Une petite entreprise entre la France et le Maroc se propose de mettre en relation hackers et entreprises, pour que les bugs de sécurité des uns soient corrigés par l’expertise des autres. De l’économie collaborative d’un nouveau genre que le fondateur érige en éthique d’entreprise. Avec un certain succès.
« Le chiffre d’affaires ? Il n’est pas encore significatif à ce stade du développement » sourit Yassir Kazar, trentenaire franco-marocain et co-fondateur de la société. Et pourtant. Yogosha, entreprise de droit français née en 2015 entre Casablanca, Rabat et Paris est sans aucun doute une valeur déjà sûre.
Yogosha, « défenseur » en japonais, est une des rares boîtes actives dans le bug bounty. Le bug bounty ? Un programme collaboratif qui permet de mettre en relation des entreprises et des hackers. Ces derniers testent les programmes informatiques des sociétés, lui rapportent bugs et vulnérabilités moyennant compensation.
Prix d’entrée : 10 000 euros
« Le principe de base du bug bounty est qu’une entreprise utilise notre service pour acheter auprès de notre communauté de hackers éthiques les failles de sécurité. Le prix de ces failles est fixé par le client et le coût total d’un tel service dépend du nombre de failles présentes. Pour donner tout de même un ordre de grandeur, une campagne de bug bounty minimale requiert une enveloppe budgétaire de 10 000 euros. Nous fournissons aussi aux équipes de développement un feed-back utile sur leur production leur permettant de monter en compétence en matière de cybersécurité. »
Le marché est porteur. Et les concurrents… pas si nombreux : « Nous en avons deux en France. BountyFactory et BugBountyzone » explique Yassir Kazar, par ailleurs enseignant et consultant en intelligence économique. Avec quelques différences entre ces deux dernières entreprises et Yogosha, chacune ayant opté pour un modèle de collaboration particulier.
Une chose est sûre : alors qu’une première levée de fonds est en cours de réalisation, l’équipe de Yogosha peut compter sur le soutien des institutions et de sa communauté : son professionnalisme est largement reconnu. « Nous sommes lauréat du Grand Prix de l’Innovation de la Ville de Paris 2016, nous avons reçu le soutien de Scientipole Initiative [dispositif d’accompagnement des entreprises en Île-de-France] et avons obtenu la bourse Frenchtech [label des start-up françaises] pour l’innovation. Nous sommes par ailleurs lauréats de la Startup Promo 2016 de Hewlett-Packard », liste Yassir Kazar Kazar.
Yogosha a aussi récemment reçu le label Maroc Numeric Cluster, établissement marocain mixte, qui regroupe l’État et de grosses entreprises du secteur IT. Cette double reconnaissance en France et au Maroc de Yogosha lui offre aujourd’hui de multiples voies de développement, sur des régions différentes.
La France et le Maroc pour viser l’Europe et l’Afrique
« Nous visons le marché EMEA [Europe, Moyen-Orient et Afrique], avec un focus particulier en Europe, sur la France, et en Afrique, sur le Maroc. Nous avons déjà établis des partenariats stratégiques pour la distribution de notre solution en Espagne » révèle Yassir Kazar. Pour l’heure, Yogosha, avec ses six employés à plein temps, compte déjà une vingtaine de clients, « répartis en deux catégories : grands comptes et start-up ou éditeurs de logiciels B2B [d’entreprise à entreprise]. »
Mais la spécificité de Yogosha, dont l’autre figure charismatique est Fabrice Epelboin, enseignant à Sciences Po Paris, c’est sans doute son éthique. « Nous croyons aux libertés individuelles, tout en contribuant au développement durable de la communauté. (…) Nous érigeons la méritocratie comme une valeur centrale de notre plateforme » annonce le site. Explications : seules les technologies open source ont droit de cité chez Yogosha.
D’ailleurs au Maroc, Kazar est connu pour ses prises de position courageuses contre le blocage de la VoIP par exemple. En France, ce dernier est aussi fréquemment consulté sur le modèle économique de son entreprise. Certes, « nous nous intégrons dans la vague de l’économie collaborative dont les fers de lance sont Uber, Blablacar et Airbnb », concède Yassir Kazar.
Mais, pour lui, économie collaborative ne veut pas dire dumping, au contraire. Et de préciser ce qu’il perçoit comme source de progrès dans l’économie collaborative : « défier la géographie et le temps » et « les idées de partage de ressources ». Désormais, l’ambition est d’étendre le modèle.
Avec jeuneafrique