En réponse à l’expulsion de diplomates de l’ambassade de Russie à Londres suite à l’«affaire Skripal», Moscou a proclamé 23 diplomates britanniques personae non gratae, a fermé le consulat général de Saint-Pétersbourg et a suspendu le travail du British Council.
Les observateurs s’accordent à dire que la réaction de la Russie a été très souple. Pourquoi n’a-t-elle pas engagé de démarches plus décisives et faut-il s’attendre à de nouvelles mesures de Londres? Selon Vzglyad.
Samedi 17 mars, la Russie a annoncé ses contremesures face aux agissements hostiles du Royaume-Uni. Comme l’indique le site du ministère russe des Affaires étrangères, 23 diplomates britanniques sont proclamés personae non gratae et ont une semaine pour quitter le pays. De plus, le consulat général du Royaume-Uni à Saint-Pétersbourg sera fermé et l’activité du British Council sera suspendue.
Ces mesures ont été annoncées à l’ambassadeur du Royaume-Uni à Moscou Laurie Bristow, qui a été convoqué au ministère russe. Il s’y est rendu à 11 heures du matin dans une Jaguar noire avec un drapeau britannique. La conversation a duré une dizaine de minutes. A sa sortie du ministère il a refusé de communiquer avec les journalistes, faisant seulement une brève déclaration: «La Russie a informé des contremesures».
«Compte tenu de la disparité du nombre d’établissements consulaires des deux pays, la Russie retire son accord sur l’ouverture et le fonctionnement du consulat général du Royaume-Uni à Saint-Pétersbourg. Les procédures appropriées se dérouleront conformément à la pratique juridique internationale», stipule le communiqué du ministère des Affaires étrangères.
Ce dernier a souligné qu’il se réservait le droit d’adopter des démarches supplémentaires si Londres «continuait d’entreprendre des démarches hostiles vis-à-vis de la Russie».
Comme l’a expliqué une source du ministère des Affaires étrangères, les délais de fermeture du consulat général seront déterminés conformément aux normes juridiques internationales. Londres bénéficiera d’un délai nécessaire pour clore le travail de l’établissement. Le consulat général du Royaume-Uni à Saint-Pétersbourg, ouvert en 1992, s’occupe du développement des relations au nord-ouest de la Russie.
Jusqu’à récemment, la mission diplomatique britannique était représentée en Russie par trois établissements: l’ambassade à Moscou et deux consulats — à Saint-Pétersbourg et à Ekaterinbourg. Le British Council est un département non-ministériel du gouvernement chargé de diffuser la culture britannique en dehors du pays. Il est formellement considéré comme une partie du ministère britannique des Affaires étrangères. 15 centres du British Council travaillaient en Russie, mais à cause de son statut juridique en suspens tous les centres ont fermé début 2008 à l’exception des bureaux de Moscou.
Les relations déjà difficiles et tendues entre Londres et Moscou se sont sérieusement aggravées le 4 mars dernier après l’annonce de l’empoisonnement par une substance neuro-paralytique (Londres affirme qu’il s’agit de l’agent neurotoxique A-234 qui aurait été fabriquée en Russie) de l’ancien colonel du renseignement militaire russe Sergueï Skripal, condamné en Russie pour espionnage au profit du Royaume-Uni. En 2010, ce dernier a été échangé avec d’autres espions contre des agents russes capturés en Russie.
Après avoir obtenu l’asile au Royaume-Uni, Sergueï Skripal s’est installé à Salisbury. Avec lui a été empoisonnée sa fille Ioulia, venue de Russie pour rendre visite à son père. Sans présenter la moindre preuve et en dépit de la présomption d’innocence, les autorités britanniques ont accusé la Russie d’être impliquée dans l’empoisonnement. La première ministre britannique Theresa May a annoncé mercredi dernier l’expulsion de 23 diplomates russes et la suspension des contacts bilatéraux à haut niveau. De plus, la famille royale boycottera la Coupe du monde de football qui se déroulera en Russie.
La Russie, qui nie en bloc toute implication dans l’empoisonnement, a jugé les agissements du gouvernement britannique hostiles et inacceptables. Le ministère russe des Affaires étrangères a qualifié la situation de «spectacle médiatico-politique» et les accusations de «complément insensées». Le Comité d’enquête russe a ouvert hier une enquête pénale pour tentative d’homicide visant la citoyenne russe Ioulia Skripal. Cela donne des motifs juridiques pour envoyer à l’étranger des requêtes afin de fournir des informations et de mener une investigation, notamment en procédant à des interrogatoires et à des perquisitions.
Le président du Fonds d’étude des problèmes de la démocratie Maxim Grigoriev a qualifié les contremesures russes de «très souples» et «symétriques». «Cette réaction s’inscrit dans notre approche. Nous réagissons très calmement sans complications ni problèmes. La Russie adopte cette approche ces dernières années. Nous agissons en nous appuyant sur le principe de symétrie absolue indépendamment du niveau de l’hystérie antirusse. L’escalade du conflit a déjà lieu — et ce n’est pas la faute de la Russie», déclare l’expert.
Sergueï Skripal a été gracié et ne représentait aucune menace pour la Russie. C’est pourquoi tout ce qui est rapproché de la Russie dans le cadre de cette affaire, et ce juste avant l’élection présidentielle, est une provocation intentionnelle des Britanniques et d’autres pays. «Cette provocation est utilisée pour propager l’hystérie antirusse. Cette escalade a déjà lieu», conclut Maxim Grigoriev.
Vassili Koltachov, directeur du centre d’études économiques à l’Institut de la mondialisation et des mouvements sociaux, a salué la réaction souple de la Russie. «La Russie a donné une réponse assez conséquente et, à la fois, pas trop ferme. C’est bien. Le Royaume-Uni cherche seulement un prétexte pour adopter des mesures encore plus radicales contre la Russie. Dans cette situation il n’existe aucune moyen de raisonner les politiciens britanniques, et avec eux la classe dirigeante américaine pour leur expliquer qu’il est incorrect d’agir ainsi dans une société moderne, que cela enfreint leurs propres principes de libre-échange exprimés dans les années 1980», analyse-t-il.
Dans le même temps, l’expert prédit la poursuite de la pression agressive contre la Russie. Mais même les mesures les plus radicales, par exemple la réduction au minimum de toutes les relations avec Londres, «ne raisonneraient certainement personne au Royaume-Uni».
«Londres a définitivement choisi sa ligne. Seule une troisième vague de crise mondiale, qui serait forcément grave et douloureuse aussi bien pour les USA que pour le Royaume-Uni, pourrait les stopper. Dès qu’ils seront confrontés à un effondrement en bourse et aux problèmes bancaires, on assistera à une amélioration des relations, à un retour à la raison… Le Royaume-Uni perd son statut de l’un des principaux centres financiers internationaux — d’où toute cette hystérie. Une réponse plus ferme de la Russie n’aurait pas pu raisonner davantage qui que ce soit», explique Vassili Koltachov.
Avec sputnik