En signant un solde de tout compte au moment de son départ de l’entreprise, le salarié reconnaît avoir perçu les sommes qu’il pense lui être dues. Cependant, il peut se tromper ou ignorer précisément ses droits, voire découvrir ultérieurement son droit à un avantage financier salarial qui ne lui a pas été accordé. Bref, le solde de tout compte peut comporter des erreurs ou omissions qui se traduisent par moins d’argent dans la poche du salarié. Et bien qu’il fasse partie du paysage social français depuis près d’un siècle, le solde de tout compte véhicule encore des idées fausses. Notamment, l’impossibilité de contester un solde de tout compte qu’on a signé. Le point sur les droits des salariés et les moyens de les faire respecter.
Le solde de tout compte est né de la pratique patronale au dix-neuvième siècle. C’est bien plus tard, en 1953 que la loi s’empare du sujet.
Il s’ensuit une longue période de rigueur pour les travailleurs enfermés par la loi dans des délais et des conditions draconiennes pour contester le solde de tout compte, entrecoupée de périodes plus clémentes, la jurisprudence laissant alors au salarié la possibilité de remettre en cause le solde de tout compte.
Depuis 2008, l’article L 1234-20 du code du travail dispose que le solde de tout compte, établi par l’employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail. Autrement dit, le solde de tout compte est simplement la reconnaissance par le salarié qu’il a effectivement perçu les sommes qui y figurent.
Quand un salarié quitte son employeur, volontairement ou pas, deux questions le taraudent souvent : d’abord, faut-il signer le solde de tout compte ? Ensuite, comment et quand contester le solde de tout compte s’il n’est pas bon ?
La loi a tout prévu pour que le solde de tout compte ne soit pas un piège infernal pour le salarié, tout évitant que l’entreprise ne se retrouve désorganisée par des contestations tous azimuts.
Le solde de tout compte uniquement en cas de rupture
Le solde de tout compte est une attestation écrite par laquelle le salarié reconnaît l’encaissement des sommes qui y sont mentionnées. Pour autant, le solde de tout compte est-il obligatoire ? La réponse est oui. L’article L 1234-20 du code du travail est clairement rédigé de manière impérative. Si le législateur avait souhaité donner un caractère facultatif au solde de tout compte, il aurait écrit une formule du genre le salarié « peut » donner reçu etc.
Comme l’indique ce texte de loi, le solde de tout compte fait l’inventaire (la liste) des sommes reçues par le salarié et uniquement de celles-là. En conséquence, le solde de tout compte ne couvre pas les sommes, droits et valeurs qui n’y sont pas mentionnés.
Aux termes de l’article D 1234-7 du code du travail, pour être valable, le solde de tout compte est établi en double exemplaire, et l’indique expressément. L’un des exemplaires du solde de tout compte est remis au salarié.
A quel moment le salarié doit-il signer le solde de tout compte ? Certaines entreprises présentent le solde de tout compte à signer, accompagné du chèque de règlement, le dernier jour de travail. D’autres, surtout lors d’un départ en cours de mois, adresse le tout par voie postale au domicile du salarié.
Le départ d’une entreprise, choisi ou subi, s’accompagne généralement d’un moment d’émotion, voire de tension, qui fait qu’on peut être moins vigilant, avec le risque de ne pas voir les erreurs ou insuffisances des sommes mentionnées sur le solde de tout compte.
Contester le solde de tout compte
Pas de panique, le solde de tout compte peut être dénoncé par le salarié dans les six mois suivant sa signature. La dénonciation du solde de tout compte a lieu obligatoirement par lettre recommandée, indique l’article D1234-8 du code du travail. Mais, si pour des raisons pratiques, la formule recommandée avec avis de réception est préférable, les juges ne peuvent pas exiger du salarié un accusé de réception pour faire la preuve de la réception de la lettre par l’employeur. En effet, l’article D 1234-8 du code du travail exige que la dénonciation du solde soit exprimée par lettre recommandée. Point. Il n’exige pas la formule accusé de réception.
Autre précision, livrée par la cour de cassation, pour rappeler que la dénonciation par le salarié dans le délai de six mois suivant la signature du solde de tout compte n’a pas à être motivée et prive le solde de tout compte de tout effet libératoire. (chambre sociale, 18 septembre 2013, QPC n°13-40042 disponible sur le site de la Cour de cassation). Et c’est vrai que nulle part la loi ne dit que la lettre de dénonciation du solde de tout compte doit être motivée.
Il s’est également posé ces questions : l’achèvement du délai de six mois rend-il irrecevable toute demande de quelque nature que ce soit dès lors que le salarié n’a pas dénoncé le solde de tout compte dans ce délai légal ? Ou bien faut-il considérer que le solde de tout compte signé n’a d’effet libératoire qu’à l’égard des sommes qu’il détaille précisément et que toutes les demandes qui ne concernent pas ces sommes ne sont pas atteintes par le délai de six mois ?
Ces questions sont d’autant plus importantes que certains employeurs ont pris l’habitude de truffer le solde de tout compte de formules générales qui font dire au salarié qu’il atteste être rempli de tous ses droits.
Dans une affaire soumise à la Cour de cassation, une salariée avait signé un solde de compte comprenant une formule par laquelle cette personne reconnaissait que le versement reçu apure et règle définitivement les comptes entre elle-même et l’employeur. Neuf mois après la signature du solde de tout compte, la salarié a porté l’affaire en justice. Ce qui a donné à la Cour de cassation (chambre sociale 18 décembre 2013 pourvoi n° 12-24985) l’occasion de préciser que le solde de tout compte n’a d’effet libératoire que pour les sommes qui y sont mentionnées, peu importe le fait qu’il soit, par ailleurs, rédigé en des termes généraux.
L’arrêt de la cour de cassation est très logique. Il suffit de lire l’article L 1234-20 du code du travail pour s’en convaincre puisque ce texte dans son alinéa 2 précise qu’au delà du délai de six mois, le solde de tout compte devient libératoire pour l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.
Si l’employeur refuse de faire droit à votre contestation du solde de tout compte, affirmant n’ y avoir pas constaté d’erreur, ou garde le silence, vous devrez, si vous entendez aller plus loin, saisir le conseil des prud’hommes, même lorsque vous avez portez réclamation auprès de votre employeur après la fin du délai de six mois.
Dernier conseil : ne signez jamais le solde de tout compte si vous n’avez pas entre les mains le chèque correspondant à la totalité des sommes qui y sont mentionnées (ou si le virement n’est pas arrivé – mais seulement promis – sur votre compte bancaire).