Ce n’est pas toujours le manque de nourriture qui amène la famine.
Et l’assiette de nourriture la plus chère du monde (par rapport au revenu) ne se trouve pas dans un restaurant chic de New York, Paris ou Tokyo, mais au Soudan du Sud.

Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a calculé le coût de la nourriture en proportion du revenu dans un rapport spécial appelé Counting the Beans (« Compter les haricots »), avec des implications dévastatrices.
Le prix réel d’une assiette de ragoût de haricots est de 321,7 $ au Soudan du Sud, contre 1,20 $ à New York.
Un New Yorkais dépense seulement 0,6% de son revenu quotidien pour acheter les ingrédients nécessaires à cuisiner chez lui un simple ragoût de haricots, alors qu’un habitant du Soudan du Sud doit consacrer à la même dépense 155% de son revenu quotidien.
Il doit donc travailler un jour et demi pour se permettre un repas simple. Le résultat est la famine.
Selon l’indice Counting the Beans, le même ragoût de haricots coûte 27,77 dollars au Népal, 72,65 dollars en Haïti et 190,11 dollars en Syrie.

L’offre et la demande
Le PAM a calculé le prix d’une assiette de nourriture modeste dans une partie pauvre du monde et l’a exprimé en pourcentage du revenu journalier moyen. Le résultat a été mis à l’échelle pour montrer ce qu’un habitant d’un pays riche devrait payer, proportionnellement à son revenu, pour la même assiette.
De nombreuses raisons expliquent qu’une assiette de nourriture coûte une journée de salaire dans un pays et presque rien dans un autre.
La chaîne d’approvisionnement – ou le réseau complexe de relations qui amènent de la nourriture à partir de l’endroit où elle est cultivée jusqu’aux consommateurs – est un facteur déterminant de la disponibilité de la nourriture et de son prix.
Toute perturbation de la chaîne d’approvisionnement – due aux conflits, à l’instabilité politique, aux mauvaises routes et aux conditions météorologiques extrêmes – contribue à faire grimper les prix.
Le Soudan du Sud en est un exemple.
Ce pays possède de vastes terres arables, des réserves d’eau et de pétrole ainsi que des troupeaux de bétail et des stocks de poisson.
Mais le manque d’infrastructures, les inondations saisonnières et les conflits en cours interrompent systématiquement les transferts de nourriture fraîche.

Menace de famine
Dans le cadre d’une opération spéciale, le PAM a aidé à construire un réseau de routes goudronnées pour transporter la nourriture.
« On aurait pu produire beaucoup de nourriture ici, mais elle aurait pourri, parce qu’il n’y avait pas de route pour transporter les produits vers les marchés », explique Ochange Walter, le maire de la ville de Magwi.
« Maintenant …chaque jour, 10 véhicules apportent de la nourriture à Juba. Ils atteignent Juba en trois heures. Avant la construction de la route, cela prenait une semaine ».
Bien que les routes soient bénéfiques, la propagation des conflits armés empêche toujours la nourriture d’atteindre ceux qui en ont le plus besoin.
La situation humanitaire du Soudan du Sud s’est considérablement détériorée au cours de l’année écoulée, avec la multiplication et la fragmentation des milices.

Le prix d’une boîte de haricots
La famine a été déclarée dans deux régions du Soudan du Sud cette année et le nombre de personnes au bord de la famine grimpe, selon le Norwegian Refugee Council.
Dans les semaines à venir, les dirigeants du Soudan du Sud et les différents groupes armés devraient se réunir pour entamer des pourparlers de paix pour la première fois depuis des mois.
Le résultat de ces pourparlers aura un impact direct sur le prix de la nourriture pour les Sud-Soudanais ordinaires.
En 2016, 795 millions de personnes avaient faim. Ce nombre devrait augmenter en 2017.
Le rapport Counting the Beans tente de cerner le coût d’une assiette de base dans certains pays et de le traduire en des termes que les gens peuvent comprendre aisément.
Peut-être qu’en imaginant une boîte de haricots plus chère que leur salaire quotidien, les habitants des pays développés commenceront à comprendre l’ampleur de la famine à laquelle sont confrontés ceux des pays en voie de développement.
