La majorité des CA est encore composée d’hommes âgés de 50 ans et plus, souvent membres de la direction d’une entreprise. Les CA auront donc de la difficulté à inclure la diversité de manière durable si l’on ne modifie pas les cultures d’organisations.
Et si votre conseil d’administration (CA) reflétait la société diversifiée dans laquelle vous opérez ou le pays étranger avec lequel vous faites des affaires ? Pas uniquement en matière de compétences professionnelles, mais de culture, de statut social, de genre…
«La question de la diversité de genre dans les CA n’est pas réglée au Canada. Mais ça va au-delà. Il faut aussi considérer la géographie, la culture ou l’âge, toujours en tenant compte de la réalité de chaque organisation, indique Clemens Mayr, président de l’Institut des administrateurs de sociétés (IAS) – Québec. Par exemple, ce serait logique d’avoir un membre d’origine indienne si l’entreprise fait des affaires en Inde.»
Dans sa définition de la diversité au sein des conseils, le Conseil canadien pour la diversité administrative inclut d’ailleurs le genre, les minorités visibles, les Premières Nations, les personnes handicapées et la communauté LGBT, en plus de l’expérience professionnelle, l’éducation, la géographie et l’âge.
L’organisme a analysé, en 2017, la diversité des CA, en interrogeant 4 658 membres de conseils des 500 plus grandes sociétés canadiennes au chapitre des revenus (FP500). Les minorités visibles formaient 4,3 % des conseils, alors qu’au dernier recensement de Statistique Canada, en 2016, ils représentaient près du quart de la population (22 %). Les femmes occupent quant à elles 22,6 % des sièges de conseils, mais forment la moitié de la population.
«Surveiller les angles morts est important en gouvernance. Une diversité des administrateurs amène une diversité des points de vue et permet d’être plus innovateur et de mieux s’outiller pour faire face aux risques», souligne Soumya Tamouro, administratrice certifiée par le Collège des administrateurs de sociétés (CAS), de l’Université Laval.
Changer de paradigme
Le gouvernement fédéral a déposé, en 2016, le projet de loi C-25, obligeant les sociétés cotées en Bourse à publier leur politique de diversité. L’autorité des marchés financiers exige quant à lui que les CA communiquent leurs politiques sur la représentation féminine, selon son règlement 58-101 adopté en 2014.
Pourtant, la majorité des CA est encore composée d’hommes âgés de 50 ans et plus, souvent membre de la direction d’une entreprise. Les conseils auront donc de la difficulté à inclure la diversité de manière durable si l’on ne modifie pas les cultures d’organisations, estime Mme Tamouro.
«Siéger à des CA importants nécessite de se libérer le jour. Pour une population active, en début de carrière, autonome ou travaillant dans des PME, cela peut représenter un frein à leur implication. Alors il faut trouver des mesures incitatives pour encourager la présence de ces personnes “non conventionnelles”«, soutient la membre du CA de la Régie de l’assurance maladie du Québec.
Où trouver la diversité ?
Spécialisée en développement philanthropique, Ericka Alneus apporte aux CA dans lesquels elle siège non seulement son expertise professionnelle, mais le regard d’une femme québécoise, issue de la minorité visible et de la jeune génération.
«Je suis née de parents haïtiens dans les Cantons-de-l’Est, sur un territoire Abénaquis, et j’utilise tous ces éléments pour orienter les CA, afin qu’ils gardent en tête les aspects tels que l’immigration et le racisme», raconte Mme Alneus, membre des CA du Conseil de presse du Québec, de la Maison des jeunes de Bordeaux- Cartierville et du Carrefour d’aide aux nouveaux arrivants qu’elle préside.
La jeune femme de 34 ans fait partie du Groupe des Trente, de Concertation Montréal, qui a promu pendant un an, de septembre 2017 à juin 2018, les membres de CA provenant de la diversité ethnoculturelle.
Ce projet fait partie de Leadership Montréal, dont la mission est de promouvoir la diversité au sein des CA d’organismes publics, parapublics et à but non lucratif, ainsi que d’entreprises privées. L’initiative compte également le Réseau de jeunes femmes leaders et le Réseau jeunes administrateurs.
La filiale québécoise de l’IAS ainsi que le CAS possèdent aussi leur banque de candidats que l’on peut naviguer selon, entre autres, le genre, la région et le domaine d’expertise.
Pour favoriser la diversité dans les CA, Mme Tamouro suggère d’élargir les bassins de recrutement en diffusant largement et publiquement les sièges vacants, en incluant l’aspect de la diversité dans la description de poste et en formant les nouvelles recrues. «Les décideurs et les recruteurs doivent faire une recherche active pour trouver ces administrateurs. Car la passivité peut conduire à la discrimination», conclut la Marocaine d’origine.
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