L’ancien président israélien, dernier des pères fondateurs d’Israël et prix Nobel de la paix s’est éteint ce mercredi à l’âge de 93 ans. Il était l’un des derniers grands témoins de l’histoire d’Israël.
Présent sur le devant de la scène politique depuis la création d’Israëlen 1948, Shimon Peres a montré une résilience à toute épreuve. Particulièrement apprécié à l’étranger, il a côtoyé tous les grands dirigeants de la seconde moitié du XXe siècle. Voici les grandes étapes qui ont marqué sa vie
Armes modernes et colonies
Dans les années 50, en poste au ministère de la Défense, Shimon Peres participe à l’approvisionnement d’Israël en armes modernes, notamment par la France avec laquelle il joue les intermédiaires privilégiés. Il bâtit l’industrie aéronautique qui devient la première du pays, avec 20 000 employés et l’industrie électronique qui en fait travailler 10 000, rappelle Jacques Derogy dans L’Express en 1981.
Dans les années 1970, classé parmi les “faucons” travaillistes, alors ministre de la Défense, il cautionne les premières colonies juives en Cisjordanie occupée. “Les colonies, explique-t-il, sont les racines et les yeux d’Israël”. Il est alors hostile à tout compromis territorial et à l’idée d’un Etat palestinien, rappelle Yossi Beilin, négociateur des accords d’Oslo dans Foreign Policy.
Le fiasco de la guerre du Sinaï en 1956
Quand le dirigeant égyptien Gamal Abdel Nasser ferme le canal de Suez à la navigation israélienne et le nationalise, en 1956, Paris et de Londres qui en détenaient jusque-là le contrôle décident d’intervenir. Les deux pays partagent avec Israël l’hostilité envers le dirigeant nationaliste, notamment, côté français, en raison de son soutien au FLN.
Shimon Peres, directeur général du ministère de la Défense, prend part, aux côtés du Premier ministre Ben Gourion et de Moshe Dayan, le chef d’état-major de l’armée, à la préparation de l’expédition de Suez. L’affaire tourne au fiasco lorsque Washington et Moscou, qui ont été mis à l’écart de l’opération secrètement planifiée à Sèvres, imposent un cessez-le-feu aux belligérants.
Le père du programme d’armement nucléaire
Shimon Peres est considéré comme le “père” du programme nucléaire israélien, l'”Opération Samson”. Les Etats-Unis refusant de contribuer à ce programme, afin de limiter la croissance du club des puissances nucléaires, Shimon Peres, fort des relations se tourne vers la France.
Paris livre un réacteur pour la centrale de Dimona, l’un des deux centres de recherche avec celui de Sorek. Peres explique plus tard que l’acquisition, en 1967, de l’arme “de dissuasion” (Israël n’a jamais officiellement admis posséder l’arme nucléaire) est une “compensation à la petite taille” de l’Etat juif.
L’un des architectes des accords d’Oslo
Le Faucon se fait colombe au fil du temps, et en 1979, il s’oppose à ceux qui, au sein du parti Travailliste qu’il dirige, dénoncent le traité de paix israélo-égyptien qui implique un retrait des colons du Sinaï.
Le véritable sommet de la carrière de ce diplomate chevronné est l’accord d'”Oslo” conclu avec l’Organisation de libération de la Palestine, en 1993. “Ce n’est pas moi qui ai changé. Je crois que la situation a changé. Tant que l’existence d’Israël était menacée, j’étais ce que vous appelleriez un faucon (…) Dès que j’ai senti que les Arabes étaient ouverts à la négociation, j’ai dit que c’était ce que nous préférions aussi”, disait-il à Time.
L’accord lui vaut le prix Nobel de la Paix, partagé avec le Premier ministre Yitzhak Rabin et le dirigeant palestinien Yasser Arafat, Son grand rival travailliste, lui, paiera de sa vie son engagement en faveur du dialogue avec les Palestiniens.
“Il n’y a pas d’alternative à la paix. Faire la guerre n’a pas de sens”, continue-t-il de dire en 2013. Le processus de paix a un “objectif clair”: avoir “un Etat juif appelé Israël et un Etat arabe appelé Palestine qui ne se combattraient pas mais vivraient ensemble dans l’amitié et la coopération”.
L’édifice diplomatique qui aurait dû conduire à la création d’un Etat palestinien et à la fin de décennies de conflit n’est toutefois jamais parvenu au bout de ses objectifs.
“Peres était un homme de paix, admet, pour le Jerusalem Post, l’ex ministre palestinien Achraf al-Ajrami. “Il (croyait) en la paix, mais il n’a pas [lorsqu’il était Premier ministre, après l’assassinat de Rabin, NDLR] su prendre de décisions audacieuses pour faire la paix.”
Le chef de l’Etat qui restaure l’image présidentielle
Son image très positive à l’extérieur du pays n’a pas empêché ses échecs électoraux répétés en Israël. Entré en politique à 25 ans, Peres détient un record de défaites électorales avec ses échecs aux législatives de 1977, 1981, 1984, 1988 et 1996. Malgré cette image d'”éternel perdant”, il se relève à chaque fois.
Il a exercé presque toutes les fonctions ministérielles: deux fois chef du gouvernement, ministre des Affaires étrangères, de la Défense, des Finances, de l’Information, des Transports ou encore de l’Intégration. Il est pourtant toujours resté dans l’ombre de ses partenaires ou de ses adversaires – Ben Gourion, Moshe Dayan, Golda Meir, Menahem Begin, Yitzhak Rabin et Ariel Sharon-, rappelle l’éditorialiste Nahum Barnea dans Yediot Aharonot.
Il lui faut attendre la fin de sa vie publique pour trouver grâce aux yeux de ses concitoyens. Devenu président grâce à son statut particulier dans les capitales du monde entier, il restaure la dignité de cette fonction après l’affaire Moshé Katsav, son prédécesseur condamné et emprisonné pour viol, relève, avec une pointe de nostalgie Nahum Barnea.
avec lexpress