Le scandale autour du piratage de données personnelles via Facebook, utilisées pendant la campagne présidentielle de Donald Trump, peut-il faire couler le réseau social ? La bourse de New York sanctionne et les parlements demandent des comptes.
Le 16 mars, le lanceur d’alerte Christopher Wylie, ancien collaborateur de Cambrige Analytica, faisait des révélations fracassantes sur les méthodes de cette de société de conseil spécialisée dans la politique qui a œuvré pour le compte de Donald Trump pendant la campagne présidentielle américaine de 2016. Interviewé par le quotidien britannique The Guardian, le lanceur d’alerte affirmait que Cambrige Analytica avait utilisé, via Facebook, une application développée spécifiquement qui lui permettait d’accéder aux données personnelles de dizaines de millions d’utilisateurs américains du réseau social sans leur consentement.
Ces informations auraient ensuite permis de bâtir des messages politiques personnalisés qui auraient influencé directement le scrutin. Auparavant cette société, un temps rejointe par Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, aurait également influencé le vote en faveur du Brexit, ainsi que des scrutins présidentiels en Afrique.
Le 20 mars, Marck Zuckerberg reconnaissait finalement les faits dans une longue explication sur son compte Facebook. Affirmant que la faille exploitée par l’application de Cambridge Analytica avait déjà été comblée depuis longtemps, il assumait néanmoins sa responsabilité, en tant que créateur de Facebook. Mais la bourse avait déjà réagi en infligeant une sérieuse correction à l’action du réseau social aux deux milliards d’utilisateurs. En quatre séances, sa capitalisation boursière avait fondu de près de 60 milliards de dollars, passant de 537 milliards de dollars le vendredi 16 mars, à un peu moins de 480 selon le cours de clôture du 22 mars.
Facebook entraîne Google et Amazon dans sa chute
La chute brutale de Facebook s’est immédiatement étendue à d’autres valeurs technologiques et notamment les titres d’Alphabet (maison mère de Google) ainsi que d’Amazon, eux aussi en forte baisse. En effet, les investisseurs redoutent un retour de bâton réglementaire, aux Etats-Unis et ailleurs – notamment en Europe – qui pourrait réduire la profitabilité des géants du secteur.
Ainsi, au Royaume-Uni, le Parlement a «invité» le patron de Facebook à venir s’expliquer d’ici le 26 mars, lui reprochant des informations peu fiables communiquées précédemment. Même ton au sein de l’Union européenne. Dès le 20 mars, le président du Parlement européen Antonio Tajani (groupe PPE), avait annoncé via son compte Twitter que Mark Zuckerberg était invité à venir s’expliquer, en déclarant : «Facebook doit clarifier devant les représentants de 500 millions d’Européens que les données personnelles ne sont pas utilisées pour manipuler la démocratie.»
Des parlementaires demandent des comptes
Le lendemain, il précisait ses attentes en déclarant en français au Parlement : «Il faut aussi empêcher Facebook, Youtube et Twitter [de] faire de la propagande en faveur du terrorisme.»
Aux Etats-Unis, des sénateurs des deux bords ont également écrit au président de la commission juridique pour lui demander d’organiser une audition publique au cours de laquelle les présidents des «entreprises de technologie» seraient amenés à s’expliquer sur l’usage et la protection des données personnelles. Dans cette lettre qui mentionne précisément Facebook, Google et Twitter, les signataires déplorent «le manque de supervision sur la façon dont les données personnelles sont stockées et dont est vendue la publicité politique, ce qui soulève des inquiétudes sur l’intégrité des élections américaines aussi bien que les droits à la vie privée».
Pour les marchés, ces signaux permettent d’anticiper un resserrement de la législation sur l’activité des géants américains des médias en ligne qui pourrait avoir une incidence sur leur profitabilité. Le 23 mars, les investisseurs attendaient avec fébrilité l’ouverture de Wall Street pour vérifier si la tendance à la forte baisse des trois valeurs vedette, Alphabet (Google), Amazon et Facebook se confirmerait, ou s’il s’agissait seulement dans les jours précédents d’une occasion de prise de bénéfices.
A l’heure de la mise en ligne de cet article, l’action Facebook s’était encore repliée. Mais sur un an (mars 2017 à mars 2018), ce sont les valeurs technologiques qui ont tiré la progression moyenne de 30% des principaux indices boursiers américains, Nasdaq, Standards & Poors et Dow Jones. Même si certains prédisent la chute de Mark Zuckerberg, lui et ses pairs sont encore loin d’être sur la paille.
Avec rtfrance