Présent dans 19 pays d’Afrique, Orange poursuit permanemment sa stratégie de consolidation sur ces marchés. En même temps très sollicité dans les pays où il n’est pas encore implanté, le groupe français de télécoms porte un regard pointilleux sur les conditions qu’offrent les marchés qui le convoitent. Dans un entretien avec la Tribune Afrique, Bruno Mettling, DGA d’Orange et PDG pour le Moyen-Orient et l’Afrique, revient sur la célèbre offre Orange Money, ainsi que la dynamique de développement de l’opérateur français à travers le continent.
LTA : La maturité de l’offre d’Orange Money dans de nombreux pays d’Afrique est aujourd’hui incontestable. Quels sont vos plans d’élargissement de cette offre ?
Bruno Mettling : Orange Money, c’est effectivement 30 millions de clients en Afrique. Il est évidemment qu’il s’agit d’un outil essentiel. Historiquement, Orange Money consiste surtout en du « cash in » et « cash out ». En pratique, l’utilisateur charge un compte Orange monnaie sur mobile et peut alors payer avec un compte Orange Money, il peut transférer de l’argent à un tiers, régler une facture dans un magasin, … Ce sont les utilisations traditionnelles d’Orange Money. La question qui peut se poser dans un certain nombre de pays d’Afrique c’est de savoir si la maturité de l’utilisation d’Orange Money ne nous conduit pas vers de nouvelles fonctions comme le micro-crédit, le pico-crédit, la distribution des produits d’assurances, les petits produits d’assurance, ou des petits produits d’épargne.
Dans beaucoup de pays de la région, la question se pose en effet. Nous y réfléchissons, je ne dis pas que nous y répondons. Nous y réfléchissons parce que nous pensons justement qu’il faut compléter le rôle d’Orange Money. Sommes-nous une banque pour autant ? La réponse est : non. Une banque, c’est des crédits aux entreprises, des opérations sur les marchés des capitaux, bref des choses beaucoup plus sophistiquées. Chez Orange, nous souhaitons simplement étendre les activités d’Orange Money, au mieux comme cela se passe dans beaucoup de pays, en Asie notamment, avec les micro-crédits ou pico-crédits pour permettre aux particuliers d’emprunter très rapidement via leurs mobiles et de bénéficier d’un certain nombre de services. Nous y avons réfléchi et y travaillons. Nous n’avons pas encore fait d’annonce en la matière, mais il est vrai que c’est quelque chose que nous souhaitons réaliser assez rapidement.
Les activités d’Orange à Maurice sont assez importantes, mais cette filiale reste l’une des rares sur lesquelles l’opérateur français n’a pas encore de contrôle (40% du capital). Quelles y sont vos ambitions ?
Orange ne poursuit pas une volonté de contrôle pour le contrôle. A Maurice, nous avons plutôt la volonté d’assurer une certaine cohérence dans la stratégie déployée derrière la marque Orange en tant qu’opérateur. Vous savez, l’ensemble des actionnaires de Maurice (majoritaires et minoritaires) a contribué à faire de cette stratégie extrêmement offensive, au point d’en faire une vitrine dans l’océan indien avec notamment un développement de la fibre absolument spectaculaire. Donc, il n’y a pas d’enjeu d’évolution en la matière.
Orange-a-t-il des vues sur le Gabon, comme pressenti en 2015 ?
C’est vrai que beaucoup de pays nous sollicitent, parce qu’un certain nombre d’opérateurs aujourd’hui ont décidé de se retirer considérant que les conditions ne sont pas à leur avantage. J’ai tendance à dire qu’Orange se concentre sur les pays où il est présent. Certes le groupe est très attendu et très demandé, mais j’invite surtout les Etats à réfléchir à ce qui explique le départ d’un certain nombre d’opérateurs dans certains pays d’Afrique. Pour parler clairement, il y a parfois une multiplication du nombre de licences d’opérateurs qui ont été faites dans des conditions économiques déraisonnables et je pense qu’il y a des marchés dans lesquels des politiques ont été conduites tel que le nombre de licences accordées aux opérateurs ne permet pas d’exercer. C’est vrai pour Orange comme pour n’importe quel opérateur. Donc Orange se concentre sur les pays où il est présent. En général le groupe est en bonne position, il délivre un service apprécié et en général il peut arriver à Orange d’être moins performant dans tel ou tel pays. Mais là, nous n’en sommes pas à l’extension de notre empreinte, surtout dans des marchés où par ailleurs vous avez souvent trois quatre, voire cinq opérateurs. Quand vous avez trois grands opérateurs aux Etats-Unis, est-il vraiment raisonnable d’avoir des marchés de cinq opérateurs en Afrique ?
Orange a récemment signé son retour sur le marché libérien. Quels y sont désormais les ambitions du groupe ?
Au Libéria, nous avons émis un signal très fort, parce que nous sommes la première entreprise internationale à investir dans le pays après l’épidémie Ebola. Personnellement, je n’oublierai jamais le regard de la présidente [Ellen Johnson Sirleaf, ndlr], prix Nobel de la paix, qui nous avait reçus et dit sa gratitude de voir une grande compagnie internationale réinvestir pour relancer l’économie du Libéria, alors que le pays sortait à peine de la crise d’Ebola, ainsi qu’une décennie de guerre. On a une relation très privilégiée, très forte avec ce pays. Et depuis lors, notre ambition est claire, c’est redevenir très rapidement numéro un et je suis très confiant. D’ailleurs les chiffres montrent bien que la progression de la clientèle au Libéria est très spectaculaire. Et c’est l’avantage d’une compagnie comme celle-ci. Quand elle revient dans un pays, elle a un projet stratégique, elle a une vision, elle remet à niveau des réseaux plus ou moins bien couverts, donc elle se développe très vite. Au total, nous avons réinvestis dans trois pays en Afrique. Il s’agit du Burkina Faso, le Libéria et la Sierra Leone, trois pays où le nombre de clients est très important.
Parlant justement du Burkina et la Sierra Leone, vous y avez acquis les filiales d’Airtel. Et selon Economic Times, vous serez également sur le point de racheter les filiales du géant indien dans six autres pays du continent. Qu’en est-il ?
J’ai l’habitude de ne jamais commenter les opérations d’acquisitions et de cessions tant qu’elles ne sont pas finalisées. Sur le fond, la vrai priorité d’Orange c’est de se consolider dans les pays où le groupe est présent. On voit bien que dans beaucoup de pays, certains opérateurs décident de se retirer, tout simplement parce que la croissance économique n’est plus celle des précédentes années. D’autres, dont Orange, décident à l’inverse de s’inscrire dans une relation de long terme avec les clients avec qui ils opèrent, de réinvestir dans un contexte de doute sur la croissance de l’Afrique. Nous choisissons cette orientation tout simplement parce que nous croyons fondamentalement en la croissance du continent, en la dynamique économique qui est sous-jacente… Donc nous décidons de réinvestir et nous ne sommes pas les seuls ! Après, la priorité reste -je le répète- la consolidation de notre positionnement dans les pays où nous sommes présents. D’autant plus que nous vivons une période moins dynamique en terme de revenus de croissance. Il y’a des moments où il est préférable de resserrer les fondamentaux et améliorer les réseaux là où vous êtes, que de multiplier les nouvelles implantations.
Avec latribune