Après de multiples rencontres entre les émissaires des deux pays, Donald Trump et Kim Jung Un se rencontreront lors d’un nouveau sommet, les 27 et 28 février prochains, à Hanoï. A en croire la communication officielle, ce second sommet devrait être dédié à la dénucléarisation de la Corée du Nord (RPDC), pourtant rien n’est moins sûr. Plus la date du sommet approche et plus les déclarations des deux parties s’éloignent de la thématique nucléaire et glissent vers le domaine de l’économie.
Côté Américain, le 15 février dernier, Donald Trump a vanté « l’énorme potentiel économique » de Pyongyang (1); côté RPDC, l’organe de presse officiel, le Rodon Simmun, annonçait que le pays était dorénavant arrivé à un tournant historique, appelant les citoyens à se mobiliser pour améliorer l’économie.
Déjà en juin 2018, à Singapour, lors du premier sommet Trump/Kim Jong Un, le nucléaire n’avait pas été le sujet central, il n’avait fait l’objet que d’une déclaration de principe concernant une volonté de dénucléarisation de toute la péninsule coréenne, sans calendrier ni objectif clairement définis (2). Si le démantèlement de l’arsenal nucléaire et balistique de Pyongyang avait été annoncé comme une priorité par le Président Donald Trump, Kim Jong Un avait répondu par une vague promesse et à la fin de cette rencontre « historique » les deux parties s’étaient quittées sans rien signer.
Quelques mois plus tard le 19 septembre 2018, le secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, annonçait, dans un communiqué, qu’il était prêt à reprendre les négociations avec son homologue nord-coréen, Ri Yong Ho, en marge de l’Assemblée annuelle de l’ONU, afin de parvenir à la destruction totale de l’arsenal nucléaire et balistique nord-coréen, d’ici la fin janvier 2021.
Mais cette déclaration est-elle réaliste ? Non, selon le meilleur spécialiste américain de cette question, le professeur Siegfried Hecker. Dans un rapport de l’université de Stanford publié en juin 2018, il écrit : « un tel arsenal (37 bombes nucléaires dont 15 certainement fonctionnelles) ne peut être détruit avant dix ou quinze ans et seulement dans le cas où il y aurait une volonté réelle des deux parties d’aller dans ce sens.» (3)
Y a-t-il une volonté réelle ? Il est possible d’en douter, car le sujet de la dénucléarisation ne semble guère avoir avancé lors des pourparlers entre Mike Pompéo, Kim Jong Un et Ri Yong Ho pendant le deuxième semestre 2018.
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), le Renseignement américain et le Center for Strategic and International Studies (CSIS), mettent également en doute le réel engagement de la RPDC dans la voie de la dénucléarisation. Dans une étude publiée le 12 novembre dernier, le CSIS a dénombré treize sites secrets de stockage de missiles balistiques de portée intermédiaire « Musudan » à capacité nucléaire, dont un, situé à 250km au nord-ouest de Pyongyang (4).
Devant la Commission des services armés du Sénat américain, le 12 février dernier, le général commandant les forces américaines en Corée, Robert Abrams, et l’amiral, commandant en chef de la zone Indopacifique, Philip Davidson, ont, eux aussi, émis des doutes sur la volonté réelle de Pyongyang de dénucléariser, n’ayant constaté aucun progrès tangible de démantèlement des structures ; Philip Davidson plaçant encore la Corée du Nord comme la première des cinq menaces nucléaires pesant sur la zone Asie ! (5)
En janvier 2019, Dans une vidéo diffusée sur Youtube, le commandement des forces américaines au Japon (USFJ), n’ a-t-il pas finalement reconnu la RPDC comme puissance nucléaire, détentrice de 15 bombes fonctionnelles ? (6) Lors des auditions devant la commission des services armés du Sénat, le général Abrams et l’amiral Davidson ont par ailleurs affirmé que ce sont les rencontres entre les deux dirigeants coréens, et leurs délégations militaires de haut niveau, qui avaient réellement permis une détente dans la péninsule et amenés les Américains à envisager une nouvelle rencontre entre Donald Trump et Kim Jong Un, axée sur une situation globale.
Quels sont les objectifs des deux parties ?
En acceptant ce type de sommet, Kim Jong Un vise l’obtention de garanties sécuritaires : une déclaration de paix par la partie américaine et un traité de paix signé entre les USA, la Chine et les deux Corée. Ce n’est que lorsqu’il aura obtenu ces avancées, avec à la clé, la levée des sanctions économiques, qu’il s’engagera, peut-être sur le long chemin de la dénucléarisation.
Pour rappel, aucun Etat, à ce jour, ne s’en est débarrassée après de vagues promesses. Le leader de la RPDC veut la paix, avec son corollaire la fin des sanctions, pour pouvoir redresser son économie et être connecté au marché mondial. Il joue la fibre sensible de Donald Trump : le business et il le sait intéressé par les richesses de son sous-sol (7).
Quant aux Américains, ils poursuivent leur bras de fer économique avec Pékin et cherchent à écarter au maximum la Chine du marché nord-coréen en devenir. Dans ces conditions, il y a fort à parier que ce nouveau sommet accouchera d’une réduction marginale de la force nucléaire nord-coréenne, communication oblige, mais sera surtout l’objet d’accords commerciaux qui verront le jour à la minute où les Américains lèveront leurs sanctions économiques. Et malheur à ceux qui n’auront rien vu venir et ne se seront pas placés…
Séoul a, d’ailleurs, bien compris ce qui se jouait en coulisses. Le 8 février dernier, les Coréens du Sud ont signé avec la RPDC, 225 projets économiques pour un montant de 12 milliards de dollars d’investissements d’ici 2030 (8). Au menu : des interconnexions ferroviaires et routières, le déminage d’une partie de la Zone Frontalière et à terme un gazoduc allant de Russie en Corée du Sud via le Nord…
Avec reseau international