La Cour juridique de la Cedeao a, dans une décision en date de vendredi dernier, donné raison aux avocats du maire Khalifa Sall en détention à Rebeuss pour divers délits liés à sa gestion de la Caisse d’avance de sa Mairie.
Il est surtout mentionné dans l’exposé des motifs que le Maire n’a pas bénéficié de la présomption d’innocence, que les droits de la défense ont été violés.
Qui plus est, la Cedeao estime qu’il a subi une période arbitraire de détention, celle à laquelle il aurait dû bénéficier de l’immunité parlementaire et qu’en conséquence, il condamne l’Etat du Sénégal à payer une amende de 35 millions au prévenu.
En conséquence, ses conseils exigent sa libération immédiate en exécution de cette décision qui, selon Assane Dioma Ndiaye de la Ligue sénégalais des droits de l’homme (LSDH), est ‘’exécutoire’’.
Du côté des autorités étatiques, la réaction ne s’est pas fait attendre. Le Ministre de la Justice, Ismaël Madior fall, a estimé, en substance, que la Cedeao n’a pas tranché le fond du dossier, qu’il s’est prononcé sur des questions de procédure qui ne remettent pas ne cause les décisions prises par les juridictions sénégalaise et celles à venir, certainement, notamment concernant le verdict attendu de la Cour d’appel du 09 juillet prochain.
Là-dessus, qu’en penser ?
Il faut d’abord préciser que cette position du Sénégal n’est, ni plus ni moins, qu’un refus de s’exécuter par rapport à une décision d’une juridiction supranationale dont il a ratifié la charte.
Le raisonnement du Ministre de la Justice ne saurait être qualifié de juridique ou, s’il l’est, c’est un argumentaire tiré par les cheveux. Estimer en effet que ‘’la décision de la Cour de Justice de la CEDEAO rendue le 29 juin 2019, ne concerne pas le fond de I’Affaire et ne remet nullement en cause l’autorité de la chose jugée qui s’attache aux décisions rendues par le Tribunal’’, ne résiste nullement à l’analyse. Des arguments de forme comme ceux de fond peuvent justifier l’annulation d’une procédure et la libération de quelqu’un. Les batailles de procédure sont aussi importantes que celles dans le fond. Le Code de procédure pénale prévoit en effet des règles dont leur violation entraine justement l’annulation des procédures engagées et profitent aux personnes inquiétées.
Par exemple, le simple fait que les droits sacrés de la défense de quelqu’un sont violés, justifie justement l’annulation des condamnations prises sur la base de cela car on ne lui pas permis de bien se défendre.
Tout cela pour aboutir à quoi ?
Il est important en effet de faire remarquer que ce n’est nullement la première fois que le Sénégal ‘’refuse’’ de s’exécuter par rapport à des décisions de la Cour de justice de la Cedeao.
Dans l’Affaire Karim Wade, à forte connotation politique, le même manque d’enthousiasme avait été remarqué s’agissant de décisions qui étaient favorables au fils de l’ancien Président.
Le Sénégal trouve toujours l’artifice juridique de confort qui lui permet de se dérober à ses responsabilités malgré le fait qu’il a ratifié le traité instituant cette Cour.
Sachant que la Cedeao n’est par une Super-Etat, le Sénégal profite de la brèche.
Or, ce faisant, il fragilise dangereusement la Cedeao. Tous les jours, des décisions sont prises contre d’autres pays et chacun ‘’refusait’’ de s’exécuter, même en y mettant la forme, cette Cour de Justice n’aurait plus sa raison d’être. Et c’est cela qu’il faut éviter.
Le Ministre l’a déploré, la Cedeao peut statuer alors que les lois de recours internes ne sont pas épuisées. C’est vrai et c’est maladroit. Mais la loi est la loi et il faut l’appliquer en tant que tel.
Le Sénégal a toujours été le chantre de la démocratie en Afrique. La jeune équipe au pouvoir a le devoir et l’obligation de perpétuer cet héritage.
On ne peut pas voir une jeune classe politique formée dans toutes les disciplines où ils excellent, s’amuser avec nos institutions et celles de la Cedeao parce qu’ils ont des desseins électoralistes. Ils ternissent en conséquence l’image d’un pays où les générations antérieures ont durement travaillé pour bâtir la réputation.
Les élections se gagnent par des bilans et une communication adaptée, des programmes, et non par des manœuvres préélectorales.