Au salon Vivatech où il a notamment participé avec Karim Sy et Rima Le Coguic à la conférence de presse de l’AFD pour le lancement du label Digital Africa, Samir Abdelkrim a pu présenter à un auditoire passionné son livre « Startup Lions – Au cœur de l’African Tech ». Le résultat de quatre années de périples sur le terrain, à la rencontre des « vrais » startuppeurs qui ont l’ambition de changer l’avenir de l’Afrique…
« L’effervescence que l’on observe en Afrique n’est pas que le fait de quelques projets ponctuellement gonflés par du buz. C’est vraiment le mouvement collectif d’une génération de jeunes entrepreneurs qui utilisent le numérique comme un moyen d’émancipation. Un fait très significatif est qu’ils assignent collectivement à la technologie un rôle économique et social, ce que l’on voit finalement assez peu ailleurs », affirme d’emblée Samir Abdelkrim.
Il affirme, et on lui reconnaît volontiers la légitimité du « sachant ». Car le fondateur de StartupBRICS.com, le premier média francophone spécialisé sur l’innovation dans les pays émergents, est aussi un entrepreneur, tech-consultant et blogueur de terrain. C’est à ce titre que ce brillant représentant de la jeune diaspora – il est né français de parents d’origine kabyle – a accompli durant ces quatre dernières années un périple africain de quelque 32 800 km, à la rencontre des « vraies personnes » qui créent de réelles startups avec l’ambition première de résoudre les problèmes fondamentaux de l’Afrique et de contribuer ainsi à construire un avenir meilleur pour le Continent.
Le résultat de cette odyssée de notre temps, c’est son dernier livre, « Startup Lions – Au cœur de l’African Tech ». Et on ne prendra aucun risque en affirmant à notre tour que ce livre est fondateur, en ce sens qu’il révèle la richesse incroyable et jusqu’ici à peine entrevue de l’Afrique des startups, du « leapfrog » et des « makers », tout un monde qui se meut en accéléré vers l’avenir.
Mos@n, SolarPak, RapidSMS… des innovations à l’ambition commune d’améliorer la vie quotidienne
Ainsi le livre est-il avant tout un reportage de journaliste sur ce nouveau monde émergent, au travers de dizaines d’exemples précisément décrits, et de propos recueillis sur le terrain.
On y apprend par exemple comment un médecin et un geek burkinabés ont créé la start-up Mos@n, mot-valise combinant « mobile » et « santé », et ont mis au point une petite application pour informer et conseiller les femmes enceintes afin de leur éviter les complications médicales. « Chaque jour, explique Samir Abdelkrim, elles reçoivent des conseils, et une version vocale est disponible pour celles qui ne savent pas lire… Depuis sa création, Mos@n a suivi plus d’un millier de futures mères, et a permis d’éviter des complications médicales à une centaine d’entre elles. »
Un autre exemple de solution apportée à une difficulté fréquente de la vie quotidienne est celui du cartable éclairant. En Côte d’Ivoire, près de 51 % des écoliers vivent dans des zones rurales sans électricité. Les cartables SolarPak, mis au point par la start-up éponyme, sont dotés d’une plaquette solaire qui recharge la batterie de la lampe Led durant la journée – 4 heures d’exposition à la lumière du jour suffisent à éclairer pendant 3 heures à la nuit tombée et permettre ainsi aux jeunes de poursuivre leurs travaux scolaires.
Parmi les nombreux autres exemples, citons encore celui du Rwanda, la première « startup nation » africaine. Dans cette terre meurtrie par le génocide et la guerre civile de 1994, Samir Abdelkrim a pu constater le rôle fondamental de l’économie numérique dans la reconstruction économique et sociale du pays.
Depuis 2016 à Kigali, la capitale, les voyageurs qui empruntent l’un ou l’autre des 400 autobus peuvent surfer gratuitement sur le réseau 4 G, lequel sera accessible à 92 % de la population courant 2018. Une application fintech est en cours de développement : elle permettra dès 2020 de payer avec un téléphone portable factures d’électricité et plein d’essence, ainsi que les voyages en bus, ce qui signera la disparition des tickets.
L’État s’est fortement impliqué dans ce développement. Un fonds de capital-rique de 100 millions de dollars a été mis en place pour soutenir les innovateurs, et « le gouvernement de Kigali prévoit de livrer 500 000 ordinateurs portables pour équiper l’intégralité des écoles rwandaises d’ici à 2020 », lit-on dans « Startup Lions ».
Pour finir sur une autre initiative emblématique de l’avancée numérique de ce petit pays rural et enclavé de 12 millions d’habitants, on citera encore l’initiative du ministère de la Santé, qui a développé RapidSMS, première application de télémédecine déployée à grande échelle en Afrique. « On estime que RapidSMS a déjà sauvé la vie à 590 000 bébés rwandais entre 2009 et 2015 », souligne Samir Abdelkrim.
« D’ailleurs, ajoute-t-il, cet exemple illustre bien l’état d’esprit le plus fréquent en Afrique : ce qui est recherché par les disrupteurs du numérique, c’est de résoudre les problèmes quotidiens vitaux des populations – accès à l’énergie, aux soins, à la bancarisation, à l’enseignement… On est ici le plus souvent très loin des critères occidentaux qui mesurent la réussite d’un projet à la vitesse du retour financier sur investissement ! »
En novembre à Aix-Marseille : Emerging Valley, premier événement labellisé par Digital Africa
Mais Samir Abdelkrim, qui participait donc à la conférence AFD de lancement de Digital Africa, a aussi une autre casquette, il est le fondateur de Emerging Valley. L’initiative, dont la première édition s’est tenue en décembre 2017, vise à connecter le potentiel du territoire Aix-Marseille-Provence avec celui de l’Afrique et des marchés émergents. Pour Samir, né au Havre et ayant grandi à Amiens, mais « devenu Marseillais de cœur et d’adoption » dès son arrivée dans cette ville en 1999, ce fut un grand plaisir de pouvoir annoncer à l’auditoire que l’édition 2018 d’Emerging Valley sera le premier événement labellisé par Digital Africa.
« Bien sûr que la région et Aix-Marseille en particulier ont toutes les légitimités – historique, géographique, culturelle, humaine… – pour devenir la porte d’entrée privilégiée de l’Afrique vers l’Europe, et réciproquement !
C’est aussi la seule région de France qui revendique ce positionnement avec l’Afrique sur les enjeux du numérique, et elle veut s’affirmer comme un pôle d’attraction pour les entreprises du monde qui veulent adresser le marché africain en se basant à Marseille. Mais aussi d’attirer les meilleurs talents d’Afrique qui veulent un pied à terre sur la rive nord de la Méditerranée pour adresser le marché européen. Il y aujourd’hui une réelle opportunité pour notre territoire provençal de s’ériger en double passerelle Europe-Afrique, et Marseille peut y prétendre naturellement », conclut Samir Abdelkrim.
Emerging Valley participe de cette ambition, puisque son objectif est de rassembler à Aix-Marseille les champions de l’innovation de la tech africaine. Cette année, l’évenement se déroulera les 19 et 20 novembre au palais du Pharo de Marseille, et le 21 à thecamp, le campus futuriste dédié aux technos de l’avenir, créé récemment près d’Aix-en-Provence.
L’événement sera structuré autour de « thématiques verticales » : la e-santé, l’accélération des start-up sociales, le financement… D’ores et déjà, Mounir Mahjoubi, le secrétaire d’État chargé du numérique – et autre brillant représentant de la diaspora franco-marocaine – a assuré les organisateurs de sa présence. Encore un sujet de grande satisfaction pour Samir Abdelkrim, le nouvel Ulysse de la tech africaine.
Alfred Mignot, AfricaPresse.Paris