Du beurre français en rupture de stock, des courgettes venues d’Espagne, des conserves made in UE… A arpenter les magasins spécialisés fin mars, les défis du bio tricolore sautaient aux yeux. La France a beau être le troisième grenier AB de l’Europe, après l’Italie et l’Espagne, le pays peine à suivre l’engouement des consommateurs. Nos 32.000 fermes certifiées n’y suffisent pas : on manque d’oeufs, de lait ou encore de viande…

Pourquoi les paysans ne s’y mettent-ils pas ?

Il y a d’abord des raisons de coûts. Cette culture spécialisée exige plus de main-d’oeuvre et d’espace que la conventionnelle pour atteindre un même niveau de production. Sans engrais pour booster la récolte, ni pesticides pour la protéger, le rendement de 1 hectare de blé bio serait par exemple de 3 tonnes… deux fois moins que dans une exploitation classique. Mais il y a aussi une question de temps. Convertir une ferme demande deux à trois ans, une durée nécessaire pour nettoyer les sols des pesticides et respecter le cahier des charges. Des subventions doivent aider les agriculteurs à supporter l’attente et susciter ainsi des vocations… Mais une bonne partie n’a pas été versée en 2016. Un bug parmi d’autres sur le marché.

Bio… mais qu’un peu

Surprise pour qui se penche sur la composition de filets de cabillaud panés bio : si la chapelure est bien bio, le poisson ne l’est pas du tout ! Même étonnement avec les filets de maquereaux à la moutarde ou les sardines à l’huile d’olive. A chaque fois, seul l’assaisonnement est garanti AB. Même s’ils sont vendus en magasins spécialisés, c’est en fait le cas de tous les produits à base de poissons sauvages ou d’animaux chassés, des matières premières par définition impossibles à certifier. Ces produits peuvent disposer au mieux du logo pêche durable du MSC, qui vise notamment à limiter la surpêche.

SP

Bio… mais repassez la semaine prochaine

Pour espérer trouver du beurre bio en décembre dernier, il fallait croire au Père Noël. “Personne n’en avait en magasin, admet Brigitte Brunel Marmone, patronne de La Vie Claire.” Volaille, crèmes, oeufs… Bien des produits manquent régulièrement en rayon. Logique, compte tenu de la demande élevée et d’une offre limitée. Mais très frustrant pour les enseignes, qui ratent ainsi des ventes faciles. Du coup, tout est bon pour sécuriser les approvisionnements ! Elles signent des contrats en direct avec les producteurs en s’engageant, au moins un an à l’avance, sur un volume et un prix d’achat. “Pour encourager les conversions d’agriculteurs, des chaînes spécialisées acceptent aussi d’acheter à un bon prix des légumes qui ne sont pas encore certifiés”, raconte Jonathan Heyndrickx, de la coopérative Norabio. Et certains créent même des filières. Il aura fallu cinq ans, mais Biocoop a ainsi constitué un réseau de producteurs et de transformateurs de lait de chèvre français.

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Bio… mais à manger rapido

Notre test est éloquent. Fin mars, nous avons placé deux citrons, l’un bio, l’autre non, dans les mêmes conditions de conservation, légèrement au soleil. Au bout de quelques jours, le bio présentait ses premières petites taches blanches et après deux semaines, voilà le résultat… Le fruit AB est donc à consommer rapidement… et c’est plutôt rassurant ! Car, pour si bien tenir, les citrons standards sont souvent trempés dans un bain de fongicides puis dans de la cire. Un type de pratiques interdites dans l’agriculture biologique. Mais, pour limiter la casse, les paysans spécialisés dans le bio expérimentent des solutions alternatives. Comme la thermothérapie : pommes et pêches sont plongées dans l’eau chaude, asperges et cerises dans un bain glacé. Une fois les produits en rayon, les commerçants ont aussi leurs astuces. “Certains magasins vont mettre des plateaux réfrigérés, d’autres ont installé des brumisateurs…”, énumère Claude Gruffat, patron des Biocoop. Heureusement, le problème ne se pose pas à tous les rayons ! Pour les aliments pasteurisés (produits laitiers), séchés ou congelés, les industriels assurent qu’il n’y a aucune différence de date limite de consommation.

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Bio… mais pas clair

“Le bio, c’est d’abord une obligation de moyens, et non de résultats”, rappelle Stéphanie Pageot, présidente de la Fédération nationale d’agriculture biologique. Traduction ? Le label européen (une feuille étoilée sur fond vert pomme) ne certifie pas que tel ou tel produit est dénué de tout pesticide mais que le producteur met en oeuvre les conditions pour cultiver sans OGM, sans pesticides ni engrais chimiques et nourrir les bêtes avec une alimentation en partie bio… Il stipule qu’un organisme de certification est venu vérifier, lors d’un contrôle prévu ou inopiné, le respect des règles. Mais celles-ci sont jugées insuffisantes par certains agriculteurs qui militent pour d’autres labels plus exigeants. Nature & Progrès, Bio-Cohérence ou encore Demeter. Pour limiter les risques de contamination en pesticides, ces derniers veulent interdire la mixité des productions conventionnelles et bio dans certaines exploitations. Et certains exigent aussi la prise en compte de facteurs plus sociaux, comme la rémunération de la main-d’oeuvre, les conditions de travail….

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Bio… mais cultivé à l’autre bout du monde

A la mi-mars, dans les rayons bio des supermarchés, on trouvait des courgettes venues d’Espagne, des bananes de République dominicaine, des mangues du Mexique… Au total, 42% des fruits bio sont importés ! Bien sûr, il y a ceux qui ne poussent pas sous nos latitudes. Mais pour d’autres, il suffirait d’attendre la bonne saison. Par conscience écologique – les importations globales sont à l’origine de la moitié de l’empreinte carbone des Français – plus que par souci d’une garantie bio. Car, même à l’autre bout du monde, les exploitants doivent passer par une série de certifications annuelles menées par des organismes reconnus par l’UE, comme Ecocert ou Bureau Veritas. Factures des semences, carnet d’élevage, étiquetage… tout est scruté.

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