Comme beaucoup d’histoires d’entrepreneurs, le projet “est né autour d’un verre lors d’une soirée entre amis dans un bar”, raconte François Pinsac. Lui, part alors d’un constat: “aujourd’hui, il y a des jeunes qui sacrifient leurs carrières pour construire l’église de demain par eux-mêmes, dans l’ombre, sans leader charismatique.” Pourquoi ne pas leur offrir une tribune? C’est ainsi que se tient, en janvier 2016, la première édition de “PitchMyChurch”.
Diffusé en direct par la chaîne de télévision catholique KTO, l’événement porté par la toute jeune association Eglise et innovation numérique, a alors une vocation: promouvoir des applications innovantes au service de l’Eglise. Quatre entrepreneurs se succèdent à l’estrade de Saint Honoré Notre Dame d’Eylau pour défendre leurs projets face à 450 personnes. L’événement fait salle comble. “On a monté ça en un mois. Le jour même on ne savait même pas qui allait venir. C’était assez impressionnant de voir cette assemblée aussi hétéroclite de catholiques, protestants, hétérodoxes… Il y avait même des athées et des personnes un peu plus… intégristes, disons”, se souvient François Pinsac, lui-même fondateur d’AngelTech, start-up de développement d’applications web et mobile.
“Hackaton dominicain”
Un an plus tard, après un “hackaton dominicain” et un “petit déj de ptichs”, les fondateurs de l’association ont renouvelé en grande pompe l’opération “PitchMyChurch” –désormais payante– au Collège des Bernardins, début février. L’occasion d’annoncer aux 250 invités triés sur le volet, la création du label “Church Tech” et de son logo représentant un poisson Ichthus (symbole des premiers chrétiens), en forme d’origami, clin d’œil direct à ceux de l’écosystème de la French Tech –”même si nous ne sommes pas encore labellisés officiellement sous cet étendard”.
Une manière pour les fondateurs de l’association de gagner en visibilité et crédibilité. Lui-même le sait, chrétien ou pas, l’entrepreneuriat reste un milieu où nombre sont les appelés mais où peu restent les élus. En ces circonstances, l’union fait plus que jamais la force.
Une vingtaine de projets
Pour l’heure, le collectif revendique fédérer “une vingtaine de projets”, parmi lesquels GeoConfess, le Uber de la confession, GodBlessYou, qui permet de bénir ses proches, Entourage, outil de géocalisation pour les groupes de maraude, Praying Heroes, coach numérique de prière, ou encore Ephatta, sorte d’Airbnb entre chrétiens. Ils ont même leur site de financement participatif, le bien nommé CredoFunding. Ces jeunes entrepreneurs reprennent à s’y méprendre exactement les mêmes codes de communication et le jargon que leurs homologues start-uppers évoluant dans les très en vogue secteurs de la fintech, foodtech ou des adtech. Ici on parle bien sûr “disruption”, “ubérisation”, “partage”. Mais pas seulement.
On porte un message plus… transcendant, disons. “Plus que jamais l’Eglise a un message à adresser au monde, en perte de repères et de valeurs. Nous avons une vraie responsabilité spirituelle dans cette nouvelle évangélisation”, se réjouit François Pinsac qui se défend de profiter d’un quelconque effet de mode du retour en force du religieux dans nos sociétés, jusque chez les politiques, à l’instar de François Fillon récemment. “En ce moment, c’est à la mode d’afficher ses convictions religieuses, mais comme ça l’était dans les années 1980 d’affirmer qu’on détestait l’Eglise. Alors, oui, peut-être que l’Eglise surfe sur une vague médiatique favorable, mais nous nous faisons seulement la promotion de cette vague.”
“Nous serons patients avec l’Eglise”
Une vague sur laquelle François Pinsac espère surfer pour attirer de jeunes entrepreneurs chrétiens mais aussi convertir les représentants de l’Eglise aux nouveaux usages numériques de leurs fidèles. “L’accueil qui nous est réservé par l’Eglise est très positif même si elle reste prudente, assure le fondateur d’Eglise et innovation numérique. L’Eglise a toujours mis du temps à réagir aux grandes révolutions. Nous serons patients avec elle mais les premiers contacts sont encourageants. La Quête, une application du collectif qui permet aux paroisses de réaliser une quête numérique, est par exemple en train d’être déployée dans sept diocèses.”
Pour mener à son terme ce chemin de croix, le jeune entrepreneur peut s’appuyer sur le meilleur des messagers. Le pape François en personne a qualifié Internet de “don de Dieu”, en appelant ses fidèles à devenir des “citoyens du numérique” – et ce, même s’il a récemment mis en garde les religieuses contre les risques d’une trop grande “dissipation”. On vous avait prévenu, la Church Tech, bien plus qu’un simple vivier de start-up, est au-delà d’une profession de foi, un véritable sacerdoce.
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