Déclarations confuses, mises à jour “majeures” invisibles… La communication du moteur sur ses évolutions devient difficile à comprendre. Des pros expliquent comment ils le vivent.
Depuis le départ de Matt Cutts, mi-2014, la communication du moteur a bien changé. Ce sont désormais plusieurs “Webmaster Trends Analysts” qui ont pris le relai : Gary Illyes, John Mueller et Zineb Ait Bahajji essentiellement. La communication ne se fait plus depuis Mountain View mais depuis Zurich, et l’ère des réponses en vidéo à des questions de webmasters, mais aussi l’ère des billets de blogs annonçant et décrivant Panda puis Penguin semblent bel et bien révolues.
Même si elle est sans aucun doute pétrie des meilleures intentions, cette nouvelle communication est désormais sous un feu nourri de critiques. C’est vrai qu’elle a déjà généré beaucoup d’incompréhension et de déception. Voici 5 moments clés qui ont dégradé la communication entre le moteur et les professionnels.
1- Mobilegeddon : un pétard mouillé ?
La fameuse mise à jour du 21 avril 2015 devait favoriser, sur mobile, les pages bénéficiant du label “mobile-friendly” (voir ci-contre). Dans son annonce, Google avait bien mis l’accent sur l'”impact significatif” que devait avoir cette mise à jour. Tout le monde s’attendait donc à un petit séisme. Il n’en fut rien. Plusieurs études ont été réalisées, et aucune n’a réussi à observer des changements significatifs, que ce soit des gains de visibilité pour les sites “mobile-friendly”, ou des pertes pour les sites qui ne l’étaient pas.
Il est vrai que de nombreux sites ont (parfois beaucoup) travaillé pour devenir “mobile-friendly” et surtout être prêts pour bénéficier du bonus le jour J, ce qui a pu accentuer les attentes… et atténuer l’effet de la mise à jour dans les pages de résultats. N’empêche, c’est l’incompréhension.
“Google n’a pas la même vision que les SEO. Il peut voir des modifications importantes qui restent peu visibles des SEO. Une mise à jour comme celle du ‘Payday loan’ a sans doute pu pénaliser des sites sur certaines niches, mais comme aucun de mes clients n’est sur ces niches, je ne l’ai pas ressentie. Cela ne veut pas dire que cette mise à jour n’a pas eu lieu”, défend Sébastien Monnier, fondateur de l’agence spécialisée Woptimo. Philippe Yonnet, directeur de l’agence Search Foresight, abonde dans le même sens. “L’analyse de Google est très macro, et ce n’est pas celle des SEO et des webmasters”, analyse-t-il.
“Google ne ment pas”
Ancien de Google, Sébastien Monnier en est sûr, en tout cas, “Google ne ment pas”, même si son analyse peut parfois surestimer ou sous-estimer certains phénomènes. Philippe Yonnet assure lui aussi que les employés de Google qui ont communiqué sur le sujet étaient “très sincères”, “persuadés d’avoir les bons chiffres” et de “dire la vérité”.
2- “Penguin va être déployé en 2015”
Cela pourrait presque porter à sourire : les référenceurs attendent le déploiement d’un nouveau filtre Penguin depuis plusieurs semaines. Sa mise en œuvre a d’abord été annoncé pour fin 2015, puis “probablement pour janvier”, puis au premier trimestre. Désormais, c’est “quand il sera prêt“. Certes, Google prend souvent des pincettes pour bien faire comprendre que rien n’est sûr. Mais, à chaque fois, toute le monde prend note des dates… et c’est finalement un peu le sketch à répétition. “Après cela, celui qui devra annoncer le déploiement de Penguin sera 0% crédible”, tacle Philippe Yonnet.
En outre, le prochain déploiement de ce Penguin doit inaugurer un nouveau mode de fonctionnement, en temps réel (la mise à jour ne sera donc plus déployée comme un filtre de temps en temps). Mais n’était-ce pas ce que Google avait déjà annoncé en décembre 2014 (“il n’y aura pas véritablement de date de fin du déploiement car les mises à jour de Penguin deviennent plus continues”) ? Apparemment non, mais cela reste tout de même très confus…
3- Panda “au cœur du classement des résultats”
La confusion autour de Panda est encore plus grande. En 2013, Google explique qu’il ne devrait plus annoncer de mises à jour de Panda – car cet algorithme devait être inclus lors de l’indexation des pages, comme l’avait dit peu de temps avant Matt Cutts, en mars 2013. Raté : Google annoncera plusieurs autres déploiements de Panda après cette date.
Et, même si cela semblait difficile, la confusion a encore grandi récemment, depuis que Google a annoncé que Panda est désormais “l’un des signaux au cœur du classement des résultats”. Non seulement on aurait pu croire que c’était déjà le cas, mais surtout, au final, il n’est pas facile de savoir ce que cela change (Google ne sachant pas trop quoi dire sur ce point). En plus, comme si cela n’était déjà pas assez compliqué, Google a ensuite voulu préciser que Panda n’est pas en temps réel… Même les spécialistes s’y perdent. “On n’y comprend plus rien”, finit par admettre Sébastien Monnier.
4- Colibri et RankBrain : des mises à jour à l’impact énorme… que personne n’a vu
Par deux fois, Google a annoncé à la presse un bouleversement majeur réalisé dans son algorithme de classement. La première fois, ce fut en 2013, pour les 15 ans du moteur, à l’occasion d’une mise à jour baptisée Hummingbird (Colibri). La deuxième, il y a quelques mois, pour RankBrain.
Deux mises à jour présentées comme majeures, impactant un pourcentage de requêtes plus élevé que les Panda ou les Penguin les plus ravageurs. Problème : à chaque fois, ces mises à jour avaient déjà été déployées avant d’être présentées… et aucun professionnel, aucun outil, ne les avait décelées.
Les professionnels du secteur que nous avons interrogés admettent l’écart entre les chiffres annoncés et ce qu’ils ont pu observer, mais ils ne balayent pas d’un revers de main l’importance de ces mises à jour. “Certes, il est dur de voir la différence après Colibri ou Rankbrain”, admet Sébastien Monnier. Mais ces deux mises à jour marquent des tournants importants dans la manière de fonctionner du moteur. Par exemple, “avec Colibri, Google évolue d’un fonctionnement en index à un fonctionnement en graph”, argumente-t-il.
De la même façon, Rank Brain officialise l’usage du machine learning et de l’intelligence artificielle, à assez forte dose, dans l’algorithme, surtout pour les requêtes (très) longue traîne, voire inconnues du moteur (soit 15% de celles traitées chaque jour). “Comme ce sont avant tout des requêtes longue traîne qui sont concernées, c’est normal que personne ne voit l’impact, ce sont des cas invisibles pour le commun des mortels”, explique Philippe Yonnet, qui pense, en outre, qu’un déploiement progressif, de Rank Brain comme de Colibri, pourrait aussi expliquer pourquoi ces mises à jour ont été si mal détectées.
5- Phantom Updates, ou quand Google ne dit rien de mises à jour importantes
Il y a un autre élément qui a jeté le trouble. Mobile-friendly, Rank Brain, Colibri… A côté de ces mises à jour censées être importantes, mais que personne n’a vues, il y a eu des mises à jour ressenties, parfois avec force, et sur lesquelles Google n’a rien dit. Elles portent parfois le nom de ‘Phantom Updates’ (ou mises à jour fantômes).
La première connue sous ce nom-là remonte à 2013, et il y en a eu plusieurs en 2015. Google a carrément pu nier avoir procédé à l’une d’entre elles, avant de finir par admettre, plusieurs jours après qu’une “quality update” avait bien eu lieu, affectant le cœur de l’algorithme. Et alors que les professionnels observaient de gros mouvements dans les pages de résultats en novembre 2015, Google avait même oser affirmer“n’avoir rien de particulier à annoncer”.
Une communication jugée “très maladroite”
Début 2016, rebelote, et ce deux week-ends de suite, les SEO et les outils spécialisés détectent de fortes variations dans les résultats, certains y voyant même le Penguin tant attendu. Après de l’inertie et des tweets confus, Google afini par admettre qu’il s’agissait aussi de “mises à jour de qualité”. Pas très parlant – après tout, Panda et Penguin n’étaient-elles pas elles aussi des mises à jour visant à améliorer la qualité des résultats ?
Une exégèse chronophage… et inutile ?
Philippe Yonnet juge la communication sur ces dernières mises à jour “très maladroite”, et aurait finalement préféré entendre le moteur dire qu’il ne communique pas sur les mises à jour du cœur de l’algorithme. Pour Sébastien Monnier, ces communications de Google, “si elles ne sont jamais vraiment fausses, ne sont pas toujours les plus intéressantes”.
Faut-il alors encore prêter attention à cette communication, qui parfois se contredit d’un jour sur l’autre, ou pâtit d’un énorme manque de clarté ? Ne faut-il pas tout simplement s’en désintéresser. “Surtout pas, répond Philippe Yonnet, car mes client s’y intéressent, et je dois donc m’y intéresser et m’y plonger en détail, avant que quelqu’un me sorte un tweet de Google que je n’aurais pas vu”. Mais rapidement, il soupire en lâchant : “Je perds beaucoup de temps à faire ce qu’il convient d’appeler de l’exégèse, alors que dans la majorité des cas, cela n’a aucun intérêt opérationnel.”
avec journaldunet