Alors que la divulgation d’un sévère rapport interne de l’Union européenne a crispé les relations avec la Côte d’Ivoire, l’ex-ambassadeur de l’UE à Abidjan, Jean-François Valette, confirme ses critiques dans un courrier à Jeune Afrique.
Entre la Côte d’Ivoire et Jean-François Valette, qui vient de quitter ses fonctions d’ambassadeur de l’Union européenne à Abidjan, les relations sont devenues si difficiles que chaque mot est désormais l’objet de bataille. Un face-à-face peu courant dans un univers diplomatique habituellement feutré.
Dernier épisode en date, un confidentiel, publié dans Jeune Afriquen°3005-3006 du 12 au 25 août 2018 intitulé « Valette sur la sellette ». Cet article faisait état de la convocation du diplomate par Fidèle Sarassoro, le directeur de cabinet d’Alassane Ouattara, suite à la fuite d’un rapport interne à l’Union européenne très critique à l’égard de la Côte d’Ivoire. Il relatait notamment que Jean-François Valette avait « dit assumer ce rapport, tout en s’excusant pour la fuite. »
Nouveau pic
Dans un droit de réponse envoyé le 30 août à Jeune Afrique (voir ci-dessous), le diplomate dit « s’inscrire en faux » contre une partie de ces affirmations : « Cela ne correspond pas aux propos que […] j’ai tenus à M. Sarassoro […], je n’avais pas à m’en excuser et je ne l’ai donc pas fait », écrit-il.
Une précision en forme de nouveau pic à l’égard des autorités ivoiriennes. Jean-François Valette réaffirme en effet que le contenu était « l’exact reflet de l’analyse collective des huit ambassadeurs européens présents en Côte d’Ivoire », notamment la France.
Bilan inquiétant de la situation en Côte d’Ivoire
Cela faisait de longs mois que le monde diplomatique abidjanais savait que les relations étaient délétères entre l’ambassadeur de l’Union européenne et la Côte d’Ivoire, mais ce sont huit pages qui ont mis le feu aux poudres.
Ce rapport interne de l’Union européenne daté du 18 avril 2018 et qui a fuité fin juillet sur les réseaux sociaux dresse un bilan inquiétant de la situation en Côte d’ivoire, « un pays moins solide et démocratique que sa bonne image pourrait le laisser penser. » Le texte recense des signaux « qui incitent à la vigilance » : une réduction de la croissance, la multiplication par deux de la dette publique, l’augmentation du déficit public. Il s’inquiète également de « l’hermétisme » des autorités ivoiriennes face aux critiques et d’un pouvoir qui semble « trop faible politiquement pour accepter le jeu démocratique », évoquant de multiples « dérives. »
« Volonté manifeste de nuire »
Un constat sans concession qui a fait bondir les autorités ivoiriennes. Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères s’est élevé contre un rapport « inamical », dont la diffusion révélerait « une volonté manifeste de nuire et d’entacher la crédibilité de la Côte d’Ivoire. »
Les attaques personnelles n’ont pas été oubliées. Alors que le ministère ivoirien des Affaires étrangères dénonçait « une série de manquements » et la « discourtoisie » de Jean-François Valette, ce dernier, dans son droit de réponse, se disait surpris de la publication de cette note sur la page Facebook du ministre.
C’est dans ce contexte de forte défiance que Jean-François Valette a quitté ses fonctions le 31 août dernier et a été remplacé par l’Allemand Jobst von Kirchmann. L’Union européenne est un des principaux partenaires de la Côte d’Ivoire.
Avec jeuneafrique