Dans ce quartier où se concentraient autrefois les concessionnaires automobiles, un nouvel élan entrepreneurial voit le jour sous une impulsion fortement féminine.
Au sommet de la colline qui s’élève depuis la baie d’Elliott, le quartier autrefois résidentiel de Capitol Hill est en plein renouveau. Parmi les belles maisons patriciennes qui bordent Volunteer Park et les immeubles de briques de la grande artère commerçante qu’est East Pike Street, c’est une métamorphose. Symbole de richesse au tournant du XXe siècle, ce quartier attenant au central business district accueillait autrefois de prestigieux concessionnaires automobiles. Packard, par exemple, occupait tout un pâté de maisons au sein d’une jolie bâtisse à la façade ornée comme celle d’un cinéma d’antan. En 2015, ce remarquable lieu a été transformé en un “Starbucks Reserve Roastery”, gigantesque et rutilant showroom de la marque de café née à Seattle en 1971.
Tout autour, restaurants hip, clubs de gym lumineux et concept stores élégants comme le très beau Glasswingshop, où se mêlent vêtements de créateurs et plantes extravagantes, ont peu à peu vu le jour. Un changement radical, alors qu’au fil des décennies, ce quartier d’abord prospère avait perdu de son panache, et ce, malgré la présence du Seattle Central College, université fondée en 1965.
Dans les années 1990, Capitol Hill fut un haut lieu du grunge, du rock “crade” des Nirvana, Pearl Jam ou Soundgarden qui ont porté la scène musicale de Seattle à travers le monde. Une époque où les belles devantures exposant cabriolets et berlines se sont muées en de moins sublimes garages et magasins de pneus. C’est à Liz Dunn, une ancienne ingénieure de chez Microsoft, que l’on doit en partie le renouveau de ce quartier depuis les années 2010. En lançant sa société de développement immobilier, Dunn & Hobbes, elle s’est mise en tête de réhabiliter et reconstruire des bâtiments délabrés pour leur offrir une nouvelle fonction en faisant appel à d’audacieux investisseurs.
Une de ses premières réalisations de rurbanisation a été le joli centre commercial de Melrose Market, dans la continuité du Starbuck Reserve. Puis, en 2015, ce fut la Chophouse Row, une impasse en quasi-ruine en retrait d’East Pike Street. “Ça n’était qu’un dépotoir de vieilles épaves”, raconte Jay Kuehner, le barman du Cloud Room, un merveilleux espace de coworking situé au quatrième et dernier étage du Chophouse Row. Dans ce lieu de travail, baigné de lumière et meublé avec soin dans des tons pastel rehaussés par la chaleur boisée des meubles vintage, on peut croiser aussi bien les grands patrons des géants de la technologie que des travailleurs indépendants en quête d’une atmosphère sereine et motivante.
Joyeux networking
Si la plupart font partie des 220 membres actuels du Cloud Room, rien n’empêche d’y passer la journée moyennant un forfait de 35 dollars. On peut aussi, tout simplement, prendre un verre après 16 h, quand le lobby se transforme en bar ouvert à tous. Difficile alors de se concentrer ? Les utilisateurs répondent qu’ils ont la possibilité de s’isoler dans un recoin, mais qu’ils préfèrent le plus souvent continuer leurs projets avec un verre de vin ou un cocktail concocté par Jay Kuehner, apparemment une star en ville.
C’est une manière de rencontrer de potentiels partenaires, de réseauter joyeusement. D’autant que la Chophouse Row n’accueille pas que des lieux de coworking. On trouve également des restaurants et des bars comme le Good Weather, où l’on peut prendre une bière en attendant que son vélo soit réparé, juste derrière le comptoir. Il y aussi Marmite, chaleureux restaurant d’inspiration française, et beaucoup d’autres adresses agréables.
À deux blocs de cette impasse à l’esprit ouvert se trouve un autre lieu de travail à fort caractère, The Riveter. Ce coworking à la déco d’une grande douceur – et dont les immenses fenêtres ouvrent sur un jardin – s’est lui aussi installé dans un ancien entrepôt de moteurs et de pneus. Ouvert il y a deux ans, The Riveter possède une particularité : il a été conçu par et pour les femmes. “L’idée n’est pas d’exclure les hommes, qui, au contraire, sont les bienvenus, mais de créer un lieu pensé pour les femmes. Par exemple, nous avons aménagé une pièce pour qu’elles puissent allaiter leurs enfants, et nous organisons régulièrement des ateliers sur des thèmes comme le sexisme et les différences de salaire”, raconte la porte-parole du lieu. Sur les 1 500 membres que compte ce réseau de coworking, réparti sur trois adresses à Seattle et deux à Los Angeles, 25 % sont des hommes. “Le concept fonctionne à merveille, et nous envisageons d’ouvrir huit autres espaces à travers le pays durant l’année 2019”, poursuit-elle.
Et comme Capitol Hill a le vent en poupe, les hôtels d’affaires s’égrainent à la lisière du quartier. En 2009, déjà, avait ouvert le Hyatt Olive 8, un 340 chambres design. Très récemment, le même groupe Hyatt a ouvert le Regency, d’une capacité d’un millier de chambres. Autant dire que Capitol Hill et son esprit business cool n’ont pas fini d’attirer les investisseurs.