Selon la nature de vos équipes, hétérogènes ou homogènes, vous devrez adopter un style de management différent.
La littérature consacrée au leadership est abondante, et parfois contradictoire. Selon les ouvrages, le leadership est présenté comme inné ou pouvant s’apprendre, grâce à des recettes assez simples. Le charisme du leader fait, lui, l’objet de moins de commentaires car il correspond à un véritable travail de régulation que le leader réalise dans les équipes. Des travaux récents montrent qu’il ne faudrait pas développer le même leadership selon que l’équipe est plutôt homogène ou au contraire hétérogène. Les entrepreneurs ont donc tout intérêt à réfléchir à la bonne attitude à adopter.
Entrepreneur traditionnel et charismatique pour les équipes hétérogènes
L’hétérogénéité des équipes peut être culturelle, générationnelle, concerner l’expérience professionnelle, les différences de genre… Comme le soulignent Watson et ses collègues (2002), quelle que soit le type d’hétérogénéité qui caractérise ses équipes, un leader doit évoquer la richesse qu’apportent ces différences voire d’autres formes de différences que celles qui sont vécues par ses collaborateurs. Les exemples tirés d’expériences passées sont très utiles : la diversité constitue un levier fort pour mieux partager, développer les synergies, accepter le changement, clarifier ensemble des situations complexes.
Les chercheurs en théorie organisationnelle soulignent le besoin d’un référent assez traditionnel pour les équipes hétérogènes. Mais traditionnel ne veut pas dire archaïque. Les auteurs insistent sur la capacité du leader à faire entendre les différences effectives à travers une bonne répartition de la parole, voire des symboles, des silences, des distinctions scandées entre les phases d’action et de concertation. Cela suppose donc que le leader adopte un certain formalisme mais qu’il soit capable, de par ses expériences antérieures, d’entendre, voire de faire entendre les différences de points de vue de l’équipe.
Le leader est donc un expert de la diversité mais il neutralise sa posture et impose la mesure à chaque prise de parole. Il anticipe les situations de conflits ou de simple désaccord pour rebondir et favoriser les débats. Comme nous le rappelons avec Miruna Radu (2014), le leader joue ainsi un rôle éminent de régulateur et son style conventionnel permet une meilleure exploration des points de vue proposés pour procéder à une meilleure exploitation sur le moyen terme. Traditionnel ne veut pas dire non plus paternaliste ni distant.
Entrepreneur challenger pour les équipes homogènes
Si l’on en croit un certain nombre d’études dont celle de Ellemers et ses collègues (2004), dans les organisations, les équipes homogènes sont encore les plus nombreuses. Les leaders eux-mêmes sont, en grande majorité, rassurés lorsqu’ils pratiquent l’homophilie c’est-à-dire le recrutement de personnes qui leur ressemblent autant que possible. Bien entendu, de nombreuses études soulignent les dangers d’une telle équipe qui peine à sortir de ses schémas et à en imaginer d’autres.
Le leader qui manage une équipe homogène doit montrer très tôt certaines caractéristiques de challenger et, ce, plus fortement que dans les équipes hétérogènes. A charge pour lui d’éveiller le sens d’un ailleurs ou d’une altérité dans ce type d’équipe, l’idée étant d’amener les membres du groupe à réfléchir sur leur attachement à certains systèmes d’appartenance qui déterminent leurs modes de prises de décision. Plus qu’un challenger, le leader devient ainsi un révélateur des inhibitions au changement qu’engendrent les groupes homogènes. Bien entendu, ce type de révélation déclenchera des tensions. C’est là que le leader trouvera son rôle de régulateur – rassurer chacun sur sa place et son rôle.
Références
1. Ellemers, N., de Gilder, D., & Aslam, A. (2004), Motivating individuals and groups at work : A social identity perspective on leadership and group performance, Academy of Management Review, 29 (3): 459-475.
2. Redien-Collot, R. & Radu, M. (2014), SME’s leaders: Building collective cognition and competences to trigger positive strategic outcomes, in Todorov, K. and Smallbone, D. (Eds.) , Handbook of Research on Strategic Management in Small and Medium Enterprises, New York, NY: IGI Global, pp. 143-158.
3. Watson, W., Johnson, L. & Zgounides, G. (2002), The influence of ethnic diversity on leadership, group process, and performance: an examination of learning teams, International Journal of Intercultural Relations, 26(1): 1-16.
L’auteur
Renaud Redien-Collot est enseignant-chercheur en entrepreneuriat à Novancia et Président du Conseil Scientifique de Women Equity for Growth.
Avec : lesechos