Les entreprises de télécoms doivent se muer en fournisseurs de services numériques si elles veulent résister aux perturbations sectorielles. Mariam Abdullahi, Leader Telco chez SAP Afrique nous apporte son éclairage sur la question.
Depuis que les premiers réseaux mobiles ont été établis en Afrique dans les années 1990, les opérateurs de réseaux mobiles ont connu une croissance exponentielle et comptent désormais parmi les entreprises les plus importantes et les plus rentables du Continent. Des opérateurs tels que MTN sont régulièrement classés parmi les 10 entreprises les plus importantes d’Afrique. La contribution du secteur des télécommunications au PIB des pays africains est immense : le Bureau national nigérian de la Statistique a établi en 2016 la contribution du secteur des télécommunications et de celui des TIC à 10% du PIB total du pays, par ailleurs riche en ressources pétrolifères.
Cependant, alors que les méga-tendances technologiques de l’hyper-connectivité, du cloud computing et des objets connectés remettent en question les modèles commerciaux traditionnels (business models), les opérateurs de réseaux mobiles doivent absolument se réinventer pour ne pas être dépassés. Alors que jusqu’ici les opérateurs pouvaient dégager des marges confortables des services telles que la voix, les données, etc. -une période désormais révolue- les bouleversements à grande échelle exercent une pression considérable sur les entreprises de télécommunications qui doivent réinventer leurs modèles commerciaux pour continuer à répondre aux exigences de leurs consommateurs.
Les services OTT ou «par contournement» ont également contraint les opérateurs à repenser la façon dont ils extraient de la valeur de leur infrastructure réseau étendue. WhatsApp par exemple, compte plus de 900 millions de membres qui envoient pas moins de 30 milliards de messages par jour, gratuitement, contournant ainsi les opérateurs de réseau et érodant leurs revenus traditionnels -voix et texte (SMS).
Selon Ovum, les entreprises de télécommunications perdront jusqu’à 386 milliards de dollars entre 2012 et 2018, au seul profit des services de VoIP par contournement. Par ailleurs, alors que certains pays -comme l’Ethiopie- ont interdit les appels et l’envoi de photos via ces services par contournement, tels que WhatsApp, les opérateurs intelligents tirent profit de ces mêmes services pour offrir une plus grande personnalisation à leurs clients.
Appareils intelligents, modèles commerciaux plus intelligents
À l’ère où les périphériques intelligents pullulent et où les analyses en temps réel foisonnent, les attentes des consommateurs ont également atteint un niveau record. Cela oblige les entreprises de télécommunications à innover et à développer de nouvelles sources de revenus qui tirent profit de leur vaste infrastructure de réseau.
Les entreprises de télécommunications occupent également une position de choix qui leur permet de capitaliser sur l’IdO :les réseaux intelligents du trafic urbain qui s’appuient sur l’infrastructure des réseaux mobiles pourraient fournir des informations en temps réel sur la gestion de la ville. Ces informations peuvent être utilisées pour améliorer l’expérience du citoyen. NTT au Japon, par exemple, conduit actuellement un projet dans le secteur des transports publics qui vise à surveiller les conducteurs fatigués afin de s’assurer qu’ils sont reposés ou remplacés avant un incident.
Prendre une longueur d’avance grâce au cloud
Selon les prévisions, le trafic du cloud mobile sera multiplié par onze entre 2014 et 2019, ce qui offrira une opportunité sans précédent aux entreprises de télécommunications de tirer parti de leur réseau unique d’infrastructures pour développer et héberger des applications cloud.
Par exemple, les opérateurs pourraient mettre en place des nuages (ou clouds) gérés par des entités privées et héberger des solutions ERP pour les entités publiques locales. Ce qui leur éviterait de devoir investir -le plus souvent lourdement- dans les ressources humaines, les frais généraux, la main-d’œuvre qualifiée, etc.
Grâce à de vastes réseaux, même dans les zones rurales où d’autres formes d’infrastructure de communication peuvent manquer, les entreprises de télécommunications peuvent également jouer un rôle important dans la connectivité dite «du dernier kilomètre» aux écoles, tandis que les agriculteurs peuvent avoir accès à des données météorologiques et commerciales importantes pour améliorer leurs revenus et s’assurer qu’ils obtiennent un rendement optimal pour leur récolte.
Un nouveau mode de vie à l’ère du numérique
Un sondage conduit par le Mobile World Congress a révélé que 50% des entreprises de télécommunications mondiales estiment que la proportion des revenus provenant de nouveaux services se situerait entre 15% et 50%. En Afrique, certaines entreprises de télécommunications ont tiré parti de leur carnet de clients solides pour se positionner au cœur de nouveaux services numériques, tels que la sécurité intérieure, le transport, le divertissement et les services financiers.
Safaricom, par exemple, a lancé Little Cab, un concurrent d’Uber conçu pour le marché kényan. En utilisant l’infrastructure réseau de l’opérateur et en tirant profit de solutions telles que M-PESA, qui offre la possibilité de paiement sans numéraire, Little Cab offre aux 25 millions d’abonnés de l’opérateur kényan une alternative plus économique et personnalisée au transport traditionnel.
Le noyau numérique au service de l’innovation des Telcos
Au cœur des modèles d’entreprises de télécommunications réinventés, il y a un processus continu de transformation numérique. La nécessité d’un noyau numérique qui prend en charge les analyses en temps réel devient primordiale pour les entreprises de télécommunications, dans leur souci permanent d’améliorer l’expérience client, de réagir avec précision et en temps réel aux menaces émergentes et aux nouvelles opportunités, et de moderniser les processus -depuis l’approvisionnement jusqu’à la gestion de la main-d’œuvre et plus encore.
Ces mêmes entreprises doivent pouvoir interagir avec leurs clients sur le canal de leur choix (courriels, réseaux sociaux, téléphone, etc.) afin de pouvoir leur offrir un service personnalisé. Pour ce faire, ces entreprises doivent se doter d’une plate-forme qui intègre tous les canaux et qui offre une vue unique et précise d’un client donné, ce qui leur permettra effectivement d’interagir avec leurs clients à un niveau individuel.
Avec la percée du Big Data et de l’analytique, les entreprises de télécommunications cherchent également à se doter des capacités de comprendre les problèmes en temps réel et de pouvoir y répondre avec la plus grande précision. Les réseaux établis durant les années 1990 ne pourront tout simplement plus répondre aux demandes toujours plus nombreuses d’aujourd’hui. Dans de nombreux pays, les régulateurs exigent que les entreprises de télécommunications garantissent un taux de disponibilité des services de 99,999%, au risque de se voir infliger des pénalités. Les Telcos peuvent s’appuyer sur les performances de la plateforme SAP HANA Cloud pour numériser leurs opérations et accélérer le développement et le déploiement des innovations destinées à servir les clients.
Les PDG des entreprises de télécommunications sont aujourd’hui à la croisée des chemins. La grande ruée vers l’or qui a caractérisé l’industrie arrive à son terme. Les services dits «par contournement» exercent une pression sur les revenus, alors que les bouleversements vont se poursuivre, voire s’accélérer. Ceux qui aujourd’hui gèrent scrupuleusement leurs opérations et qui optimisent les processus, tout en conduisant l’innovation seront les mieux placés pour devenir les fournisseurs numériques préférés des consommateurs et de l’industrie.
Il est temps à présent de créer les nouvelles sources de revenus qui les porteront lors de la prochaine décennie.
Avec latribuneafrique