C’est l’étude la plus large jamais réalisée sur les opinions vis-à-vis des vaccins, qu’il s’agisse de leur importance, de leur efficacité, de leur innocuité et de leur caractère compatible avec la religion pratiquée. Elle a été menée par les chercheurs du Vaccine Confidence Project (« Projet confiance dans les vaccins ») à la London School of Hygiene and Tropical Medicine, en collaboration notamment avec l’Imperial College de Londres et plusieurs équipes françaises. Plus de 65 000 personnes ont été questionnées dans 67 pays entre septembre et décembre 2015. Les résultats sont publiés vendredi 9 septembre sur le site de la revue EBioMedicine.
Heidi Larson et ses coauteurs constatent que si l’importance des vaccins est globalement reconnue, malgré des différences notables entre pays, les citoyens européens, et en particulier en France, leur accordent le moins de confiance : 41 % des Français interrogés estiment ainsi qu’ils ne sont pas sûrs, un record mondial, 17 % doutent de leur efficacité et 12 % ne tiennent pas les vaccins infantiles pour importants. Dans l’ensemble, il apparaît que le niveau d’éducation accroît la confiance dans l’importance et l’efficacité des vaccins, mais pas dans leur sécurité.
13 % en moyenne de sceptiques
Pour cette étude, les personnes interrogées réagissaient à quatre affirmations : « Il est important pour les enfants de recevoir les vaccins », « Dans l’ensemble, je pense que les vaccins sont sûrs », « Dans l’ensemble, je pense que les vaccins sont efficaces » et « Les vaccins sont compatibles avec mes croyances religieuses ». Les vaccins étaient considérés en bloc, sans en mentionner un en particulier. Le sexe, l’âge, le niveau de revenu, la religion, le statut professionnel et le niveau d’éducation étaient précisés.
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La région Europe (telle que définie par l’Organisation mondiale de la santé, allant donc jusqu’à la Russie) est celle où la moyenne des réponses dans les 30 pays pris en compte est la plus opposée aux affirmations : 8 % des personnes interrogées ne trouvent pas important de faire vacciner les enfants, 17 % ne pensent pas que les vaccins sont sûrs et 11 % jugent qu’ils ne sont pas efficaces. Un scepticisme plus élevé que dans les régions Afrique, Amériques, Méditerranée orientale et Asie du Sud-Est.
A l’échelle des pays, le Bangladesh, l’Equateur et l’Iran plébiscitent l’importance des vaccins (0,3 % à 0,4 % de réponses négatives), à l’inverse de la Russie, de l’Italie et de l’Azerbaïdjan (14 % à 16 % de réponses négatives). Sur le plan de leur sécurité, le Bangladesh, l’Arabie saoudite et l’Argentine sont les pays où la confiance est la plus forte (0,2 % à 1,2 % de réponses négatives), à l’inverse du trio Japon, Bosnie-Herzégovine et France où de trois à quatre personnes sur dix expriment leur scepticisme concernant l’innocuité des vaccins. La moyenne de sceptiques dans les 67 pays est de 13 %.
Quant à l’efficacité des vaccins, l’Argentine, l’Ethiopie et l’Equateur sont les pays les plus convaincus ; à l’opposé, on trouve l’Italie, la Russie et, en tête de peloton, la Bosnie-Herzégovine. La moyenne sur l’ensemble des 67 pays est de 9 %.
Enfin, l’incompatibilité entre la religion et la vaccination est plus fortement exprimée en Asie – Vietnam, Thaïlande et surtout Mongolie (de 26 % à 46 % des répondants) –, alors qu’elle est la plus faible en Arabie saoudite, en Finlande et au Brésil. En moyenne, à l’échelle de l’ensemble des pays, 15 % des personnes interrogées considèrent que leur religion ne permet pas la vaccination.
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Dans l’ensemble, les réponses recueillies pour cette étude montrent une adhésion plus grande à l’importance générale des vaccins qu’à la garantie de leur innocuité : l’intérêt de vacciner, même avec un risque, limiterait le nombre de refus. De même pour l’efficacité des vaccins, qui rencontre plus d’approbation que de doutes sur leur sécurité, avec quelques exceptions, comme le Nigeria, le Ghana, le Pakistan, l’Indonésie et le Bangladesh.
« Nos résultats montrent que nous n’avons pas assez travaillé pour renforcer la confiance dans les vaccins, en particulier sur leur sécurité, en prenant en compte les données scientifiques mais aussi les perceptions, remarque Heidi Larson. Le scepticisme s’appuie davantage sur des émotions que sur des informations solides. »
Le difficile défi des vaccins pour adultes
Pour la chercheuse de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, il est « nécessaire d’approfondir la manière dont les vaccins ont été introduits dans les pays, et en particulier la façon dont la population a été impliquée et participe ». Heidi Larson cite l’exemple du Bangladesh, particulièrement confiant dans l’importance des vaccins infantiles : « La population a adhéré aux programmes dirigés par des membres des communautés locales. Elle a constaté les améliorations majeures de la santé des enfants, ce qui a renforcé l’adhésion. »
L’adhésion est moins forte en Afrique, « en raison probablement d’un niveau de confiance dans les gouvernements plus bas ». « La défiance à l’égard des vaccins reflète celle à l’égard de l’Etat ou ce qu’il contrôle,commente Heidi Larson. En France, qui est l’un des rares pays européens à maintenir certaines vaccinations obligatoires, il y a eu le cumul de plusieurs vaccins ayant suscité des doutes : vaccinations contre le papillomavirus, la grippe pandémique A(H1N1), et l’hépatite B, qui concernent une population plus âgée ou adulte. Les vaccins pour les adultes représentent le défi le plus difficile à relever. »
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L’étude a également pris en compte des paramètres comme le sexe ou l’âge. Il n’y avait pas de différence entre les réponses des hommes et des femmes, à l’exception de la question de l’importance des vaccins : les femmes étaient plus nombreuses à répondre positivement. L’âge joue dans l’appréciation de l’efficacité : les plus de 65 ans la reconnaissent davantage que les plus jeunes. Et les 25-34 ans croient moins que les 18-24 ans que les vaccins sont sûrs.
Les seniors sont également plus enclins à juger les vaccins compatibles avec leurs croyances religieuses que les répondants plus jeunes, mais « la religion en elle-même semble moins jouer contre les vaccins que lecontexte politique local », estime Heidi Larson.
avec lemonde