Suspense levé au Kenya ! Dans un pays au bord du précipice de la répétition de la très meurtrière crise post-électorale de 2007, Raila Odinga annonce un recours devant la cour suprême pour contester la réélection d’Uhuru Kenyatta. Bien avant le baroud d’honneur de ce vétéran de 72 ans qui joue sa dernière carte après avoir perdu quatre présidentielles, d’autres opposants africains ont rejeté le résultat sorti des urnes. Voici quelques-unes de leurs stratégies.
A quelques exceptions près, rarement sur le Continent, les élections -surtout présidentielle- se terminent par des coups de fil de félicitations entre les candidats pour reconnaître leur défaite à la sortie des urnes.
Comme pour la présidentielle de 2013, Raila Odinga va porter sa contestation des résultats du scrutin du 4 août devant la Cour suprême. Une annonce qui pourrait calmer ses militants déchaînés depuis l’annonce des résultats défavorables de la présidentielle du 4 août et éloigner un « Bis repetita » des violences meurtrières de 2007. Et pourtant, si Odinga a choisi la voie légale pour sa contestation, d’autres opposants africains avant lui, ont choisi d’autres stratégies pour entretenir la flamme de la contestation :
1- L’auto-proclamation
La première correspondance officielle entre l’Elysée et le Palais du bord de mer où Emmanuel a glissé un très polémique « Monsieur le Président » à Ali Bongo Ondimba, a dû doucher ses ambitions. Depuis sa contestation, après épuisement de tous les recours légaux, de la réélection en août 2016 de son ex-beau-frère, Jean Ping avait fini par se considérer comme « le président élu du Gabon ». Près d’un an plus tard, en dépit du soutien de la diaspora et le boycott d’Ali Bongo par Paris, l’ancien président de la commission de l’Union africaine, n’est toujours pas sur le fauteuil du Palais que lui a ravi son ex-beau-frère. Retranché dans sa villa de Libreville, il indique préparer une riposte d’ampleur en surfant sur sa popularité.
2- La revendication par institutions interposées
Un pays deux présidents ! Au sortir du second tour de la présidentielle de 2010, la Côte d’Ivoire est au bord de l’éclatement. La Commission électorale indépendante (CEI) qui déclare élu Alassane Ouattara, s’oppose au Conseil constitutionnel qui penche en faveur de Laurent Gbagbo. Le président sortant propose un recomptage des voix sous supervision internationale. Alassane Ouattara refuse et se réfugie dans un hôtel d’Abidjan, ce qui lui vaudra le surnom ironique de « Président de l’Hôtel du Golf ».
La crise politique se transforme en un conflit entre pro-Gbagbo et pro-Ouattara qui fera près de 3 250 morts en cinq mois. Elle aboutira à l’arrestation de Laurent Gbagbo et son extradition à la CPI. Depuis, Alassane Ouattara règne sur le Palais du Plateau. Ironie de l’Histoire, Jean Ping (président de la commission l’Union africaine) et Raila Odinga (Premier ministre du Kenya) étaient médiateurs lors de la crise.
3- L’intronisation dans un pays étranger
Sans aller jusqu’à choc frontal, Adama Barrow a choisi une stratégie jamais expérimenté auparavant. Dans un feuilleton post-électoral ahurissant, Yahya Jammeh opère une volte-face après avoir concédé sa défaite et même félicité son adversaire au téléphone à la présidentielle du 1er décembre 2016. L’homme au boubou blanc tient le pays en haleine en annonçant un recours devant la cour suprême, décrète l’état d’urgence et snobe même la CEDEAO qui le menace d’une intervention militaire.
Invité au sommet France-Afrique de Bamako, Adama Barrow, victorieux de la présidentielle avec le soutien de 7 partis d’opposition, grimpe dans l’avion présidentiel de Macky Sall et se réfugie au Sénégal voisin. De là, il se fait introniser dans l’enceinte exigüe de l’ambassade gambienne à Dakar avant de revenir en Gambie dans ses habits présidentiels après le départ en exil de Jammeh sous la contrainte. Aujourd’hui, le nouveau président n’a toujours pas rejoint le palais présidentiel et vit dans une résidence sous protection de la CEDEAO.
4- La formation d’un gouvernement parallèle réfugié
En juin 2009, à la mort d’Omar Bongo à l’âge de 73 ans (dont 42 ans au pouvoir), le Gabon doit se choisir un nouveau président après la période intérimaire des 45 jours. Ali Bongo Ondimba, le fils biologique d’Omar Bongo s’oppose à André Mba Obame, le fils spirituel à la présidentielle d’août 2009. Officiellement à l’annonce des résultats d’une élection très contestée, la « guerre des fils » tourne à l’avantage du premier qui est proclamé vainqueur.
Mais André Mba Obame conteste les résultats des urnes. En janvier 2011, il prête unilatéralement serment sur la constitution et se réfugie dans les locaux du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à Libreville et commet même l’imprudence de former un gouvernement parallèle. Ironiquement baptisé « gouvernement de la République du PNUD », cette équipe ne siégera qu’un mois avant de sortir de son palais de substitution. L’opposant, menacé de la levée de son immunité et d’un procès pour «haute trahison », se fera discret après cette disgrâce avant d’entreprendre un exil médical au cours duquel il décédera à Yaoundé en 2015.
Avec latribuneafrique