Imaginez la scène : un jeune ex-combattant qui a déposé les armes il y a quelques mois, lève la main pour nous dire qu’il s’est lancé dans l’agriculture pour mieux gagner sa vie, et ses compagnons font de même.
Pendant la mission que nous avons récemment menée en République centrafricaine (RCA), nous avons eu plusieurs échanges de ce type avec des jeunes ayant appartenu à des milices armées et aujourd’hui en quête d’un nouveau départ. Dans ces zones rurales, certains se sont tournés vers l’agriculture (coton, manioc…). D’autres se sont formés à des métiers connexes : la ferronnerie, notamment, afin de fabriquer des outils pour les agriculteurs et de pouvoir les réparer.
Chacun de ces échanges nous a remplis d’énergie : l’atmosphère positive qui régnait parmi ces jeunes et le sentiment d’espoir étaient palpables. Cependant, tant que les services d’appui à l’agriculture n’auront pas été rétablis, l’espoir risque vite de laisser place au désenchantement et au scepticisme sur la capacité de la paix à apporter la prospérité.
Notre mission était simple. Elle s’inscrit dans le cadre plus large du processus de coopération de la Banque mondiale avec les acteurs de l’humanitaire, comme l’ONU, alors que, jusqu’ici, l’aide en RCA se cantonnait essentiellement à l’urgence, sans véritable action de moyen ou long terme. Dans ce contexte, nous voulions entendre de la bouche de ces anciens combattants, notamment, quelles mesures concrètes nous pouvions prendre rapidement pour les aider, sachant que les agriculteurs et les institutions agricoles ont été décimés en RCA depuis la crise de 2013.
De quoi les agriculteurs ont-ils besoin pour se construire un avenir ? Le président de l’association des cultivateurs de coton de Paoua, dans le nord du pays, apporte une réponse claire : « de routes et d’intrants, c’est-à-dire d’outils, de semences et d’engrais. »
Autrefois, la République centrafricaine produisait et exportait plus de 60 000 tonnes de coton par an, contre quelques milliers aujourd’hui, et ce coton ne répond pas toujours aux critères de qualité. Pourquoi ? Ce pays aussi grand que la France ne compte, selon les estimations, que cinq millions d’habitants. En outre, les liaisons de transport sont peu développées, ce qui rend la circulation des personnes et des marchandises très difficile.
Les producteurs ne disposent souvent d’aucune solution fiable pour acheminer leurs produits et, même lorsqu’ils en ont une, les fournisseurs des intrants agricoles dont ils ont besoin ont presque tous disparu. Le système de production de semences s’est effondré. Nous nous sommes rendus dans un centre régional de recherche agricole à Bokoutou. Les chercheurs commençaient à reconstituer un stock de semences et à réfléchir à la manière d’en faire bénéficier les agriculteurs. Mais ces efforts restent au stade artisanal.
Les agriculteurs et les autres acteurs concernés espèrent que l’agriculture se redressera une fois que les forces de sécurité de l’ONU auront rétabli la stabilité dans de vastes parties du pays, et notamment dans certains bassins agricoles. Le plus urgent est de renforcer les institutions qui procurent les biens et les services agricoles, le ministère de l’Agriculture et les services vétérinaires et environnementaux, les organismes de recherche agricole, les agences de développement et la Chambre d’agriculture.
Certaines régions de la RCA n’avaient pas connu de conflit jusqu’à récemment, lorsque le manque d’investissements et d’emplois a incité certains ex-combattants à se rapprocher à nouveau des groupes armés auxquels ils avaient appartenu.
C’est le moment ou jamais de faire progresser à la fois la paix et la prospérité. Le cas de la République centrafricaine montre les limites de l’aide humanitaire et la nécessité d’adopter des mesures de développement davantage tournées vers l’avenir. Les donateurs doivent réagir rapidement pour soutenir les pays fragiles et en conflit. En RCA, comme dans bien d’autres pays en conflit, l’agriculture est l’une des principales voies à exploiter pour y parvenir.
Avec banquemondiale