Dans une étude rendue publique ce mercredi 20 septembre, l’Institut Montaigne décline ses propositions pour un nouveau partenariat entre la France et l’Afrique. De manière générale, le rapport, qui s’adresse aux entreprises et aux autorités française, plaide pour la mise en œuvre d’une stratégie à long terme de développement économique en faveur du continent en misant sur l’élan qu’entend insuffler Emmanuel Macron aux relations entre la France et le continent. Selon l’Institut Montaigne, la renégociation en cours des traités entre l’Union européenne et l’Afrique offre à la France, l’occasion de s’inscrire dans une nouvelle dynamique de coopération. Ce qui suppose une refondation de sa stratégie africaine en s’appuyant sur ses atouts mais aussi les leviers de croissance dont recèle le continent. Des recommandations qui s’adressent plus au gouvernement et aux entreprises françaises.
Depuis quelques années et particulièrement en hexagone, les rapports sur la France et l’Afrique ou comment repositionner la France en Afrique, loin des réseaux vieillissants de la « Françafrique », se succèdent mais ne se ressemblent que sur peu de choses.
A chaque arrivée d’un nouveau locataire à l’Elysée, la musique reprend de plus belle avec des discours qui cette fois se ressemblent à bien des égards et des annonces qui n’engagent assez souvent que ceux qui les prennent. Sans que la France ne parvienne jusque-là à se positionner à la place qui lui convient dans le nouveau contexte africain porté par une dynamique économique assez solide et des perspectives prometteuses qui attisent bien plus que des convoitises au regard de l’intérêt que le continent suscité de part le monde et de la percée de certaines puissances sur le marché africain où le potentiel de croissance pour l’avenir recèle encore de marges de manœuvres à saisir, à condition d’y aller avec le pragmatisme qui sied au contexte actuel.
C’est pourtant conscient de ces considérations que l’Institut Montaigne, un think thank indépendant français spécialisé dans la gouvernance publique et la compétitivité des entreprises, vient de rendre public, ce mercredi 20 septembre à Paris, un nouveau rapport sur les relations France-Afrique. Partant du principe que si on a tellement parlé de l’Afrique, « on peut encore en parler autrement », l’Institut met en avant d’autres raisons encore qui plaident en faveur de l’engouement que suscite le continent: « parce que l’Afrique est traversée par une série de transitions qui la projettent résolument dans l’avenir » et surtout « parce que la France est un partenaire historique du continent ».
L’étude publié sur le titre « Prêts pour l’Afrique demain? » arrive au moment où s’ouvre un nouveau quinquennat en France, lequel est marqué par l’arrivée d’un nouveau président , Emmanuel Macron, lequel « semble afficher une politique volontariste et de continuité à l’égard de l’Afrique ». Il s’agit, entre autre et selon les auteurs du rapport, de la création d’un Conseil présidentiel africain (CPA), de son discours de politique internationale dans lequel il a consacré une bonne partie au continent ainsi que de ses déclarations lors des différents sommets auxquels il a participé et des déplacements qu’il a déjà effectué mais aussi à venir dans plusieurs pays africains.
Le travail, piloté par Dominique Lafont et Jean-Michel Huet, a été réalisé à partir d’une cinquantaine d’auditions menées auprès d’institutionnels et d’entreprises de divers secteur et de différente taille, dresse un constat qui se veut objectif de la situation de la France en Afrique. Au delà des principales conclusions tirées, neuf propositions pour la France mais aussi pour l’Europe car selon les auteurs du rapport qui ont plaidé auprès du gouvernement, pour une prolongation de cet en construisant une stratégie de long-terme pour le développement économique du continent, « cette stratégie, dans un contexte de renégociation des traités qui lient l’Union européenne à l’Afrique, sera européenne ou ne sera pas ».
Discours et entreprises afro-réalistes pour relancer le partenariat
Il est important de souligner que les neufs propositions du rapport de l’Institut Montaigne s’adressent avant tout aux pouvoirs publics et aux entreprises françaises dans leur quête de doper leur présence en Afrique. Ce qui n’empêche pas leurs intérêts pour le continent à certains égards. La précision est de taille car c’est sous le prisme français et dans une certaine mesure européen, que les neufs recommandations prennent tout leur sens.
« Le quinquennat qui s’ouvre doit être celui de l’afro-réalisme », plaide donc le rapport qui s’adresse autant à la France qu’à l’Europe.
« En France, il s’agit d’investir davantage et autrement, de multiplier les opportunités pour nos entreprises en nouant des partenariats locaux et de renforcer nos liens dans l’éducation et le capital humain. En Europe, il s’agit de refonder la logique qui a longtemps prévalu : d’une relation “pays-continent” il est temps de muter vers une relation “continent-continent”, bâtie sur des accords renouvelés et des ambitions partagées ».
C’est cet appel à l’Afro-réalisme qui constitue d’ailleurs la particularité de ce nouveau rapport d’autant plus qu’il formule des propositions pour sortir, entre autres, des sentiers de « l’afro-pessimisme excessif des années 1960 à l’afro-optimisme démesuré des années 2000 » et refonder les relations entre la France, l’Europe et l’Afrique. « Il s’agit notamment de refonder la stratégie européenne vis-à-vis de l’Afrique via la renégociation des accords dits de Lomé »explique Dominique Lafont. Ainsi, dans le cadre ans le cadre du 5ème sommet Afrique-UE, qui se tiendra en novembre prochain à Abidjan, le rapport recommande à la France de « proposer une stratégie claire, renouvelée et coordonnée des politiques européennes en Afrique ». Celle-ci pourrait s’appuyer sur le couple franco-allemand et consistera à redéfinir les objectifs de développement post-Cotonou, en coordination avec les pouvoirs publics africains et en associant le secteur privé européen, « partie-prenante non escamotable, à ces négociations ».
« La France et ses entreprises ont besoin de repenser leur relation avec un continent, l’Afrique, qui concentrera un tiers de l’humanité à la fin du siècle mais où ses parts de marché sont passées de 10 à 4% depuis le début du siècle » souligne le rapport de l’Institut Montaigne. Et d’appeler à un véritable « discours de “restart” » de la France en Afrique porté par les pouvoirs publics, afin de libérer les entreprises françaises « d’une charge historique et politique qui handicape leur développement sur le continent ».
Parmi les propositions phares, le rapport recommande d’orienter davantage l’Aide publique au développement (APD) française vers les startups, TPE, PME et les ETI tout en veillant à rehausser les montants dédiés au capital-risque et au capital amorçage, via notamment Proparco et le nouveau fonds commun mis en place par l’AFD et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Le rapport plaide pour une attention particulière aux start-up africaines qui connaissent une croissance exponentielle ainsi qu’à l’économie numérique et les NTIC qui enregistrent une dynamique assez soutenue sur le continent. L’Institut Montaigne appelle également à la création d’un guichet unique d’accès aux différents outils de financement, d’assurance et d’aide technique à l’export, à destination des entreprises françaises. Et de réfléchir à l’opportunité de concentrer davantage certains instruments, à terme, au sein d’une banque française de l’export. L’Institut Montaigne urge également les pouvoirs publics français d’utiliser les relais institutionnels dans les organisations de développement pour aider les entreprises françaises à saisir les opportunités offertes par la mise en place d’instruments de financement du secteur privé par les bailleurs de fonds et « d’utiliser plus efficacement le levier de l’expertise technique comme source d’information et d’influence pour mobiliser des financements ».
Un autre aspect important qui fait partie des principales propositions issues du document, c’est de favoriser la création de Partenariats publics-privés (PPP) notamment dans l’éducation en intégrant les entreprises investissant en Afrique, les écoles et universités, étrangères et africaines, et les pouvoirs publics africains. Le rapport va jusqu’à donner des pistes détaillées qui ne manqueront pas certainement de provoquer quelques commentaires sur le continent comme lorsqu’il insiste sur la nécessité d’axer ces PPP dans l’éducation sur la formation des compétences africaines à la fois dans des domaines plus techniques et peu développées sur le continent notamment les mathématiques et les sciences d’ingénieurs ou de les orienter vers les diplômes de technicien supérieur (BTS). « Cette diversification et cette massification de l’offre doivent permettre de répondre à l’enjeu déterminant de la formation du middle management, des techniciens, de l’innovation et de la recherche & Développement en Afrique » justifie l’Institut Montaigne. Enfin, il est aussi demandé la facilitation de la délivrance de visas économiques et de visas étudiants afin de multiplier les opportunités pour les Africains en France, estimant que «l’ensemble des démarches administratives nécessaires au recrutement de salariés africains doit procéder de cette même logique de simplification ».
L’Afrique n’attend pas la France
La concurrence est en tout cas rude sur le continent car bien d’autres puissances, notamment émergentes à l’image de la Chine mais pas seulement, ont flairé le filon dans lequel ils se sont depuis incrustés. « La France dispose d’atouts considérables pour prendre ce virage dans un continent où son stock d’investissements est le quatrième le plus important, juste derrière celui du Royaume-Uni et des Etats-Unis, avec 2,1 milliards d’euros même s’il reste vingt fois moins que celui de la Chine » met en avant le rapport. Alors que le Français est aussi la langue officielle ou véhiculaire dans 22 des 57 pays du continent, l’Afrique francophone ne capte qu’un dixième des levées de fonds du continent, contre 80 % pour le seul trio Nigéria-Kenya-Afrique du sud. Loin de constituer un paradoxe, les auteurs du rapport considèrent qu’il s’ait-là plutôt mais plutôt d’une marge de manœuvre à la France à condition qu’elle puisse en saisir les opportunités. « L’Afrique n’attend pas en tout cas la France », ont en tout cas prévenu les auteurs du rapport.
Emmanuel Macron saisira-t-il la balle au bond pour transformer l’essai et véritablement donner corps aux ambitions africaines de son quinquennat ? Rien n’est moins sûr encore mais ce ne sont pas les pistes qui lui manqueront. Hier mardi 19 septembre à la Tribune de l’ONU où il s’exprimait pour la première fois lors de l’Assemblée générale des nations unis, il a réitéré ses engagements en faveur d’un nouveau partenariat avec l’Afrique. Il a même promis que la France consacrera d’ici 5 ans, 0,55% de son revenu national d’ici 5 ans à l’APD alors qu’elle n’a été que de 0,38% en 2016. Tout l’enjeu selon Macron, c’est que cet argent soit efficacement utilisé sur le terrain, s’est inquiété le président français dont on attend désormais qu’il transforme les promesses en actes.
Avec latribuneafrique