Des chercheurs de l’Université nationale de recherche et de technologie MISiS et de l’Université d’Etat de Togliatti ont élaboré une théorie pour accélérer la conception de matériaux de construction dont les propriétés pourront être définies avec le plus de précision possible, ainsi que d’implants médicaux possédant des propriétés individuelles.
Les résultats de ces recherches ont été publiés par la revue Progress in Materials Science.
Les méthodes de déformation plastique intensive (DPI) sont devenues un instrument important pour les chercheurs dans la conception de nouveaux matériaux métalliques plus aboutis, qui sont de plus en plus demandés dans plusieurs industries. Les différentes méthodes de DPI telles que la torsion sous haute pression, la pression angulaire à canaux égaux, l’extrusion torsadée et le forgeage à axes multiples comptent désormais parmi les outils permettant de créer de nombreux nanomatériaux modernes.
Les méthodes de DPI permettent de broyer la structure intérieure d’un matériau pour l’amener à des dimensions submicroniques, ce qui conduit dans certains cas à la nanostructuration de ce dernier. Cela permet ainsi d’améliorer les propriétés du matériau, par exemple en élevant substantiellement sa solidité. Dans certains cas, on parvient à améliorer toutes les propriétés d’un matériau, y compris sa solidité et sa plasticité. Cela distingue avantageusement les méthodes de la DPI des procédés traditionnels d’usinage des métaux dans lesquels l’augmentation de la solidité est en règle générale associée à une perte de plasticité. Qui plus est, le broyage aussi radical de la microstructure d’un matériau améliore la résistance de celui-ci à la corrosion, ainsi que certaines de ses propriétés physiques.
Le professeur Youri Estrine (Université MASiS, Université Monash et Université d’Australie occidentale) et le professeur Alexeï Vinogradov (Université norvégienne des sciences et technologies, Université d’Etat de Togliatti) ont publié un article présentant une série de procédés théoriques et de concepts de modélisation permettant de prédire le comportement des matériaux qu’ils conçoivent.
“Les processus à l’oeuvre dans un matériau au cours de la déformation plastique intensive sont assez complexes, explique Youri Estrine. C’est une transformation radicale de la microstructure, et il est presque impossible de prédire les propriétés du matériau final, surtout quand plusieurs matériaux à la fois subissent une déformation. Sans la modélisation du processus, à l’appui d’une théorie sûre et physiquement fondée, l’expérimentation dégénère en divination aveugle. Malgré le grand nombre d’ouvrages théoriques existants, il y a assez peu de modèles qui posséderaient une bonne capacité de prédiction. Nous avons analysé des centaines d’articles publiés et des dizaines de modèles présentés dans ceux-ci. Nous avons finalement choisi les modèles les plus efficaces pour les compléter et les perfectionner”.
Selon les professeurs Estrine et Vinogradov, des percées sérieuses dans les recherches basées sur les méthondes de DPI pourraient surtout être attendues dans le domaine des implants médicaux. Les équipes de chercheurs qu’ils dirigent oeuvrent notamment à créer des implants osseux à partir d’alliages de magnésium.
“Les alliages de magnésium sont aujourd’hui très populaires car les implantologues du monde entier ont opté pour les matériaux biodégradables. En effet, il est très avantageux d’avoir à sa disposition un implant qui assume la charge durant la période nécessaire à la reconstitution du tissu osseux, et qui se dissout ensuite tout simplement dans l’organisme sans dommage pour ce dernier. Une nouvelle opération pour extraire l’implant usé n’est donc plus nécessaire. En théorie, tout cela semble facile. Mais la mise en application de cette idée exige des efforts colossaux des scientifiques, et on ne saurait se passer ici de la modélisation des processus de déformation”, commente Youri Estrine.
Une autre orientation du travail des chercheurs, reflétée dans leur étude, consiste à concevoir des matériaux hybrides avec une architecture intérieure programmée moyennant leur déformation conjointe par DPI.
Les matériaux hybrides sont des combinaisons de matériaux différents et souvent très hétéroclytes. A la différence des matériaux composites traditionnels, on privilégie, pendant la création de ces matériaux, la géométrie et la position respective de leurs composantes. Les méthodes de DPI permettent d’obtenir la géométrie intérieure souhaitée des matériaux hybrides tout en parvenant à les nanostructurer. Par conséquent, on peut attendre de ces matériaux des propriétés mécaniques uniques. On peut citer en exemple les alliages de cuivre armés de fil d’acier qui, à la suite de la DPI, s’enroulent en formant une sorte de ressort, d’où une rare combinaison de solidité améliorée et de plasticité élevée.
Avec sputnik