Imaginez une île, au large du Bangladesh, si isolée qu’un raccordement au réseau d’électricité n’est pas envisageable, ni maintenant ni probablement dans un avenir proche. C’était le cas à Manpura il y a encore quelques années.
Aujourd’hui, Manpura se développe, grâce à l’énergie solaire. Les marchés fourmillent d’activité, les habitants disposent de l’électricité pour faire fonctionner leurs téléviseurs, leurs ventilateurs et même leurs réfrigérateurs, et les rues sont éclairées la nuit. Dans les zones rurales du Bangladesh, les systèmes solaires domestiques ont permis de fournir de l’électricité à plus de 20 millions de personnes.
L’électricité solaire hors-réseau a tout simplement changé la vie des populations .
Il y a encore une dizaine d’années, les systèmes solaires de qualité se comptaient sur les doigts de la main, et la plupart ne fournissaient qu’une faible quantité d’électricité. Depuis, leur prix a nettement baissé, et on trouve désormais, sur toute la planète, une grande diversité d’installations modernes et fiables.
Aujourd’hui, dans le monde, plus de 360 millions de personnes bénéficient d’un système solaire hors-réseau. Un chiffre qui peut sembler énorme, mais qui ne représente que 17 % du marché potentiel total. Ces produits pourraient changer la vie des plus d’un milliard de personnes qui n’ont toujours pas accès à l’électricité, et du milliard d’individus pour lesquels cet accès n’est pas fiable ou suffisant.
Cela n’a manifestement pas échappé aux investisseurs et aux entrepreneurs, qui, au cours des cinq dernières années, ont levé un million de dollars de financements pour le solaire hors-réseau, ni à de nombreux pays, dont la Bolivie, le Bangladesh, le Kenya et le Viet Nam.
Sur les huit dernières années, le Groupe de la Banque mondiale a alloué 1,3 milliard de dollars pour des projets de production d’énergie hors-réseau, principalement grâce au solaire, dans les pays en développement, surtout en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, où vit le plus grand nombre de personnes sans accès à l’électricité.
Grâce aux enseignements tirés de ces projets, le Groupe de la Banque mondiale a pu affiner son approche.
Par exemple, au Kenya, l’initiative pour l’accès à l’électricité Lighting Kenya a permis de développer un marché pour les installations et services hors-réseau, avec une grande diversité d’entreprises et de modèles économiques. Mais lorsqu’il est apparu que seuls quelques-uns de ces systèmes étaient accessibles aux habitants pauvres des zones rurales, le Groupe de la Banque mondiale a participé à la constitution d’un fonds de roulement pour les fabricants d’installations hors-réseau, afin de les aider à élargir leur clientèle en proposant davantage de modes de paiement, tels que des cartes prépayées. Cela compense les coûts plus élevés pour la desserte de ces ménages isolés.
Un mécanisme de financement similaire a été mis en place en Éthiopie pour les importateurs de systèmes solaires hors-réseau, permettant à ce marché local de devenir l’un des plus importants au monde.
En Haïti, le Groupe de la Banque mondiale a aidé l’État à créer un fonds pour l’électrification hors-réseau, avec le soutien des Fonds d’investissement climatiques (CIF), afin que les entreprises puissent bénéficier d’un financement par capitaux propres ou par l’emprunt, ou de dons, ce qui améliore l’activité économique dans un pays fragile.
Ces modèles sont aujourd’hui déployés dans beaucoup d’autres pays. Il existe notamment un mécanisme de financement régional en Afrique de l’Ouest.
Nombre de ces initiatives s’inspirent du programme Lighting Africa, qui a eu le mérite d’établir une référence mondiale pour la qualité des systèmes hors-réseau. En renforçant la confiance dans les marchés et en levant les obstacles à la participation des entreprises, ce programme a permis à plus de 23 millions d’Africains d’accéder à l’électricité. Fort de cette réussite, le Groupe de la Banque mondiale a étendu ces activités au monde entier, via la plateforme Lighting Global. Cette expansion a bénéficié de financements provenant du Programme d’assistance à la gestion du secteur énergétique (ESMAP), qui ont eux-mêmes permis de lever un volume considérable de fonds privés.
Il existe aujourd’hui une forte dynamique dans ce secteur. De nouvelles entreprises, de nouvelles technologies et de nouveaux produits plus économes en énergie voient le jour chaque année. On voit ainsi émerger des possibilités jusque-là inexplorées dans le domaine de l’agriculture, avec des dispositifs d’irrigation, d’entreposage frigorifique ou encore des moulins à céréales alimentés à l’énergie solaire. Autant d’utilisations productives de l’énergie qui peuvent transformer les zones rurales en y améliorant les revenus et en y créant des moyens de subsistance.
Il faut redoubler d’efforts en direction du milliard de personnes qui vivent encore sans électricité. Les pouvoirs publics, les investisseurs privés, les innovateurs et les organisations internationales doivent agir. Mais, comme le prouve l’essor du solaire hors-réseau, ce qui paraissait hier insurmontable est aujourd’hui possible.