquiescer, mais elle est sortie politiquement affaiblie des élections fédérales et n’est pas en mesure d’imposer une telle décision auprès de ses concitoyens, globalement sceptiques.
Anne-Sylvaine Chassany, FT
“Mme Merkel n’est pas en mesure d’imposer une telle décision auprès de ses concitoyens, globalement sceptiques”
Les démocrates américains remporteront-ils la majorité à la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat ?
Oui, d’un souffle. Les démocrates doivent gagner 24 sièges supplémentaires, ce qui signifie qu’ils doivent se maintenir dans les douze circonscriptions démocrates où Trump s’est imposé en 2016, et remporter les 23 circonscriptions républicaines qui ont voté en majorité pour Hillary Clinton, plus une ou deux autres, pour faire bonne mesure. Les probabilités ne sont pas en faveur du camp démocrate, mais l’Histoire, oui. Le parti du président perd presque toujours des sièges à la Chambre lors des élections de mi-mandat, et en perd parfois beaucoup, surtout quand le président a un taux de satisfaction inférieur à 50 % (comme Barack Obama en 2010).
Courtney Weaver, FT
Une procédure d’impeachment sera-t-elle lancée contreDonald Trump ?
Oui. Les démocrates reprendront la majorité à la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat de novembre prochain. Même s’ils ne seront techniquement pas opérationnels avant janvier 2019, ils ne perdront pas de temps à préparer la paperasse à présenter à la commission des affaires judiciaires de la Chambre. M. Trump criera à la “chasse aux sorcières”. Mais une année supplémentaire de cette présidence surréaliste rend inévitable pour les démocrates de faire campagne sur la promesse de lui demander des comptes. Les découvertes que fera le procureur spécial Robert Mueller lors de l’enquête en cours, quelles qu’elles soient, ne dresseront pas assez de républicains contre lui avant cette échéance.
Edward Luce, FT
“Une année supplémentaire de cette présidence surréaliste rend inévitable pour les démocrates de faire campagne sur la promesse de lui demander des comptes”
Trump déclenchera-t-il une guerre commerciale avec la Chine ?
Oui. En 2018, le président Trump respectera certaines de ses promesses électorales protectionnistes, en prenant des mesures de rétorsion contre la Chine. Le déclencheur le plus probable sera la publication des rapports que l’administration Trump a commandés sur de supposés vols de propriété intellectuelle commis par la Chine, et sur les subventions de l’État à sa production d’acier et d’aluminium. Le président, galvanisé par son équipe du département du Commerce, prendra probablement des mesures de rétorsion, dont des droits de douane. Que cela devienne la première offensive d’une guerre commerciale dépendra de la réaction de la Chine. Si la Chine décide d’imposer des droits de douane en représailles, ou traîne l’Amérique devant l’Organisation mondiale du commerce, les hostilités seront ouvertes.
Gideon Rachman, FT
Le taux de croissance annoncé de la Chine dépassera-t-il les 6,5 % ?
Oui, même si le PIB réel ne les dépassera pas. Les supputations sur le PIB réel de la Chine, opposées aux chiffres officiels, ont créé une véritable petite industrie d’experts spécialisés. Les chiffres officiels sont étonnamment stables et sereins, grâce à un “lissage” des autorités qui adaptent les chiffres aux objectifs de croissance. De cette façon, même si la croissance chute effectivement en 2018, le taux officiel de croissance devrait presque certainement dépasser le pourcentage décidé par avance de 6,5 %.
Jamil Anderlini, FT
La Banque du Japon durcira-t-elle sa politique monétaire ?
Non. La vie sera plus difficile pour la Banque du Japon en 2018 car la Fed américaine resserre sa politique monétaire et creuse l’écart avec le taux d’intérêt japonais. Mais le gouverneur de la banque, Haruhiko Kuroda, est déterminé à ne relever les taux d’intérêt que dans une unique éventualité : l’inflation. La Banque du Japon pourrait laisser l’écart se creuser un peu si les prix commencent à grimper, mais les taux d’intérêt réels au Japon ne finiront pas l’année 2018 en hausse par rapport aux taux de janvier.
Robin Hardin, FT
La croissance du PIB des marchés émergents dépassera-t-elle les 5 % ?
Oui. La Fed américaine va probablement relever les taux d’intérêt en quelques occasions en 2018, et le commerce devrait donc traverser des turbulences dans les marchés émergents. On pourra parfois se croire dans un remake du “taper tantrum” [crise occasionnée par le relèvement des rendements des bonds, ndt] de 2013. Néanmoins, la croissance moyenne du PIB augmentera à 5 %, en se basant sur les prévisions à 4,7 % pour l’année. La hausse sera principalement due à la Russie et au Brésil, qui rebondiront après un creux.
James Kynge, FT
“La hausse sera principalement due à la Russie et au Brésil, qui rebondiront après un creux.”
Le Premier ministre indien Narendra Modi lancera-t-il des expériences économiques peu orthodoxes ?
Oui. La décision brutale de M. Modi de retirer de la circulation les billets de banque à valeur faciale élevée a été un choc violent et a gravement perturbé l’économie indienne. Mais les bénéfices politiques induits sont très élevés : l’image du Premier ministre est maintenant celle d’un dirigeant énergique, prêt à engager une vraie guerre contre la corruption. Les prochaines élections générales auront lieu en 2019. M. Modi sera tenté de produire un big bang supplémentaire pour impressionner les électeurs. Préparez-vous à des actions spectaculaires contre les riches prête-noms qui détiennent des biens immobiliers de ceux qui préfèrent dissimuler leurs avoirs.
Amy Kazmin, FT
Le groupe pétrolier saoudien Aramco va-t-il lancer son introduction en bourse sur une place financière étrangère ?
Non. Ce qui a été annoncé comme l’introduction en bourse la plus importante de l’histoire est la pierre angulaire des réformes économiques voulues par le dirigeant de facto du royaume, le prince Mohammed ben Salam. Il faut donc que la chose se fasse. Les actions Aramco seront cotées sur la bourse locale. Le volet international de l’opération ne devrait pas être une introduction sur les marchés publics. Donald Trump a fait du lobbying pour Wall Street, et Londres déroule le tapis rouge. Hong Kong et Tokyo sont également des options étudiées. Mais les Saoudiens finiront par choisir une vente privée ou, s’ils choisissent la cotation sur une bourse étrangère, ce sera plus tard qu’escompté.
Roula Khalaf, FT
José Antonio Meade sera-t-il le prochain président du Mexique ?
Oui. M. Meade est le candidat du parti historique de gouvernement, le Parti révolutionnaire institutionnel, ou PRI. Son principal rival est Andrés Manuel López Obrador, candidat de l’extrême gauche, capable d’enflammer les foules. M. Meade doit franchir de nombreux obstacles : il aura du mal à convaincre les électeurs qu’ils peuvent lui faire confiance depuis qu’il a augmenté de 20 % le prix de l’essence à la pompe, du jour au lendemain, ce qui a provoqué une flambée d’inflation. Il devra aussi prouver qu’il décide par lui-même et qu’il n’est pas seulement un clone de l’actuel gouvernement. Ce dernier, impopulaire, a échoué de façon spectaculaire à endiguer la corruption et la criminalité. Mais avec la formidable machine du parti PRI derrière lui, M. Meade pourrait se révéler imbattable. Dans le système électoral mexicain d’élection à un seul tour, 30 % des suffrages pourraient lui suffire.
Jude Webber, FT
Le nouveau dirigeant du Zimbabwe organisera-t-il (et gagnera-t-il) des élections libres ?
Non. Après avoir mis un terme aux 37 ans de règne de Robert Mugabe – avec un petit coup de main de l’armée –, Emmerson Mnangagwa a promis d’organiser des élections libres en 2018. Ce qui soulève un problème : il pourrait perdre. Il doit au moins prétendre que les élections sont libres et équitables, car il a besoin des crédits des bailleurs de fonds internationaux pour remettre sur pied l’économie. Ce qui signifie des réformes économiques, et un risque d’échec électoral de son parti, le peu populaire Zanu-PF. Même si M. Mnangagwa est prêt à jouer aux dés électoraux, il n’est pas sûr que l’armée le soit aussi. Les généraux du Zimbabwe, avec leur homme désormais au pouvoir, ne permettront vraisemblablement pas qu’il en soit éjecté par le peuple.
David Pilling, FT
La fusion AT&T/Time Warner aura-t-elle lieu sans de sérieuses clauses restrictives (comme la vente de CNN) ?
Oui. Le gouvernement américain n’a pas gagné contre un projet de fusion verticale depuis des décennies. Les propres mémentos du département de la Justice reconnaissent que les “fusions verticales” entre les propriétaires de contenus comme Time Warner et les diffuseurs comme AT&T causent bien moins de soucis que les “fusions horizontales”. Pendant ce temps, les FANGS – Facebook, Amazon, Netflix et Google – dominent l’univers du divertissement, ce qui rend encore plus difficile pour le gouvernement de plaider que la fusion de deux géants des “vieux médias” serait une distorsion grave de la concurrence.
Rana Foroohar, FT
“Les propres mémentos du département de la Justice reconnaissent que les “fusions verticales” entre les propriétaires de contenus comme Time Warner et les diffuseurs comme AT&T causent bien moins de soucis que les “fusions horizontales””
Tesla produira-t-il plus de 250 000 Model 3s ?
Non. Le très médiatique constructeur de voitures électriques américain a un jour promis de produire 400 000 exemplaires de son nouveau véhicule “de rêve” en 2018. Ses derniers objectifs de production oscillent dans une fourchette comprise entre 200 000 et 300 000 véhicules. Mais de sérieux problèmes de production des batteries ont freiné le démarrage, et le passé de Tesla en matière de régularité de production n’est pas bon. Tesla doit toujours prouver qu’il peut vivre sans de constantes transfusions de cash frais de Wall Street. 2018 pourrait être l’année de l’épreuve de vérité.
Richard Waters, FT
Le S&P 500 finira-t-il l’année au-dessus de 2 650 ?
Oui. Les signaux positifs abondent : revenus, croissance économique, et ristournes fiscales aux États-Unis. Mais ces facteurs sont déjà connus. Le prix des actions semble ridiculement haut si on les compare aux normes historiques, mais cela ne nous dit rien sur les décisions à court terme. En dernier recours, tout tourne autour des liquidités, qui font chauffer les marchés depuis que ceux-ci sont sortis de la crise de 2009. Si tout se déroule comme prévu, les banques centrales vont réduire la voilure et retirer des liquidités d’ici à la fin de 2018. Si elles vont dans ce sens, il est à parier que le S&P trébuchera. Un infime frémissement pourrait déjà faire pâlir les banquiers. Attendez-vous à ce que la tendance actuelle se prolonge.
John Authers, FT
Les bonds américains du Trésor finiront-ils l’année au-dessus des 3 % ?
Non. Les stratèges de Wall Street prédisent que l’emprunt sur 10 ans du gouvernement américain passera la barre des 3 % dans l’année qui vient, mais ce sont des prévisions de Noël, aussi sérieuses que les fêtes de fin d’année au bureau. Cependant, les forces séculaires et sismiques qui maintiennent en place à la fois l’inflation et les rendements à long terme des bonds restent en place et sont toujours sous-estimées. La Réserve fédérale relèvera ses taux d’intérêt au moins trois fois en 2018, mais les rendements à 10 ans ne dépasseront pas les 3 %.
Robin Wigglesworth, FT
Le baril de pétrole finira-t-il 2018 au-dessus de 70 dollars ?
Oui. Les interruptions de fourniture et les risques géopolitiques persisteront probablement, tout comme le freinage de la production par certains producteurs. Mais un prix du baril à 70 $ ou au-dessus dépend de la Russie : va-t-elle se ranger derrière l’Arabie saoudite et d’autres producteurs pour limiter sa production et contrebalancer la production croissante de gaz et d’huile de schiste américains ? Les autres parties prenantes de ce type d’action coordonnée devront respecter l’accord sans faiblir, alors que les raisons pour le faire diminueront quand les gouvernements récolteront les bénéfices d’un cours du pétrole plus haut.
Anjli Raval, FT
“Un prix du baril à 70 $ ou au-dessus dépend de la Russie : va-t-elle se ranger derrière l’Arabie saoudite et d’autres producteurs pour limiter sa production ?”
La Coupe du monde de foot peut-elle être gagnée par un autre pays que le Brésil, l’Allemagne et l’Espagne ?
Non. Dans les hautes sphères, le foot est un jeu de truands. Mieux vaut avoir le bénéfice d’un certain recul. Il y a eu déjà vingt coupes du monde. Lors de ces vingt coupes, le Brésil (cinq titres), et l’Allemagne (quatre) ont été des concurrents incontournables. Jouer à domicile donne un atout : les nations qui ont accueilli le Mondial ont remporté six fois le trophée. Mais le grand festival de foot de l’année 2018 se tiendra en Russie, et son équipe occupe le fond du classement.
Avec le nouveleconomiste