Dans le cadre des documentaires pour les formations Rinvindaf, je me suis posé la question de savoir ce que deviennent les Chinois qui ont étudié en Occident ? J’ai dû réduire l’ampleur des pays de destination des chinois, qui pour l’essentiel, se résument en l’Allemagne et les USA et notamment pour des spécialités très techniques.
J’ai choisi l’Allemagne, parce que sur les quelques 300 ingénieurs formés à ce jour au Rinvindaf, un bon contingent vient d’Allemagne. Nous sommes partis des spécialités prisées par ces africains d’Allemagne notamment dans le secteur de la santé, et plus précisément de la fabrication des appareils et équipements pour les hôpitaux et nous sommes tout simplement allés à la recherche de leurs anciens camarades d’université, chinois pour savoir ce qu’ils étaient devenus.
Et la surprise sera de taille : ceux que nous avons retrouvés forment pour la plupart la classe des nouveaux milliardaires chinois. Ce sont eux qui construisent les machines qui équipent non seulement les hôpitaux chinois, mais aussi les nouveaux hôpitaux que la Chine construit en Afrique, notamment le tout récent centre ultra moderne gynéco-pédiatrique inauguré le 17 novembre 2015 à Douala au Cameroun. Ce sont eux qui accompagnent même leurs hauts dirigeants politiques dans les déplacements à l’étranger, comme pouvez voir de ces photos, un d’eux qui accompagne le Premier Ministre Chinois en Russie, pour la création et la construction du nouveau pôle technologique sino-russe près de Moscou.
Mais alors pourquoi un chinois qui étudie en Allemagne peut-il devenir milliardaire et non son camarade de classe, africain ?
Cette question, nous l’avons posée à chacun d’eux et tous avaient une réponse presque unanime qui se résume ainsi : les africains n’aiment pas leurs pays. Et donc, finies les études en Allemagne, ils ne sentent nullement la responsabilité de rentrer construire leurs pays, même partant des décombres. Plutôt, ils vont s’installer dans un rôle tout à faire bizarre pour les chinois, de spectateur pour critiquer tout azimut et se convaincre d’exister.
Un des chinois, a été encore plus précis et nous verrons en détail son témoignage durant la formation, lorsqu’il dit que ses camarades chinois en Allemagne parlaient plus d’Allemagne que de la Chine, afin de confronter ce qu’ils avaient vu et appris pour débattre en quoi cela pouvait servir au pays. Alors que les camarades africains lorsqu’ils s’exprimaient en anglais ou en allemand, ne parlaient entre eux jamais d’Allemagne, mais surtout de leurs pays, des élections, des ministres qu’on devait arrêter, d’un certain joueur de football qui a marqué plus de buts que l’autre etc. Sans que ce débat soit utile ni à eux, encore moins à leurs pays.
FINANCEMENT POUR DÉMARRER ?
Tous ont reçu l’aide de plusieurs natures du gouvernement chinois pour démarrer leurs usines, mais nous allons très vite comprendre que ces aides (dont 10 millions de Yuans en espèce) ont été subordonnées à des preuves drastiques de patriotisme chinois, comme le fait d’avoir au préalable passé après ses études hors de Chine, 10 ans sur le sol chinois à traduire en réalité ce qu’on a appris dehors. Si vous ne pouvez pas gérer une échoppe, des personnes ou votre propre petit argent, il est évident que vous ne le ferrez pas si on vous donnait le grand argent du pays.
Quand j’ai demandé si ces 10 ans n’était pas trop, un d’eux m’a fait une confidence : “En Allemagne on vous enseigne le chauvinisme européen de se croire au centre de la terre. Quand vous êtes jeunes vous rentrez dans votre pays comme moi, après 8 ans de séjour en Allemagne, avec cette arrogance et regardez tout le monde d’en haut et de travers. Il m’a fallu ces 10 années pour d’humilité pour me ramener un
peu plus bas, et me faire comprendre que je n’étais pas un Allemand, mais un chinois et qu’il ne servait à rien de faire l’arrogant vers les autres chinois tous simplement parce que j’ai vu plus qu’eux dans mon domaine de compétence. La sagesse de ces 10 ans m’a enseigné que ce qu’on attendait de moi, n’était pas de singer les allemands en Chine mais de montrer que je pouvais les copier et très bien.
Quelles leçons pour la Diaspora africaine ?
ON NE CONSTRUIRA PAS L’AFRIQUE PAR CORRESPONDANCE
J’ai rencontré un couple d’ingénieurs chinois venus d’Allemagne. J’ai été surpris d’apprendre que si ce couple avait eu un seul enfant durant ou après leurs études en Allemagne, ils seraient automatiquement exclus du programme d’aide de l’Etat pour une raison qui peut faire sourire, mais qui pour les autorités chinoise est très importante : quand vous avez vos enfants qui naissent dans la diaspora, cela veut dire que vous installez le foyer, le centre névralgique de votre vie hors de Chine. Cela veut dire que vous démarrez votre vie professionnelle véritable, en mettant au centre, pas la Chine, mais l’Allemagne. Et la Chine préfère se concentrer et investir sur ceux qui privilégient la Chine dans leur choix de vie pour l’avenir.
La plupart des maliens diplômés Bac +5 sont des vigiles en France. Au même moment, on constate que dans les tueries de l’hôtel Radisson Blu de Bamako, un hôtel 5 étoiles, fréquentés par les étrangers venus au pays prendre la part du gâteau des restés en France à faire les vigiles. Quel paradoxe ! Les africains doivent décider si se contenter de peu en Occident ou prétendre leurs parts dans le fruit de la construction de nos pays. En quelque sorte, ils doivent décider si faire partie de la diaspora inutile, nuisible ou utile.
Au moment où j’écris ces mots, ils sont très nombreux, nos jeunes ingénieurs de la diaspora qui sont sur le terrain en Afrique pour avoir leur part du gâteau. Je pense à Kossi de Los Angeles qui se trouve en ce moment au Togo, un valeureux fils d’Afrique dont vous entendrez parler dans quelques années;
je pense à Cyrille de Paris qui est en train de reproduire le même parcours de ces chinois dont j’ai parlé d’un ingénieur qui construit son espace au Cameroun par la construction des machines qui servent aux Camerounais,
je pense à Raoul de Erlangen, un autre ingénieur qui s’est promis de devenir le numéro de la production de riz au Cameroun et qui se trouve en ce moment au champ et qui organise le 5 décembre prochain dans son village de Tonga au Cameroun, une journée d’éducation et de conscientisation de toute la population aux enjeux et la nécessité de créer les richesses sur place et non partir. Je pense à notre diaspora de Djibouti, je vous ai promis : ensemble nous allons transformer le désert en champ boisé. Donnez-moi juste ma part d’espace et j’arrive.
Je pense à la diaspora du Comores. Les photos que je reçois de vos actions sur le terrain sont la preuve que pendant trop longtemps on a menti sur nous et nos capacités à changer nos pays en paradis. Et pour tous les autres de la diaspora qui ne font pas partie du Rinvindaf, je vous tire mon chapeau.
Je vous ai insultés, je vous ai taclés. Je vous demande pardon, mais loin de moi l’idée de jouer au mal éduqué pour amuser la gallérie. Pour faire bouger les lignes, j’ai besoin de choquer. Et si ça marche, je suis le premier content. En effet, je suis très content de la façon dont beaucoup d’entre vous, en s’impliquant dans des actions concrètes en Afrique, ont voulu me prouver que j’avais tort. On est ensemble.
avec lentrepreneuriat