Un an à peine après son lancement au début de 2017 par un Franco-Tunisien de la diaspora, Thameur Hemdane, la plateforme de financement participatif Afrikwity affiche déjà une belle réussite à son palmarès : le financement bouclé à 400 000 euros pour la start-up Isahit. Un succès qui en annonce bien d’autres…
« Nous sommes doublement heureux de ce succès, commente Thameur Hemdane, le président fondateur. Pour nous, car c’est notre premier « closing », mais aussi pour la teneur solidaire du projet : Isahit est la première plateforme française socialement responsable à proposer des petits boulots (“jobbing”) numériques en Afrique.
Isahit utilise l’intelligence artificielle pour séquencer les activités digitales des entreprises en milliers de microtâches avant de les attribuer à des femmes en Afrique. Concrètement, par exemple, il s’agira de taguer les robes rouges dans un catalogue de mode.
Un cas de microtâche qui peut se réaliser entre deux occupations, à temps perdu, par des femmes de l’Afrique de l’Ouest francophone – sept pays sont à ce jour déjà actifs sur la plateforme – leur permettant ainsi d’assurer des compléments de revenus pour réaliser leurs projets d’étude ou d’entrepreneuriat. »
Trente projets sélectionnées pour la première année d’activité
Huit autres projets sont en bonne voie pour finaliser prochainement leur tour de table grâce à Afrikwity. C’est le cas par exemple de BMB Cashew, projet basé à Conakry (Guinée) d’unité de transformation locale de la noix de cajou brute, ainsi que de Recycling, projet situé à Lomé (Togo) de valorisation des déchets plastiques, ou encore de Camidus, plateforme innovante basée à Yaoundé (Cameroun) de gestion du cadastre en Afrique.
Au-delà de ces exemples, 30 projets ont finalement été sélectionnés durant la première année d’exercice d’Afrikwity, sur un total de… 400 projets présentés. Mais, pourquoi trente « heureux élus » et pas plus ?
« Beaucoup de projets n’ont pas encore le niveau de maturité requis pour être sélectionnés, explique Thameur Hemdane. Il faut aussi qu’ils soient innovants, viables économiquement, bien ficelés sur la forme pour être présentés à des investisseurs. C’est donc bien plus qu’une simple idée qu’il faut proposer… »
En fait, Afrikwity n’est pas une quelconque plateforme où les projets en quête de financement seraient laissés seuls en ligne, exposés au bon vouloir de particuliers candidats à l’investissement : son équipe s’implique totalement, va chercher les business angels et même la participation complémentaire de fonds d’investissement autres, si nécessaire, comme le souligne Thameur Hemdane : « Une fois le projet sélectionné par Afrikwity, nous sommes présents à toutes les étapes de son déploiement, depuis la recherche du financement auprès d’investisseurs, l’accomplissement de la transaction et le suivi de l’affaire en tant que membre du conseil d’administration afin de s’assurer que les intérêts des investisseurs sont bien pris en considération »
Quel niveau de financement et à quel coût ?
Quels projets ont le plus de chances d’être sélectionnés ? « Il n’y a pas d’a priori. Nous observons cependant que la moitié des projets présentés intègre d’une manière ou d’une autre les nouvelles technologies telle que le mobile. Les entrepreneurs africains ont tendance également à privilégier l’innovation frugale qui vient répondre à des besoins évidents. Dans cette catégorie, je citerais par exemple Mtick, une application mobile de réservation et d’achat de tickets de bus : quiconque a déjà voyagé en Afrique me comprendra facilement ! »
Restent trois questions d’importance : quel est le ticket d’entrée minimal pour investir via Afrikwity ; quelle est la hauteur de financement que l’on peut raisonnablement en attendre ; quel est le coût pour le porteur de projet ?
« Le minimum pour investir sur Afrikwity, c’est 100 euros. Mais parmi les particuliers – hors business angels – nous observons que le ticket moyen tourne autour de 2 700 euros, précise Thameur Hemdane.
Le minimum de financement que nous acceptons d’étudier, c’est 100 000 euros. Mais notre moyenne actuelle se situe à 400 000 euros, ce qui est déjà bien pour un premier tour de table en Afrique. D’ailleurs, il est très difficile de lever plusieurs millions pour un premier tour table pour un projet africain, nous pensons qu’il vaut mieux si nécessaire opérer plusieurs levées de fonds successives, en fonction des besoins avérés, souvent mal estimés dans les plans d’affaires de démarrage.
Ce que cela coûte : pour le référencement, Afrikwity est rémunérée 500 euros par la société porteur du projet, puis par une commission maximale de 9 % sur les montants levés. Nous sommes dans une totale transparence, tous les détails sont décrits sur notre site. » (https://www.afrikwity.com/)
Que penser, enfin, de l’avenir africain de ce nouveau mode de financement, alors qu’aucun pays du Continent – à l’exception balbutiante de l’Afrique du Sud – n’est réglementairement équipé pour le mettre en œuvre sur son territoire ?
Un travail titanesque de plaidoyer
« Comme vous le savez, la diaspora transfère quelque 65 milliards de dollars par an vers l’Afrique, ce qui représente trois fois l’aide publique au développement pour le Continent. Notre ambition est qu’une partie de cet argent vienne financer des entreprises, ce qui permettrait de créer de la richesse en favorisant l’emploi.
Aujourd’hui, avec Afrikwity, nous permettons de mobiliser l’épargne, principalement celle de la diaspora africaine, dans les pays européens – en France essentiellement – vers les entreprises opérant en Afrique. Selon nous, le financement participatif est un outil d’avenir majeur pour mobiliser les ressources financières de la diaspora, mais aussi des Africains résidants, vers le financement des PME, poumon de l’économie africaine et locomotive de son développement.
Le problème à ce jour, c’est qu’en effet aucun pays en Afrique n’a bâti un cadre réglementaire ad hoc… Alors, nous sommes devant un immense travail de plaidoyer, que nous assumons. Nous avons créé une association pour cela, la FPAM – Financement Participatif Afrique et Méditerranée – qui fédère déjà des plateformes de financement participatif et des acteurs des différents écosystèmes africains. »
En fait, seuls le Maroc et la Tunisie se sont déjà dotés de projets de loi favorables au développement du financement participatif. C’est dire que le travail de plaidoyer qui reste à accomplir dans les autres pays africains est titanesque… Mais si le financement participatif africain n’est pas près de naître à court terme, on imagine aisément la fantastique révolution qu’il représentera, le jour venu, pour financer les besoins d’infrastructure et les entreprises créatrices d’emploi du Continent.
AfricaPresse.Paris