La troisième session de la Conférence ministérielle africaine sur la météorologie (Amcomet) s’est achevée samedi 14 février à Praia, au Cap-Vert. L’occasion de revenir sur la nécessité, pour les États africains, d’investir dans la recherche pour anticiper des phénomènes ayant de grands impacts sur les peuples et les économies du continent.
De façon tout à fait exceptionnelle, il pleuvait sur Praia (Cap-Vert) ces 13 et 14 février 2015 pour saluer la fin de la troisième session de la Conférence ministérielle africaine sur la météorologie (Amcomet), créée en 2010. Même si ces orages inhabituels pourraient probablement être mis sur le compte des changements climatiques mondiaux, le président Jorge Carlos de Almeida Fonseca a voulu y voir un signe positif : “Nous avons reçu quelques pluies ces derniers jours, et je dois dire que c’est toujours une source de satisfaction pour le Cap-Vert. Nous chantons avec la pluie, nous dansons avec la pluie, nous faisons de l’art avec la pluie. Elle nous rend heureux. Qu’elle soit là aujourd’hui est une agréable coïncidence pour moi.”
Ami parfois, ennemi d’autres fois, le climat est un acteur déterminant de l’économie et du développement, tout particulièrement en Afrique. L’agriculteur vivant dans la zone sahélienne qui attend pour semer le peu d’eau que le ciel veut bien lui donner, le médecin qui sait que l’anophèle porteur du paludisme se développe dans certaines conditions de température et d’humidité, le pilote d’avion qui doit conduire à bon port des quelques deux cents passagers, tous savent l’importance des prévisions climatiques. Est-ce pour autant le cas des dirigeants qui tiennent les cordons de la bourse quand il s’agit de financer, sans espoir de retour sur investissement directs, des services de météorologie qui peuvent paraître couteux en termes de moyens humains et technologiques ? L’objectif affiché de l’Amcomet est en tout cas de les en convaincre.
Il s’agit au fond de faire comprendre aux gouvernements l’importance concrète de la météorologie – sachant qu’en la matière, les frontières n’existent pas.
Favoriser la coopération entre les états africains, promouvoir le développement et la diffusion de l’information météorologique, préconiser un processus de décision avisé reposant sur de solides fondements scientifiques, harmoniser des programmes de développement durable, etc., voilà de bien grands mots ! Mais en réalité, il s’agit au fond de faire comprendre aux gouvernements l’importance concrète de la météorologie – sachant qu’en la matière, les frontières n’existent pas.
“Au Cap Vert, poursuit le président de Almeida de Fonseca, la météorologie joue un rôle très important pour l’orientation des vols qui traversent l’océan comme pour celle des navires. La prévision des aléas climatiques joue un rôle dans l’orientation des grands choix de planification. Comme nous sommes voués à vivre avec ces contingences aléatoires, il vaut mieux pouvoir compter sur les progrès de cette science avérée.” Tour d’horizon des secteurs pour lesquels la prévision et l’analyse météorologiques sont capitales.
1/ Les transports
C’est une évidence que l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique (Asecna) n’ignore pas. Assurer la sécurité des vols nationaux comme internationaux exige en effet une connaissance fine des prévisions météorologiques. Mais les avions ne sont pas les seuls à être tributaires du climat : les navires aussi dépendent des informations météorologiques.
2/ L’agriculture
Quand semer? Quand utiliser de l’engrais? “S’il ne pleut pas pendant dix jours après un semis, il faut tout recommencer explique Ousmane Ndiaye, le chef du département de recherche et de développement de l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie du Sénégal. S’il pleut après que l’engrais, qui est très cher, a été épandu, tout est perdu!” De fines prévisions, parfois à la journée près, permettraient d’informer les agriculteurs avec une précision d’autant plus utile que les habitudes anciennes sont bouleversées par les changements climatiques actuels.
3/ Le génie civil
Prévenir d’éventuelles inondations, construire des routes qui résistent aux pluies et aux glissements de terrain, planifier le développement urbain : rien de tout cela ne peut se faire sans une bonne analyse des données météorologiques – sauf à vouloir jeter son argent non pas par la fenêtre mais dans une coulée de boue, où les chances de le retrouver sont encore plus faibles.
4/ L’énergie
En matière de production hydroélectrique, les prévisions liées à l’étiage d’un fleuve sont essentielles pour déterminer quand ouvrir les vannes… et quand les fermer. Impossible de réagir quand la crue est là : il faut donc anticiper. De même, la connaissance du niveau d’ensoleillement ou de la force du vent peut permettre de s’appuyer sur des énergies renouvelables.
5/ La santé
Les maladies à transmission vectorielle dépendent en grande partie des conditions météorologiques. Prévoir ces dernières peut permettre d’anticiper une vague de paludisme où le développement de maladies liées directement à l’eau… ou à la poussière. “Aujourd’hui, les zones endémiques du palu sont en train de changer, explique Ousmane Ndiaye. Le savoir peut permettre aux gens de mieux se protéger. De même, nous savons que la forte quantité de poussière offre un terrain favorable à l’apparition de la méningite…”
6/ Le tourisme
Anecdotique? Peut-être, mais dans les pays où ce secteur est source de rentrées de devises importantes, l’information climatique peut servir à améliorer les services proposés aux touristes… et rendre cette manne pérenne.
Cette liste n’est pas exhaustive : prévision des catastrophes naturelles, aménagement du territoire, exploitations des ressources naturelles, nombreux sont les secteurs affectés plus ou moins directement par le climat. L’absence de prévisions et d’analyses météorologiques a un coût, certes indirect et difficile à évaluer, mais important. Un coût accentué par le réchauffement planétaire. “Aujourd’hui, notre mode de vie n’est pas pérenne et nous pousse vers un état d’urgence planétaire”, a déclaré le chef de l’État capverdien lors de la 3e session de l’Amcomet. Reste à espérer que ses paroles prononcées en plein océan atlantique soient entendues au-delà des mers. Car comme le dit Michel Jarraud, secrétaire général de l’Organisation mondiale de météorologie, “Les ouragans qui affectent les Caraïbes prennent naissance ici, au Cap Vert.”
avec jeuneafrique