Le petit-neveu du héros de l’indépendance congolaise, Patrice Lumumba, ancien cadre de banque à l’origine de l’affaire BGFI, a accordé une interview exclusive à Jeune Afrique.
Pour rencontrer Jean-Jacques Lumumba, il faut se plier à une procédure digne d’un film d’espionnage. Contact par des intermédiaires, rendez-vous fixés dans des lieux publics… Et lorsque qu’il finit par apparaître en chair et en os, quelque part en région parisienne, il refuse de livrer la moindre information sur son actuel lieu de résidence et son statut légal en Europe.
Même à des milliers de kilomètres de Kinshasa, sa ville natale, le petit-neveu du héros de l’indépendance congolaise, Patrice Lumumba, se comporte en homme traqué. C’est le cas depuis son arrivée en Europe, l’été dernier, et plus encore depuis le 29 octobre.
Ce jour-là, ses compatriotes découvrent son visage à la Une du quotidien belge Le Soir. Il a à peine trente ans, même si sa barbe dépigmentée le vieillit.
Documents compromettants
La raison de cette célébrité soudaine ? Cet ancien chef du département des engagements de la banque BGFI à Kinshasa venait de remettre des dizaines de documents internes compromettants à des journalistes belges.
Ces documents viennent à l’appui de ses accusations d’irrégularités de la part de la banque et de plusieurs de ses clients, souvent proches du président Joseph Kabila, comme les dirigeants de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) ou encore le patron des patrons congolais, Albert Yuma. Le directeur général de la BGFI RD Congo, Francis Selemani Mtwale, est lui-même un « presque frère » du chef de l’État : il aurait été adopté par le père de ce dernier, l’ancien président Laurent-Désiré Kabila.
Tous ont démenti les accusations du Soir. Mais aux yeux de Jean-Jacques Lumumba, leurs arguments ne sont pas convaincants, comme il l’explique à Jeune Afrique dans une interview vidéo exclusive :
Interview exclusive de Jean-Jacques Lumumba par Jeuneafriquetv
Ennemi du régime Kabila
Comment Jean-Jacques Lumumba en est-il arrivé à devenir lanceur d’alerte ? Il y a, chez lui, un mélange de convictions et d’idéaux ; de désaccords, y compris sur le plan de sa rémunération, avec son ancien employeur ; de maladies dues au stress de son travail, qui lui ont valu plusieurs arrêts ; et enfin d’ambition. Mais, comme il l’explique, c’est surtout la crainte que l’on lui fasse porter le chapeau pour les irrégularités dont il a été témoin qui l’a poussé à agir.
Aujourd’hui, Jean-Jacques Lumumba ne perd plus une occasion de taper sur le régime Kabila, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans des articles de presse, comme dans la grande enquête que Bloomberg vient de consacrer à la fortune du clan présidentiel.
A-t-il des ambitions politiques ? Non, assure-t-il : il veut continuer de travailler dans la finance. Tant que le président Kabila sera en place, il lui sera difficile de retourner exercer dans son pays.