Le superordinateur Eve, mis au point par des chercheurs des universités de Manchester, Cambridge (Angleterre) et Aberystwyth (Pays de Galles) a permis de découvrir qu’un antibactérien, le triclosan, permettait de lutter efficacement contre les formes de paludisme résistantes aux médicaments. Ce biocide, présent notamment dans le dentifrice, réduit considérablement le développement du parasite transmis par le moustique. Cette découverte montre que l’utilisation de superordinateurs dans la recherche médicale est déterminante.
C’est un petit pas pour la machine, mais un grand pas pour l’humanité. Voilà, en substance, ce que les scientifiques britanniques des universités de Manchester, Cambridge et Aberystwyth ont dû se dire en tirant les premières conclusions de leurs travaux, publiés dans la revue en ligne Scientific Reports le 18 janvier. Après plusieurs années de recherche et la mise au point d’un superordinateur nommé « Eve », ils sont parvenus à identifier un biocide, le triclosan, qui permet de ralentir le développement des parasites résistant aux médicaments contre la paludisme.
Les chercheurs ont découvert que cet antibactérien empêche la propagation d’un type d’enzyme parasitaire du paludisme (DHFR), celui-là même qui permet au parasite de se développer dans le sang. En ciblant un enzyme connu sous le nom d’énoyl réductase (ENR), présent dans le foie, le triclosan aurait un effet décisif dès la phase de développement du parasite. À terme, les souches les plus résistantes aux médicaments pourraient donc être éradiquées, et le paludisme moins difficile à soigner.
445 000 victimes par an
Cette découverte est importante car le paludisme (aussi appelé malaria) est une maladie parasitaire qui tue encore des centaines de milliers de personnes chaque année (445 000 victimes en 2016, selon l’OMS), notamment en Afrique subsaharienne. Le parasite (de type plasmodium) est transmis à l’homme par la piqûre d’un moustique. Une fois entré dans le sang, ce parasite se fraie un chemin jusqu’au foie de la personne infectée pour se développer. Et au bout de quelques jours, il s’infiltre dans les globules rouges avant de se multiplier dans tous le corps, créant des symptômes graves pouvant entraîner la mort.
L’effet du triclosan était déjà bien connu des scientifiques britanniques, qui avaient compris dès 2001 qu’il agissait sur la croissance du parasite. Mais grâce à la puissance de calcul d’Eve, ces derniers ont constaté que c’était bien dans le foie que l’antibactérien agissait, et non directement dans le sang.
Ce n’est pas la première fois qu’un superordinateur est utilisé pour faire des recherches sur le paludisme. Déjà, en 2014, une étude menée par le professeur Didier Picard, de l’université de Genève, assisté par une machine similaire, avait permis de découvrir une molécule empêchant l’activité du parasite.
L’intelligence artificielle Watson, conçue par le géant américain IBM, a également permis de trouver des traitements plus adaptés contre le cancer, en étudiant le génome des patients. En constant développement depuis une vingtaine d’années, Watson dispose maintenant de son propre cloud, où sont stockées les données personnelles des malades pour que ces dernières soit analysées et recoupées avec d’autres data, afin de mettre au point des traitements personnalisés. Il est notamment utilisé au sein de plus de 50 hôpitaux dans 13 pays.
Enfin, en 2009, le grand frère d’Eve, Adam (Automated Discovery and Analysis Machine), lui aussi mis au point par l’équipe britannique de l’université de Cambridge, est devenu le premier robot à faire une découverte tout seul. Il a identifié des procédés génétiques inconnus dans la levure boulangère.
“Les superordinateurs peuvent proposer un traitement adapté à un patient atteint d’un cancer en 30 secondes alors qu’il faut 12 minutes pour un oncologue humain”
Les superordinateurs sont capables aujourd’hui de réaliser plusieurs milliards d’opérations par seconde. Avec l’IA Watson, ils peuvent proposer un traitement adapté à un patient atteint d’un cancer en 30 secondes alors qu’il faut 12 minutes pour un oncologue humain. On n’ose imaginer les opportunités qu’ouvriraient l’ordinateur quantique, capable de démultiplier encore les puissances de calculs. S’il finit par voir le jour.
Avec weforum