Après avoir réussi son introduction en Bourse, le distributeur de carburants, qui exploite la marque Shell, devrait entrer sur huit nouveaux marchés africains.
Le PDG de Vivo Energy ne cache pas sa satisfaction après l’introduction réussie de son groupe de distribution de carburants sur les Bourses de Londres et de Johannesburg le 10 mai. « Cette opération valorise notre capital à près de 2 milliards de livres sterling (2,28 milliards d’euros).
Comme nous le prévoyions, la demande des investisseurs a été forte. Sur une semaine de cotation, notre action est déjà en hausse de 13 % », se réjouit le Français Christian Chammas. Aux manettes de Vivo Energy depuis 2012, il confie avoir planché sur cette opération pendant six mois.
Pour ce vétéran du secteur pétrolier qui a œuvré pour Total au Nigeria, au Cameroun, puis au Kenya, avant de diriger la branche raffinage et marketing du groupe français en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, cette introduction boursière valide une stratégie pilotée avec ses deux principaux actionnaires, le négociant pétrolier Vitol et le fonds d’investissement Helios, établis, comme Vivo Energy, à Londres.
Désengagement de Shell
Ceux-ci sont d’ailleurs les premiers bénéficiaires de cette introduction qui leur a permis de vendre avec profit une partie de leurs parts, tout en restant les deux principaux actionnaires du groupe, avec 40 % du capital pour le premier, et 32 % pour le second.
« Nous avons maintenant une visibilité et un cadre de gouvernance et de transparence qui nous donneront les moyens de lever des fonds à l’avenir et d’être soutenus dans nos projets de développement sur le continent », estime Christian Chammas. Le patron français tenait à cette cotation à Johannesburg, qui a permis, selon lui, d’attirer plusieurs fonds de la nation Arc-en-ciel en quête de valeurs « véritablement panafricaines ».
C’est à l’initiative de Shell, qui souhaitait se désengager de l’aval pétrolier africain, et en partenariat avec Vitol et Helios que Vivo Energy a été lancé, en 2011. La compagnie anglo-néerlandaise a ainsi transféré progressivement ses réseaux de distribution (dans sept pays en 2011, six en 2012, et deux en 2013) à la nouvelle entité, avant de sortir de son capital à la fin de 2016.
Absorption des 300 stations Engen
Depuis sa fondation, Vivo Energy a connu une croissance importante en évitant de se disperser, passant d’un réseau de 1 200 stations-service à 1 850 actuellement. « Nous sommes désormais soit leader, soit second dans 14 de nos 15 marchés, ce qui était loin d’être le cas à la création de Vivo », fait valoir le PDG.
Il a lui-même fait ouvrir de nombreuses nouvelles stations, notamment en Côte d’Ivoire, où il est désormais au coude-à-coude avec son grand rival Total grâce à 205 implantations.
Mais le dernier « coup » de Christian Chammas, c’est le rapprochement en cours avec le sud-africain Engen, afin d’absorber ses réseaux dans neuf pays (Zimbabwe, Zambie, Tanzanie, Kenya, RD Congo, Gabon, Rwanda, Mozambique et Malawi) ainsi qu’à La Réunion, soit 300 stations-service. La transaction est validée par les états-majors des deux sociétés et n’attend plus que les accords des régulateurs nationaux.
Encore loin derrière Total
« Nous allons exploiter la marque Engen dans ces pays, tous nouveaux pour nous, à l’exception du Kenya, où les stations passeront sous l’enseigne Shell », indique le Français. Il a par ailleurs refusé de reprendre les réseaux d’Engen au Botswana et en Namibie, où Vivo occupe déjà la pole position.
Si ce vétéran de Total met en avant les 700 000 clients africains qui se rendent chaque jour dans ses stations, il sait bien que Vivo Energy est encore loin de pouvoir damer le pion à son ancien employeur, avec ses 4 300 stations-service implantées dans 40 pays africains.
« Total est encore devant nous. Je suis bien placé pour connaître ses forces. Notre concurrent compte plus de 100 000 employés sur le continent et une histoire beaucoup plus longue que la nôtre. Dans l’aval, il est présent presque partout, notamment dans des grands pays où nous sommes absents, tels que l’Égypte, l’Afrique du Sud et le Nigeria, poursuit-il. Mais nous avons l’avantage de notre petite taille, qui nous permet d’être plus réactifs, avec un management réduit à une douzaine de personnes au sein de notre siège londonien, en liaison avec nos équipes opérationnelles en Afrique. »
Fin négociateur
Si le groupe est ainsi plus modeste, son modèle économique est proche de celui de son grand rival. Comme lui, il privilégie parmi ses stations-service celles dont il est propriétaire (65 %), avec un système de promotion interne de ses salariés. Une vraie différence avec Puma Energy, filiale du négociant Trafigura, qui s’associe à des investisseurs locaux pas toujours spécialistes de la distribution de carburants, en pariant avant tout sur sa capacité logistique à les servir.
Pour continuer à croître, Christian Chammas sait que, du fait de la concentration du secteur entre les mains de grands acteurs – Total, Vivo Energy, Puma Energy et Oil Libya –, les occasions de rachat de réseaux indépendants sont âprement disputées.
Le dirigeant, qui, à 63 ans, s’est engagé à rester encore au moins deux ans à son poste, parie avant tout sur une croissance de ses volumes en ligne avec celle de la démographie, et sur l’apport d’Engen. Il n’exclut toutefois pas une entrée dans un grand pays – tel que le Nigeria ou l’Afrique du Sud –, si une opportunité de rachat de réseau apparaît. « Mais pas à n’importe quel prix », prévient ce fin négociateur.
Retour des cotations africaines à Londres
Avec 548 millions de livres sterling mobilisées (624 millions d’euros) et une valorisation de 1,98 milliard de livres, Vivo Energy a réalisé la plus forte introduction à Londres d’une entreprise active en Afrique depuis une dizaine d’années. Dans son sillage, on anticipe plusieurs projets de cotation d’entreprises africaines.
Valorisé à plus de 12 milliards de dollars à Lagos, Dangote Cementpourrait lever 1 milliard de dollars supplémentaires avec une double cotation. Le spécialiste de la fibre optique Liquid Telecom, du millionnaire zimbabwéen Strive Masiyiwa, ciblerait le même montant pour une valorisation de 8 milliards de dollars.
Quant au groupe nigérian des paiements Interswitch, il est régulièrement qualifié de première « licorne » africaine (start-up valorisée à plus de 1 milliard de dollars). Enfin, malgré le renoncement du gestionnaire de tours de télécoms Helios Towers en mars, les marchés anticipent toujours une cotation de son rival Eaton Towers (1,5 milliard de livres sterling).
Les actions de 108 entreprises africaines sont cotées ou négociées à Londres, pour une capitalisation dépassant 200 milliards de dollars. En dix ans, elles y ont levé plus de 16 milliards de dollars.
Avec jeuneafrique