Des programmes hospitaliers de gestion des antimicrobiens (Antimicrobial stewardsh – AMS) bénéficiant d’un soutien adéquat de la part des hauts responsables et des gouvernements sont urgemment nécessaires en Afrique et dans les autres pays en développement pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens, estiment des experts.
Selon une déclaration de la Société Européenne de microbiologie clinique (3 avril), les experts de 13 pays, dont l’Argentine, le Kenya, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Royaume-Uni et la Suisse, ont défini des mesures uniformes pour les hôpitaux, afin de préserver l’efficacité des antimicrobiens dans le monde et de lutter contre la résistance aux antimicrobiens.
“Les pays à revenu faible ou intermédiaire n’ont pas de réseaux de surveillance pour détecter et mesurer la résistance aux antimicrobiens, ni les infrastructures de soins de santé.”
Gunturu Revathi, Hôpital universitaire Aga Khany
Les sept éléments clés des actions comprennent le rôle de leadership des cadres supérieurs des hôpitaux vis-à-vis des programmes de gestion des antimicrobiens, la responsabilisation et les responsabilités, les actions qui favorisent l’utilisation responsable des antimicrobiens ou des médicaments et la surveillance continue, ainsi que la rétroaction sur l’utilisation des antimicrobiens.
Les actions comprennent également 29 listes de contrôle sur les normes essentielles et minimales applicables aussi bien aux pays à revenu élevé qu’aux pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI) pour les programmes de gestion des antimicrobiens, en milieu hospitalier.
Selon Céline Pulcini, experte impliquée dans la mise en place des actions et professeur de maladies infectieuses au CHU de Nancy et à l’Université de Lorraine en France, les programmes de gestion des antimicrobiens dans tous les hôpitaux du monde sont une nécessité majeure en raison de la résistance aux antimicrobiens.
Avoir un bon point de départ est essentiel pour aider à identifier quelles mesures doivent être mises en œuvre, ajoute Céline Pulcini.
Gunturu Revathi, responsable du département de microbiologie à l’hôpital universitaire Aga Khan basé au Kenya, estime pour sa part que la RAM est un problème très sérieux à l’échelle mondiale.
“Les pays à revenu faible et intermédiaire n’ont ni les réseaux de surveillance pour détecter et mesurer la résistance aux antimicrobiens, ni les infrastructures de soins de santé pour gérer les patients souffrant d’infections bactériennes pharmacorésistantes”, explique-t-elle à SciDev.Net.
Le traitement des patients présentant des infections résistantes, selon Gunturu Revathi, est cinq fois plus cher. Les établissements de santé publique mal financés dans les PRFI ne peuvent pas relever le défi de la résistance aux antimicrobiens.
Selon elle, les raisons de la résistance aux antimicrobiens comprennent l’utilisation irrationnelle d’antibiotiques en médecine humaine et en agriculture, l’accès facile aux antibiotiques dans les pharmacies sans ordonnance et l’absence de mécanismes légaux pour enrayer l’utilisation irrationnelle des antibiotiques.
Figure 1. Dépenses nationales annuelles en matière d’antibiotiques, à l’échelle mondiale, 2010, en milliards de dollars.
Dépenses nationales annuelles sur les antibiotiques
Source: cddep.org (2010)
Selon Moses Alobo, directeur de Grand Challenges Africa (un programme visant à inspirer l’innovation et avoir un impact significatif sur les principaux problèmes de santé en Afrique) à l’Académie africaine des sciences (AAS), le renforcement de la surveillance mondiale de la résistance aux antimicrobiens est essentiel pour informer les stratégies mondiales, surveiller l’efficacité de la santé publique et détecter les nouvelles tendances et menaces.
Moses Alobo estime par ailleurs que de bons programmes de gestion des antimicrobiens favorisent la surveillance des antimicrobiens, contribuant ainsi à réduire les effets secondaires indésirables et à profiter aux patients.
Jay Berkley, chercheur principal au Kenya Medical Research Institute, spécialisé dans les maladies infectieuses, affirme que les programmes de gestion des antimicrobiens doivent être soutenus par un véritable engagement gouvernemental, une éducation en santé communautaire, une formation initiale et continue obligatoire, ainsi qu’une accréditation des hôpitaux et des cliniques.
“À bien des égards, les systèmes de santé, y compris la chaîne d’approvisionnement et les installations de base telles que les lavabos, sont difficiles”, ajoute-t-il, estimant que les programmes de gestion des antimicrobiens sont essentiels aux PRFI parce que la résistance aux antimicrobiens affecte de manière disproportionnée les zones pauvres en ressources, qui manquent de diagnostics et ont des patients qui n’ont pas les moyens de se procurer d’autres médicaments coûteux.
Avec scidev