L’affaire des jeunes arrêtés à Yoff Tonghor pour terrorisme présumé est en réalité la prolongation de celle des huit Sénégalais, membres de la cellule de Mohamed N. alias Abu Youssouf, interceptés en février 2016 en Mauritanie. Le travail de longue haleine mené par les forces de sécurité a permis d’établir de manière formelle que les frères A. C. dit Abdallah (élève en classe de première) et P. K.C. (élève en classe de terminale S2) ainsi que M. B. (étudiant ) et T.S. N.B. (élève en classe de première L2), tous habitants à Yoff Tonghor, étaient des recruteurs. Révélations exclusives de Libération…
On est en février 2016. A la faveur d’une délégation judiciaire, faite par le Doyen des juges Samba Sall dans le cadre de l’affaire Alioune Badara Ndao, une discrète équipe du Groupe d’intervention et de recherches (Gir) de la Division des investigations criminelles (Dic) intercepte le nommé Moustapha Diatta qui venait de sortir de la mosquée de «Masjid Juma» ou «Mosquée Ibadourahmane» sise à Fann, vers le Canal 4, où il accomplissait la prière de «Timiss».
Ce «vendeur d’aquarium», qui habite la Sicap Karack est soupçonné d’avoir convoyé en Libye la nommée Ndèye Sy K., ses trois enfants mineurs et son mari, Ameth B. dit Zaid Ba, tué à Syrte.
Au cours des investigations, les enquêteurs établissent des liens entre Diatta et un certain Aboubacary N., vivant en Mauritanie. Celui-ci est considéré comme un membre d’une cellule terroriste dirigé par Mohamed N. alias Abou Youssouf. Grâce à la coopération policière, Mohamed N., Aboubakry N et six autres personnes sont arrêtées en Mauritanie, extradées sur Dakar avant d’être placés sous mandat de dépôt. Dans le groupe des personnes interpellées, on retrouve Lamine C. dit Abu Javaar qui a reconnu avoir combattu dans les rangs de l’organisation terroriste Boko Haram. C’est justement de ce dernier qu’est partie l’affaire dite des terroristes présumés interpellés il y a de cela quelques jours à Yoff Tonghor.
En effet, dans le cadre de cette enquête, les frères A. C. dit Abdallah (élève en classe de première) et P. K.C (élève en classe de terminale) ainsi que El Hadji M. B. (étudiant) et T. S. N.B (élève en classe de première), tous domiciliés à Yoff Tonghor ont été mis en examen et écroués.
Selon nos informations, ce sont les déclarations faites par Lamine C. lors de son interrogatoire qui ont permis l’arrestation de ces quatre personnes. Libération a appris que Lamine C. a avoué aux enquêteurs que ce sont les susnommés qui l’ont convaincu de rejoindre les rangs de Boko Haram en plus de lui avoir fourni les moyens financiers pour rallier le Nigéria.
Après son brevet de fin d’études en arabe obtenu dans un village du Fouta, Lamine C. est venu poursuivre ses études à Dakar. A cet effet, il avait posé ses baluchons chez son grand père M.C. à Yoff. Et c’est en ce moment qu’il fait la connaissance des petits fils de ce dernier à savoir A. C. et P.K.C et de M. B.
A ses dires, ces derniers faisaient des prêches sur le Jihad dans une mosquée faisant face à la maison familiale des C., en plus de justifier les horribles exactions commises par le cancer Boko Haram. Mieux, ils finiront par le convaincre de rejoindre le théâtre des opérations au Nigéria. C’est d’ailleurs M.B. qui donnera à Lamine C. 150.000 de FCfa pour le transport.
La même somme sera remise à une personne qui était du voyage : Marième S. Ecrouée dans le cadre de l’affaire Alioune Badara Ndao, Marième S. est la femme de Mokhtar Diokhané, arrêté au niveau de la frontière nigérienne alors qu’il tentait de négocier la libération de combattants proches de Boko Haram. Mais il y a bien pire qui accable les «jeunes» de Yoff.
Lamine C. avait ajouté qu’après avoir combattu dans les rangs de Boko Haram, il est revenu au Sénégal où il était hébergé par M. B. Par la suite, il est parti en Mauritanie – d’où il a été arrêté – pour reprendre ses études coraniques. Il précisait que lors de son séjour, A. C. est revenu à la charge pour l’appeler au téléphone et lui proposer de reprendre le Jihad, en Libye cette fois-ci. A. C. lui avait assuré qu’il disposait déjà des fonds pour financer le voyage.
C’est fort de toutes ces informations que les enquêteurs sénégalais ont mis en place une discrète surveillance autour des quatre mis en cause présumés qui faisaient l’objet d’une «prise en charge» permanente. Qui plus, la Dic avait été informée, presque durant la même période, que les quatre suspects se remarquaient de plus en plus par des prêches extrémistes dans la mosquée faisant face au domicile des frères C. La perquisition effectuée par les enquêteurs chez ces derniers, à la suite de leurs interpellations, a conforté les soupçons de la Dic. En effet, elle a trouvé dans la chambre des C. des manuscrits sur la «persécution de la Syrie», «les guerriers Asmouth», les «exactions en Palestine» etc. Par ailleurs, 10 téléphones portables ont été saisis chez M. B, le plus âgé du groupe…
avec senegal7