Renault vient d’annoncer qu’il allait équiper ses voitures de tous les services de Google. Eric Leandri, le patron du moteur de recherche français Qwant, juge ce choix dangereux pour l’avenir du constructeur automobile.
Petit coup de tonnerre cette semaine. Renault vient d’annoncer un accord mondial visant à équiper à l’avenir l’ensemble de ses véhicules avec les services de Google. Cartographie avec Google Maps, contact téléphoniques, musique avec Google Music ou le petit dernier Youtube Music en passant par les mails ou l’OS Android… A l’avenir Google pourrait bien être partout dans votre voiture.
Et si l’annonce a surpris tout le milieu automobile, elle a particulièrement agacé Eric Léandri, le fondateur du moteur de recherche français Qwant, qui déplore que le constructeur n’ait pas joué la carte nationale ou au moins européenne. Car Qwant aussi tente de s’imposer dans l’automobile. La société sera d’ailleurs présente sur le prochain Mondial de l’auto à Paris et dévoilera ses solutions Qwant Car sensiblement similaires à celles de Google avec cartographie, musique, moteur de recherche et points d’intérêt.
Une offre qui n’a semble-t-il pas intéressé le groupe de Carlos Ghosn. “Nous sommes passés voir Renault mais la Silicon Valley leur a mis des étoiles plein les yeux et ils ont complètement basculé chez Google, explique Eric Léandri. C’est dommage, car en Allemagne c’est différent. Tous les constructeurs se sont réunis pour racheter Here par exemple le service de cartographie de Nokia. Ils ont préféré jouer la carte de l’indépendance.”
Ce que n’a pas fait Renault qui aurait choisi selon le patron de Qwant la solution de facilité sans penser au lendemain. “Si j’étais constructeur, je ne donnerais pas mes données à une société qui va les exploiter, assure-t-il, car au final ce qui risque de leur arriver c’est ce qui est arrivé à IBM avec Microsoft. IBM a perdu le cerveau de l’ordinateur en confiant son OS à Microsoft. Il peut se passer la même chose avec Renault.”
Eric Léandri fait référence ici à la voiture intelligente. Demain, les voitures bourrées de capteurs seront capables de recueillir les données du conducteur. La façon dont il conduit, s’il passe régulièrement au feu orange, quand il va chez Ikea, s’il écoute la musique très fort dans la voiture… Autant de données qui pourraient être utilisées par le constructeur mais qui risquent de lui échapper si ce dernier confie le cerveau de la machine à une société technologique.
Quand Google remplacera l’assurance
“Ces données vont tout simplement servir à enrichir un écosystème américain, car il ne faut pas faire d’angélisme et penser qu’elles resteront chez Renault. Exploiter les données et les revendre, c’est le business model de Google!”, explique le patron de Qwant.
Si Renault risque de perdre le contrôle, c’est aussi le cas du conducteur pense Eric Léandri. Outre les sollicitations publicitaires attendues (vous passez à un côté d’un magasin Zara et recevez une promotion), la “googlisation” de la voiture pourrait être encore plus intrusive. “Le système pourra par exemple juger de votre niveau de conduite, savoir si vous respectez bien les stops et les limitations de vitesse et revendre tout ça à des compagnies d’assurance qui pourront moduler votre prime en fonction, imagine Eric Léandri. Et d’ailleurs l’étape suivante ce sera directement de se passer d’assurance, Google pourra vous en proposer directement une parce que c’est lui qui possédera la donnée.”
Mais quelle pourrait être l’alternative? “Déjà il faudrait mixer les services pour ne pas tout confier à une seule société et jouer la carte européenne comme le font les Allemands, détaille Eric Léandri. Car si on veut avoir des constructeurs automobiles mondiaux, puissants et indépendants, ce n’est pas en cédant aux sirènes de Google qu’on les aura.”
Avec bfm